samedi 29 août 2015

Franco est mort

Une très flatteuse réputation a précédé la sortie de La isla mínima dans les cinémas de France. En février dernier, le film a été couronné de dix Goya, l'équivalent espagnol de nos César. J'ai eu très envie d'aller me frotter à ce polar andalou après avoir vu sa bande-annonce. Premier constat: s'il m'a alors fallu attendre deux grosses semaines avant de les voir toutes, la promesse des belles images a été tenue...

Un mot sur l'intrigue, d'abord. Depuis Madrid, deux flics, Juan Robles et Pedro Suarez, sont missionnés dans les marais du Guadalquivir pour enquêter sur la disparition de deux soeurs adolescentes. L'enquête débute sous un soleil de plomb et, rapidement, les gamines sont retrouvées mortes. On comprend qu'elles auront été des filles faciles, prêtes à tout pour quitter une région d'une grande pauvreté. C'est en tout cas ce qui est suggéré aux enquêteurs, par des voies détournées, et ce que peut confirmer le négatif soudain retrouvé d'une série de photos compromettantes. Il est important que j'indique maintenant que l'action est censée se dérouler à l'automne 1980. Rappel historique: après 36 années de dictature, le général Franco n'était alors mort que depuis cinq ans et la démocratie espagnole renaissait à peine, sous la conduite du roi Juan Carlos. La richesse narrative de La isla mínima tient (aussi) à cet arrière-plan politique.

C'est en réalité la force et la possible faiblesse du long-métrage. Objectivement peu au fait de ces aléas historiques, il m'a semblé qu'ils enrichissaient le scénario, mais je les ai aussi trouvés expliqués trop sommairement pour parvenir à emballer le film vers autre chose qu'un bon petit thriller des familles. J'aurais sûrement mieux apprécié cette caractéristique du film si j'avais été espagnol. Bon... tant pis ! Même s'il paraît laisser quelques pistes inabouties, La isla mínima offre tout de même une intrigue solide et une forme très soignée. Comme d'autres, j'ai été fasciné par les magnifiques plans aériens proposés dès le début: c'est presque à regret que j'ai laissé la caméra me ramener ensuite, d'un raccord parfait, sur la terre des hommes. Réussite incontestable: la beauté panthéiste de la nature demeure tout au long du film, comme pour souligner que les créatures vivantes n'ont prise que sur peu d'éléments et révéler ainsi combien leurs actes sont, le plus souvent, laids et vains. Au final, une fois la lumière rallumée, ce sentiment qu'il a juste manqué un petit quelque chose...

La isla mínima
Film espagnol d'Alberto Rodriguez (2014)

Une étoile tronquée pour l'incompréhension et la (petite) frustration. J'aimerais que le système français permette de voir d'autres films espagnols, sans attendre leur hypothétique consécration nationale. Sur les trois opus précédents d'Alberto Rodriguez, un seul est sorti dans... huit (!) de nos salles. La isla mínima est donc jugée à l'aune de la série américaine True detective, pourtant sortie ultérieurement.

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Une précision d'ordre artistique...

Je n'en ai rien montré ici pour vous laisser les découvrir seuls. J'aimerais juste souligner que les plans aériens du début du film mettent en avant le travail du photographe espagnol Hector Garrido. D'autres images s'inspirent très manifestement des clichés d'Atin Aya.

Et si vous voulez compléter cet avis...
Vous pouvez faire un petit tour chez Pascale et/ou chez Dasola. Sentinelle lui a donné quatre étoiles... sans écrire de chronique dédiée au film. Tina, enfin, se montre très enthousiaste à son égard.

4 commentaires:

princécranoir a dit…

Même teintée de réserves, cette chronique positive me fait enrager plus encore d'avoir laisser filer la possibilité de cette île. Je me suis rabattu sur le blabla car de Joann Sfar, charmante compagnie mais aucune conversation.

Anonyme a dit…

Raaah tu le sais (et merci pour le lien !), j'ai adoré ce film, un de mes chouchous cette année !

Martin a dit…

@Princécranoir:

J'ai moi-même voulu tendre le pouce pour rejoindre la dame dans l'auto, mais je n'ai pas fait assez vite et son bolide a filé comme le vent. J'aurai peut-être une autre chance, qui sait ? Quant à toi, gageons que tu iras bien tôt ou tard faire une virée du côté des marais andalous...

Martin a dit…

@Tina:

Effectivement, je suis presque sûr qu'on le retrouvera haut classé dans tes préférences 2015. Je dois admettre que, côté polar, c'est sûrement ce que j'ai vu de mieux au cinéma depuis longtemps.