mercredi 15 mars 2017

Au-delà de la légende

Joss aime la musique. Pour cette nouvelle carte blanche, mon amie cinéphile s'est donc penchée sur le cas Dalida. Je trouve chouette qu'elle ait choisi de vous parler d'un autre film que je n'ai pas vu. Sans plus attendre, je me fais donc une joie de lui laisser la parole...

Janvier 2017, à 8h45, boulevard des Capucines, bref passage à Paris quelques jours après la sortie du film. Libérée par chance plus tôt que prévu d'un rendez-vous administratif, j'ai repéré la première séance de la journée: celle de neuf heures ! Elle est faite pour moi. En ce samedi matin ensoleillé mais glacial, les rues sont quasiment désertes, et presque aussi devant l'Opéra pourtant sublime sous les premiers rayons. Je cours... j'ai rendez-vous avec Dalida dont j'ai arpenté le quartier pendant des années. À l'époque, j'habitais tout près de sa maison, juste sous la butte Montmartre. Et ce matin, je vais la retrouver ! Nous sommes trois à la retrouver. Dans cette salle immense, nous nous effaçons définitivement.

Combien de documentaires sur Dalida ont défilé pendant toutes ces années ? Un nombre considérable. Ce film biographique marque l'anniversaire des trente ans de sa mort. C'est une fiction, la première, et elle ne ressemble en rien aux produits sortis jusque-là. Mais en dépit des images d'archives, pas une fois je n'aurai la sensation de déjà vu. Ce long-métrage est une oeuvre picturale, une pièce unique qui ne s'apparente à aucune autre. Pas même à Dalida ? C'est bien là sa particularité. Lui est-elle fidèle ? J'en doute. Dans son ensemble sûrement, pas dans le détail, pas dans sa démonstration du personnage. Lisa Azuelos a livré à son film sa propre vision de Dalida comme Picasso peignait son Olga ou sa Dora Maar. Comme Picasso les voyait, les considérait (ou pas). Ainsi ai-je vu se dessiner une remarquable Dalida qui, sans jamais effacer l'originale, m'est apparue très particulière. C'est-à-dire à l'opposé de la masse des critiques que je n'ai pu éviter: "Un biopic aux allures de clip, incapable de dépasser les faits pour pénétrer la légende" et "dénué d'émotion" selon le Figaro. "Trop académique et embrassant une à une les conventions de forme et de narration les plus éculées du genre" chez Libération...

Relater à la lettre les déclarations de confrères n'apporterait rien si ce n'est définir ici le parfait reflet de leurs antipodes. Et ce n'est pas parce que dresser le portrait d'une star aussi investie par les médias est tâche évidemment ardue que je trouve le film bon. Pas du tout. J'y ai simplement découvert une âme réelle, une empreinte belle, sincère et forte. Alors que la réalisatrice (la fille de Marie Laforêt) nous avait jusqu'à présent habitués à des peintures légères de thèmes quotidiens - relations mère-ado dans LOL, amours et amitiés dans Comme t'y es belle ! -, elle aborde cette fois un synopsis lourd de désespoir (Orlando, frère de Dalida, y apporta sa collaboration rapprochée). Et pourtant, on y reconnaît sa légèreté, sa douceur, sa vivacité... les mêmes peut-être qui ont fait fuir les journalistes. Quant à moi, j'ai aimé.

Enfance au Caire entre famille tendre, père violoniste adoré et relations difficiles à l'école. Iolanda se sent laide et rejetée. Tragédie du père exilé dans le désert (Italien dans une Egypte occupée par la Grande-Bretagne, elle-même en guerre avec l'Italie) qui en reviendra traumatisé, malade et violent. Installation familiale à Paris sans lui et premier succès à l'Olympia, Dalida est née. Les débuts d'un long triomphe associé à un combat de presque tous les instants pour s'accomplir dans l'amour à deux, ce qu'elle n'atteindra jamais selon ses propres exigences. Et surtout cette immense souffrance enracinée en elle depuis l'origine. Lorsqu'elle déclarera "porter malheur" à ses hommes, nul besoin de chercher à percer davantage la fameuse légende. Dalida ne les voit pas tels qu'ils sont. Généralement écorchés vif, ils se laissent gâter, porter, par la bella donna qu'ils ne connaissent pas réellement. Non pas qu'ils n'aient été sincères, mais furent-ils de taille à affronter une telle partenaire, brillante à la scène et tellement en attente de l'autre ? C'est là justement qu'intervient la particularité du casting.

