lundi 10 mars 2014

Noirs et blancs

Les rayures du zèbre... quand j'ai appris que Benoît Mariage préparait un nouveau film, il s'appelait encore Akwaba, ce qui veut dire "bienvenue" en baoulé, l'une des langues de la Côte d'Ivoire. L'explication vient à la toute fin de l'histoire. En attendant, je veux dire que l'image de comédie susceptible de coller au long-métrage s'avère un tantinet trompeuse. Son affiche l'est aussi. Le casque colonial d'un Benoît Poelvoorde tout sourire tient de la caricature. Comme je l'espérais, le scénario, lui, est déjà nettement plus subtil...

Le film commence par un atterrissage d'avion. José Stockman débarque à Abidjan: il est agent de joueurs de foot. Le continent africain est son terrain de chasse: bien trop arrogant pour convaincre le ministre des Sports de lui confier la sélection ivoirienne, l'homme blanc n'en a pas moins fait son beurre en ramenant en Europe quelques garçons devenus stars du ballon rond. Et une fois encore, alors que beaucoup pensent qu'il n'a plus de flair, ce "gros nez" va dénicher une nouvelle pépite en la personne du dénommé Yaya Koné. Le manager et son poulain s'envolent pour Charleroi, un club ordinaire du championnat belge, dont les joueurs, affublés d'un maillot rayé noir et blanc, sont surnommés les zèbres. Je vous passe le descriptif des péripéties avant et après le départ. Les quelques répliques amusantes du film s'effacent vite devant les grincements de dents que, rapidement, elles suscitent. Les rayures du zèbre vise juste.

"Le football était un prétexte pour parler des relations Nord/Sud". C'est Benoît Mariage qui le dit. Très bonne idée. Sa vieille complicité avec Benoît Poelvoorde fait merveille: les deux Belges ont eu envie d'unir leur talent pour la quatrième fois déjà, l'acteur prenant un rôle d'abord envisagé pour François Damiens. Les rayures du zèbre revisitant à sa manière le thème du désir de paternité, je crois toutefois que le choix final était le bon. L'intérêt du film, lui, dépasse la pertinence de la distribution - et ce même si Marc Zinga convainc pleinement dans le rôle de Yaya. Louables, les intentions de départ sont mieux que respectées. Les films occidentaux montrant l'Afrique aussi directement ne sont pas légion: celui-là l'aborde avec empathie et respect, ce qui n'est pas sa dernière qualité. La réalisation crée l'émotion sur les variations de ton: de la couleur, mais rien d'édulcoré. Beau témoignage artistique: rien n'est jamais tout noir ou tout blanc.

Les rayures du zèbre
Film belge de Benoît Mariage (2014)

Même si je peux regretter que le titre initial n'ait pas été conservé pour la sortie en salles, le long-métrage frappe et laisse plutôt pensif quant aux méthodes des recruteurs du foot pro - toute ressemblance avec la réalité de la profession n'étant probablement pas fortuite. J'imagine que, sur un thème similaire, l'autre sortie cinéma récente qu'est Le crocodile du Botswanga n'a pas cette finesse d'observation. Avec L'enfer du dimanche, Oliver Stone avait parlé de la formation des jeunes sportifs, lui aussi, mais sous l'angle de la compétition. Benoît Mariage, c'est tout autre chose. J'aime décidément beaucoup.

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Je crains que le film soit passé assez inaperçu en France...
En tout cas, Pascale ("Sur la route du cinéma") l'a plutôt bien aimé.

2 commentaires:

ChonchonAelezig a dit…

Ca me fait peur... Je n'ai pas été emballée par Cowboy. Mais c'est le seul film que j'ai vu de Benoît Mariage.

dasola a dit…

Bonjour Martin, je regrette de ne pas l'avoir vu et il est resté très peu de temps à l'affiche dans très peu de salles et en plus les critiques n'ont pas été tendres. Il faudra que je le vois en DVD. Bonne journée.