D'accord, le cinéma français est largement subventionné au niveau étatique. OK, le septième art américain bénéficie très fréquemment du concours de plans marketing bien rodés. Ces deux arguments peuvent sans doute partiellement expliquer pourquoi, à l'exception peut-être de quelques productions asiatiques, on voit encore si peu d'oeuvres venues d'autres pays. Je regrette en fait qu'on ne fasse pas davantage de petits efforts d'importation, ne serait-ce qu'au profit de créations francophones. De mon point de vue, l'idée d'un Eldorado québécois s'entend aussi en cinéphilie. C'est ce qui pourra m'amener à vous parler de ce cinéma-là, et à chaque fois qu'une occasion apparaîtra. Exemple ce soir avec La face cachée de la lune, film découvert dernièrement... à la télé, et grâce à mon ami Philippe.
Philippe, c'est ici aussi le prénom du héros, personnage qu'interprète un dénommé Robert Lepage. Détail surprenant: l'enfant de Québec s'est largement investi, puisqu'il est également le réalisateur du film, dont il assure au surplus l'autre rôle principal, celui d'André, star inconséquente des spots météo télévisés et frère (gay) de Philippe ! Difficile d'imaginer deux êtres plus différents au premier regard. Surprenant, mais pas si compliqué à suivre, le scénario de La face cachée de la lune, lui, tourne essentiellement autour du frangin numéro 1. Enfant solitaire, l'intéressé est progressivement devenu un adulte taciturne, d'autant plus déprimé que sa mère est morte quelques jours avant le début du récit. Son intention est de soutenir une thèse universitaire selon laquelle le narcissisme serait à l'origine de la conquête spatiale. Si la vérité est ailleurs, Philippe la cherche aussi en tentant de rencontrer un cosmonaute russe ou en préparant un message à destination d'éventuelles créatures extra-terrestres. Une logique bien à lui. En attendant de décrocher son diplôme, et pour joindre les deux bouts sans toucher un sou de l'héritage maternel, ce curieux personnage travaille dans un centre d'appel téléphonique pour vendre des abonnements à un magazine. Bof...
Vous êtes en droit de penser que tout cela est d'une banalité confondante. Je pense, moi, que ce serait une erreur de votre part. Effectivement, sous un aspect neutre, La face cachée de la lune cache une certaine réflexion sur l'homme d'aujourd'hui et les doutes fondamentaux qui peuvent l'habiter à différentes périodes de sa vie et pour X raisons. De fait, endeuillé et ombrageux, Philippe doute. Des autres et de lui, c'est une évidence. Cet état de fait contribue largement à ce qu'on puisse s'identifier à lui, non pas nécessairement à 100% mais au moins en partie et en réalité par une comparaison avec ses propres failles. Ce chemin tortueux d'un austère binoclard vers une certaine lumière peut, je crois, toucher diverses sensibilités et en rassurer quelques-uns sur la hauteur relative des obstacles réels ou supposés de leur propre parcours. L'ensemble étant nimbé d'une étrange poésie, et s'achevant joliment sur un message relativement optimiste, je crois possible d'apprécier le spectacle. Resterait donc alors à espérer que d'autres oeuvres québécoises déboulent bientôt sur nos grands écrans bleus-blancs-rouges. Chiche ? Notez qu'à l'origine, celle-là était... une pièce de théâtre !
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