La magnifique Steva Alviti génère une énergie et une sincérité précieuses (sa voix sonne comme un cours d'eau, cristalline et profonde à la fois, tellement chaude et vivante), au rythme influencé par ce même schéma chronologique qui a tant déplu. Malgré tout, l'aller-retour entre l'interrogatoire policier que l'on sait intervenir après le suicide abouti de la star en 1987, et toutes les étapes passées, n'est pas si attendu à mes yeux. Le seul point sur lequel on pourrait trouver à redire au sujet de l'actrice (mannequin italien méconnu) serait peut-être sa beauté fulgurante - traits fins, silhouette fluide, charme juvénile. Nulle trace en tout cas de la cougar des dernières années de la vraie Dalida. Exit ce reproche, le casting est encore admirable. Jean-Paul Rouve en Lucien Morisse (patron de la nouvelle radio Europe n°1) y est exceptionnel, Ricardo Scarmacio (son frère Orlando incroyablement ressemblant), Patrick Timsit (Bruno Coquatrix rondouillard bienveillant pour le directeur général de l'Olympia), Vincent Perez (producteur Eddie Barclay) et, bien entendu, Nicolas Duvauchelle (comte de Saint-Germain impayable en caricature des années 70, pattes d'eph', talonnettes et manteaux longs)...

Plus de deux heures que je n'ai pas vu passer tant le plongeon m'a émue et ravie. Il fallait bien ça pour supporter le tapage autour de cette sortie. Cela ne se reproduira pas de sitôt, histoire de vous assurer pour les prochaines éditions de quelques chroniques italiennes beaucoup plus confidentielles. À bientôt !

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Oui, à bientôt, Joss, et merci à toi pour cette nouvelle chronique ! Chères amies, chers amis... vous pouvez aussi lire les précédentes:
- Sing Street / John Carney / 2016
- La bûche / Danielle Thomson / 1999
- Journal intime / Nanni Moretti / 1991
- et d'autres encore à découvrir de lien en lien...

18 commentaires:

Pascale a dit…

J'ai trouvé ce film ennuyeux au possible.
J'avais préféré le téléfilm de Joyce Bunuel, moins larmoyant même si la vie de Dalida n'a pas été une partie de plaisir.
J'ai moi aussi habité des années Montmartre mais je dis plutôt que j'étais la voisine de Jean Marais. Quel bonheur de le croiser. Alors que Dalida ne sortait pas de son moulin... Ou n'y étais pas.

Chagaz' et vous? a dit…

à première vue je ne pense pas aller voir ce film...
à dire vrai, la vie de Dalida, réélle ou fictive n'est pas dans mes envies cinématographiques - je me contente juste de chanter "Gigi" à mes enfants de temps en temps et cela me suffit.

Ce étant, merci à Joss pour cet article, hâte de lire d'autres chroniques.

Martin a dit…

@Pascale:

Je n'ai vu ni l'un ni l'autre et il m'est donc impossible de trancher.
Merci pour l'anecdote people. Je peux comprendre que tu préfères Jean Marais. Moi aussi.

Martin a dit…

@Chaga:

Hé coucou ! Cela fait plaisir de te voir "passer" ici.
Je laisserai Joss te répondre si elle en a l'occasion. D'autres de ses chroniques sont prévues.

Quant à Gigi... j'ai imaginé la tête de tes marmots et ça m'a fait riiiiiire !

GirlyMamie a dit…

Les critiques sont dures. Je suis contente de voir un avis positif. Le film me fait envie, Dalida était une personnalité très touchante.

Martin a dit…

Je ne suis pas très surpris des critiques négatives.
Les blogueurs sont généralement assez durs avec les biopics français...

Pour ma part, le film ne m'a pas attiré, mais je n'exclus pas de le rattraper un jour.

