mercredi 15 avril 2020

Noir de Chine

Le point de départ de Black coal est sordide: des bouts de cadavre sont retrouvés dans différents lieux de la Chine. L'inspecteur Zhang mène l'enquête, mais c'est un fiasco: l'interrogatoire de deux suspects débouchant sur une fusillade, les intéressés et deux flics sont tués. Cinq ans après, Zhang a sombré, mais il lui faut reprendre le boulot...

Je n'ai jamais prétendu détenir la vérité, mais je dois dire aujourd'hui que j'ai du mal à comprendre les critiques plutôt fraîches que j'ai lues sur Black coal (après l'avoir vu). Le fait est que les critiques pro s'avèrent plutôt élogieuses, que le film a par ailleurs reçu l'Ours d'or au Festival de Berlin, mais qu'il franchit mal le cap "grand public". Parce qu'il y a un malentendu ? Peut-être. Je pense qu'il est préférable d'apprécier tout cela non pas comme un polar, mais comme un récit sociologique, ancré dans la réalité de la Chine du XXIème siècle. Évidemment, c'est vraiment loin d'être réjouissant: le supposé héros est plutôt un marginal et la relation qu'il entretient avec une suspecte fait de lui un personnage à tout le moins ambigu. Cette complexité est une limite pour le film: il faut certes s'accrocher pour suivre. Maintenant, en posant le regard sur les à-côtés, je trouve qu'il y a ici beaucoup des choses à découvrir et à apprécier. Autant le dire, donc !

Une chose est sûre: malgré la noirceur, la mise en scène est superbe. Dès les premiers instants, j'ai vu des idées de cinéma assez rares pour apporter une certaine originalité. Exemple: une scène d'amour qu'on n'appréhende que par le son et l'image de la tête de lit, agitée par une série de soubresauts réguliers. Je repense aussi à une scène sur une patinoire en plein air, filmée de nuit, où les glissements finissent par largement dépasser la limite étroite des balustrades. Oui, Black coal est une oeuvre d'une inventivité certaine, influencée par d'autres, sûrement, mais qui a su éviter le piège du tape-à-l'oeil. L'équilibre se maintient de justesse, mais cet aspect-là des choses m'a vraiment séduit face à ce que je pourrais appeler le côté formaté d'un certain cinéma occidental. Bon... il en faut pour tous les goûts ! Je suis allé vérifier: depuis 2010, je vois entre un et trois films chinois chaque année. J'espère avoir ainsi débuté un bon millésime...

Black coal
Film chinois de Diao Yinan (2014)

Moins strictement policier que le coréen Memories of murder, ce film âpre et complexe en reprend certains codes esthétiques et narratifs pour explorer une noirceur à laquelle nous ne sommes guère habitués. Est-ce en revanche révélateur de l'état du cinéma chinois ? Possible. L'acteur - Liao Fan - est le même que dans le récent Les éternels. Mystery m'est également revenu en mémoire pour l'aspect glauque... 

----------
Pour relativiser mon propre jugement...

Vous pourrez également lire les avis de Pascale, Dasola, Strum et Lui.

4 commentaires:

Pascale a dit…

J'ai détesté ce film et ses personnages antipathiques, ses scènes sans interet ni explucation. L'ennui s'est abattu sur moi irrémédiablement.
Le lac aux oies sauvages bénéficie du même engouement. Je m'y suis autant ennuyée mais j'ai aimé la beauté des images, celle de lacteur principal, une certaine course poursuite, la fin TRÈS belle et la plus belle réplique de l'année : rejoins moi au lac, je te trahirai là-bas... Mais que c'est long, compliqué, ennuyeux !
Je ne compte pas le nombre de films chinois et asiatiques que je vois, c'est un de mes cinémas favoris.

Martin a dit…

Merci pour ta franchise, Pascale.

Je ne connais pas suffisamment le cinéma chinois (et asiatique) pour être sûr que c'est toujours le cas, mais une bonne partie des films - et des polars - qui nous parviennent de ces pays me semblent laisser une bonne part au mystère et du temps pour la contemplation. Parfois, comme ici, c'est assez glauque et franchement pesant. Mais c'est un style qui, je l'avoue, me convient et, parfois, me plaît: j'y vois une représentation plus crue et plus réaliste de ce que sont vraiment la vie là-bas et la criminalité.

Ici, en prime, quelques scènes inexplicables - la fin, notamment - apportent une touche onirique (cauchemardesque !) que j'ai trouvée bienvenue. Mais je peux tout à fait comprendre que l'on passe à côté avec indifférence ou déplaisir: pour moi non plus, ça ne "marche" pas à tous les coups. Dès lors, je pense que je verrai un jour "Le lac aux oies sauvages", mais je ne cours pas après.

Strum a dit…

Un film maitrisé mais très noir en effet, qui donne une image très dure de la société chinoise. J'avoue que cela ne m'a pas tellement donné envie de voir Le Lac... Merci pour le lien Martin.

Martin a dit…

Pas de quoi pour le lien. Nous sommes d'accord.
Je me dis que la réalité de la société chinoise ne doit pas être très différente.