lundi 7 avril 2025

Jeu de masques

Vous connaissez Steven Soderbergh, je suppose ? Palmé d'or en 1989 pour son premier long, le cinéaste américain utilise parfois les noms de ses parents, Peter Andrews et Mary Ann Bernard, comme pseudos pour signer la photo et le montage de ses films. Vous le vérifierez avec le dernier en date: The insider (Black bag, dans d'autres pays) !

En France, cet opus n'a été distribué qu'à peine cinq petites semaines après le précédent, Presence. Question: Soderbergh en fait-il trop ? Ou, en passant d'un horror movie subjectif à un film d'espionnage classique, ne donne-t-il tout simplement pas libre cours à son talent ? Certains s'en souviendront: il y a une douzaine d'années, le réalisateur avait annoncé sa retraite... et vite répondu aux sirènes de la télé. Finalement, il ne sera pas resté inactif très longtemps ! Et ses fans disent qu'il a une nouvelle fois conçu une oeuvre assez sophistiquée...

The insider
démarre quand un officier des services de renseignement britanniques apprend à un autre qu'une taupe a infiltré leur réseau. Aucun coupable avéré, mais la liste des suspects compte cinq noms. Parmi eux, celui de la femme de l'agent chargé de mener l'enquête. Après le préambule, nous la suivrons en quasi-intégralité, à ses côtés. Tout cela n'est sans doute pas très vraisemblable, mais je m'en fiche. Que dire ? Cate Blanchett et Michael Fassbender font bien leur boulot. Idem pour Pierce Brosnan, qui est toujours un maître-espion correct. C'est sur le scénario (de David Koepp) que j'ai d'importantes réserves à formuler: l'intrigue elle-même m'a paru beaucoup trop complexe. Bilan: cela m'a un peu gâché le plaisir et je reste donc sur ma faim. Un point positif, cependant: l'histoire se tient en une heure et demie !

The insider
Film américain de Steven Soderbergh (2025)

Des promesses, certes, mais je suis sorti du film relativement déçu. C'est vrai aussi que l'espionnage n'a jamais été mon genre préféré. Toujours chez Soderbergh, mais plutôt comique, The informant ! m'avait également fait l'impression d'un film moyen et peu abouti. Conseil d'ami: visez-en d'autres, en entreprise, tels Michael Clayton ou Duplicity. Le meilleur choix ? Il pourrait être animé avec Spycies.

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Je suis un peu navré de le constater...

Le film fait flop et Pascale s'est elle aussi copieusement enquiquinée.

vendredi 4 avril 2025

Histoire de chien

Cela n'arrive - au maximum - que deux ou trois fois par an: pour clore cette petite semaine de cinéma, je propose d'évoquer un film chinois. Le 24 mai dernier, dix ans après un succès personnel, Xavier Dolan décernait le Prix Un certain regard du Festival de Cannes à Black dog. Il a donc fallu attendre neuf gros mois pour qu'il soit enfin distribué...

Vous avez de la Chine l'image d'un pays désormais entré de plain-pied dans la modernité "à l'occidentale" et de fait très largement urbanisé ? Black dog ne vous donne pas entièrement tort, à la différence près que son scénario vous accompagne sur un site en voie de disparition possible. Il devrait cependant accueillir quelques usines, ce qui passe avant tout par la destruction préalable de vieux immeubles décrépits !

Or, problème: les rues de certains quartiers sont infestées de chiens errants. Lang, un jeune homme sorti de prison, rejoint une brigade chargée de leur mise en fourrière. Seuls les propriétaires en mesure de payer une certaine somme - amende ou bakchich, allez savoir... - échappent à cette réglementation. Toute cette histoire nous conduit vers un territoire méconnu, à la lisière du (très) vaste désert de Gobi.

Vous admettrez sans doute que ce n'est pas un cadre très habituel pour les spectateurs européens. C'est l'une des belles qualités du film que d'être tout à fait dépaysant... sans chercher à l'être à tout prix. Mais quel sens faut-il attribuer aux images de ce long-métrage avare en dialogues et traversé par la musique de Pink Floyd ? Je l'ignore. Mon hypothèse: elles parlent de la Chine des laissés-pour-compte. Celle qui avance vers un progrès illusoire, à marche forcée. Un propos pessimiste, oui, sauf à croire encore possible de fuir vers sa liberté...

Black dog
Film chinois de Guan Hu (2024)

Je ne connaissais pas ce réalisateur, né en 1968 et actif depuis 1994 ! C'est un enfant de la balle: ses parents étaient comédiens de théâtre. D'après lui, il faut mettre l'homme et le chien "sur un pied d'égalité". Il dit avoir "voulu montrer la réalité telle qu'elle est" avec ce film. Notez-y la présence de Jia Zhang-Ke, qui avait réalisé Les éternels. Autres films à voir: les deux polars Black coal et Une pluie sans fin !

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Une ultime précision, importante toutefois...
Le film que je viens de vous présenter est censé se dérouler en 2008. L'histoire débute ainsi à quelques mois des Jeux olympiques de Pékin.

Et pour finir, je constate une chose assez rare...
Dasola est la première des blogueuses que je lis à s'y être intéressée. Vous pourrez relever également que Pascale lui a vite emboité le pas !

mercredi 2 avril 2025

Robinson junior

Larguer les amarres et faire le tour du monde en bateau: c'est le rêve des parents de Michael, qui quittent l'Angleterre pour partir au loin. Sans rien dire à personne, le jeune garçon a embarqué sa chienne dans l'aventure - la condition pour que le voyage lui soit agréable. Quand une tempête survient, il pense avant tout... à sauver l'animal !