Pascale a dit…

On ne peut pas dire que ta rédactrice soit passionnée pour répondre aux commentaires. Cela dit j'ai tellement pas aimé ce film !

Martin a dit…

Effectivement, Joss ne passe ici que de temps en temps.
Je la vois très bientôt: je lui dirai que ses lecteurs la réclament.

Pascale a dit…

Non non je ne réclame pas, je constate mais j'ai (et toi aussi) comme "principe" de répondre à TOUS les commentaires que je crois qu'elle ne l'a peut être pas compris ou que ça ne l'intéresse pas ou (air connu) qu'elle est débordée... Mais au fond cela ne me regarde pas mon ptit Jean mimi :-) c'est ton gueblo. En plus ce film...
C'est juste que comme ton système d'étoile est un mystère non élucidé :-))) mais j'ai mes limiers surle coup, cete rubrique aussi.

Pascale a dit…

Donc non ne la dérange pas pour moi. Merci.

Martin a dit…

@Pascale:

Je pense tout simplement qu'elle passe beaucoup moins de temps sur le Net que toi et moi.
Quant aux étoiles, elle n'en met pas, elle. C'est peut-être plus simple, au fond.

Martin a dit…

@Pascale encore:

Et de rien ! Ouais, du coup... de rien !

Joss a dit…

Je remercie ceux qui ont répondu à la critique de Dalida. Et oui Chagaz, Gigi fonctionne toujours ! J'avais écrit une réponse à Pascale très vite mais mal enregistrée, et elle n'est pas passée. Mal m'en a pris, car après plusieurs jours sans passage sur le blog et déjà fautive d'avoir choisi un film qui ne l'intéressait pas, je me suis vue excommuniée deux fois ! Diantre. Tu as raison sur toute la ligne, Pascale. D'autant plus que tu fus approuvée par toute la critique française au sujet du film, alors sois-en bénie ! Malgré la critique amère de la presse, j'avais tenu à évoquer mon avis contraire, émotivement contraire. J'ai même été surprise de trouver l'avis positif de Girly. Non, Martin ne m'a pas sortie de mon boulot pour me ramener par les cheveux devant le blog, mais maintenant que je réalise les efforts qu'il a déployés sans me le dire pour défendre ma cause devant l'assidue, je pose volontairement ma tête sur son billot(tu attends la fin des élections cher Martin, pour savoir si tu as le droit ou pas de laisser tomber le couperet pour absence prolongée ?)et ma survie ne tient plus qu'à un fil... ou à un film ! Le prochain, on va dire. Bises à tous. Joss

Martin a dit…

Les avis contraires auront toujours leur place ici, Joss.
De tête sur le billot, il ne saurait être question. On sait ce que peuvent donner les révolutions culturelles...

J'ai bien hâte de lire ton prochain texte, en tout cas.
Les absences prolongées du côté des commentaires sont d'avance toutes pardonnées.
D'ailleurs... pourquoi diable parler de faute à ce sujet ?

Pascale a dit…

Cette overdose de religion et cette auto-flagellation (fautive, excommuniée, bénie...) m'ont bien amusée mais je ne devrais pas, c'est trop cruel !

Moi j'ai trouvé que la critique s'était en partie emballée pour ce film qui n'a pas pourtant pas trouvé son public ému...
http://www.allocine.fr/film/fichefilm-190557/critiques/presse/

Quant à GirlieMamy je crois comprendre qu'elle a envie de voir le film mais ne l'a pas encore vu.

Allez, trois pater et deux ave et on en parle plus !

Et désolée, mais je n'embrasse pas au premier rendez-vous.

Martin a dit…

... et pas non plus au deuxième, si ?
Si tu commences à citer les avis Allociné comme référence, on n'est pas fauché !

Pascale a dit…

Au deuxième, j'épouse :-)

Ben c'est le seul endroit où je trouve les avis résumés des encartés rassemblés et j'estime qu'ils étaient plutôt enthousiastes. Ils ont dû être payés ou ils ont couché.

Martin a dit…

Ah bon ? D'accord.
No comment sur les encartés. Je ne les lis plus guère.