Vous l'aurez sans doute compris à la vue de l'image: il y parvient. Mais, après cela, il se retrouve naufragé sur une île oubliée des cartes marines. Et, pire, sans son papa, sa maman et sa grande soeur ! Heureusement, un autre humain se cache dans une luxuriante forêt voisine et viendra le secourir. C'est une histoire à la Robinson Crusoé que nous raconte Le royaume de Kensuké. L'amour que les auteurs de ce joli dessin animé portent à la nature apparaît à chaque image. J'imagine bien qu'il en était de même chez Michael Morpurgo, l'auteur du livre illustré éponyme, sorti en 2000 dans sa traduction française. Pas grand-chose de très original dans tout cela, me direz-vous. Effectivement, mais j'ai malgré tout pris du plaisir à regarder ce film destiné aux plus jeunes d'entre nous (à partir de 8-10 ans, je dirais). Si vous avez des kids de cet âge, c'est parfait pour un mercredi. Sinon, c'est vous qui saurez si vous souhaitez "retomber en enfance" !

Le royaume de Kensuké
Film britannique de Neil Boyle et Kirk Hendry (2023)

Vous pourrez noter que ce long-métrage a aussi des producteurs français et luxembourgeois. Je lui ai trouvé plusieurs points communs avec Sauvages, une petite perle découverte à l'automne, l'an dernier. Et un autre, étonnant, avec Onoda - 10.000 nuits dans la jungle. L'animation nous invite vraiment à rêver fort, plus grand que nous. Adeptes d'aventure, revoyez Tout en haut du monde et Terra Willy !

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Non ? Je ne vous ai pas convaincus ?

Bon... peut-être que notre amie Pascale y parviendra mieux que moi.

lundi 31 mars 2025

Un père, ses impairs

Le 18 février, en apprenant sa mort, j'ai réalisé que Gene Hackman avait atteint l'âge de 95 ans. Il avait annoncé la fin de sa carrière depuis longtemps: c'était en 2004, après un ultime long-métrage. Quelques jours après sa disparition, j'ai revu La famille Tenenbaum. J'avais TOUT oublié de ce film. Or, sa fin lui ferait un bel hommage...

Royal Tenenbaum est un drôle de type, fumeur, menteur et infidèle. Sa femme Etheline (la magnifique Anjelica Huston) ont donc décidé d'une rupture, sans pour autant signer les papiers d'un divorce officiel. Royal doit expliquer la situation aux trois enfants du couple. Tous ont déjà un talent affirmé: Chas, l'aîné, pour la haute finance, Margot, la fille adoptée, pour l'écriture, et Richie, le petit dernier, pour le tennis. Je vous laisse découvrir ce qu'ils en font exactement. Une info en plus, tout de même: quand Royal quitte la grande maison familiale, il part pour 22 ans et le don supposé de chacun des mômes finit par disparaître avec lui. Cette triste tendance s'inversera-t-elle lorsque, sans le moindre sou vaillant, il cherchera à revenir en grâce auprès des siens ? C'est bien tout l'enjeu de ce scénario loufoque. Enfin, pas seulement: La famille Tenenbaum n'évite aucune situation tragique. Mais la fantaisie domine: c'est naturel, chez Wes Anderson !

Le cinéaste dandy signait ici la troisième de ses onze réalisations. Attendu cette année avec un nouvel opus, son style caractéristique fait d'images ultra-colorées et de plans relativement symétriques semble de fait avoir été affirmé dès ses toutes premières créations. Ces bonbonnières (comme les appelle une amie à moi, hello Céline !) peuvent sans doute lasser ceux qui les ont fréquentées dès le début. La famille Tenenbaum s'avère cependant un joli petit film... familial et ouvert en tout cas à un large public - à partir des ados, disons. Autre caractéristique très "andersonnienne": un casting de prestige. Quand les enfants ont grandi, ils sont ainsi incarnés par un trio chic et choc: j'ai nommé Ben Stiller, Gwyneth Paltrow et Luke Wilson. Fidèles du réalisateur ou non, on retrouve aussi d'autres grands noms du cinéma US: Owen Wilson, également crédité comme coscénariste, Bill Murray, Danny Glover et même Alec Baldwin... en narrateur ! Comme pour honorer leur travail, le film a permis à Gene Hackman d'obtenir plusieurs prix d'interprétation aux États-Unis. Il les mérite...

La famille Tenenbaum
Film américain de Wes Anderson (2001)

Au sujet de la smala dysfonctionnelle, c'est peut-être ce que le cinéma américain a de plus aigre-doux à offrir à nos mirettes européennes. Du même cinéaste, je préfère (légèrement) Moonrise Kingdom. L'aborder par ses animés - Fantastic Mr. Fox et L'île aux chiens - n'est pas forcément une mauvaise idée: un petit retour d'enfance. Ensuite, on pourra chercher des liens chez Spielberg, Zemeckis, etc...

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Un regard sur ce qu'en pensent les autres ?

Avec joie: vous pourriez notamment rebondir chez "L'oeil sur l'écran" !

vendredi 28 mars 2025

Reconstruction ?

Je dirais de The brutalist qu'il est un film imposant. Du grand cinéma made in USA, porté par l'interprétation aussi magistrale que fiévreuse d'Adrien Brody, bientôt 52 ans, dans le rôle principal (Oscar à la clé). Je n'avais jamais retenu le nom de Brady Corbet acteur. Coscénariste et réalisateur, il déconstruit ici le rêve américain. Un peu plus encore.

Son "héros" s'appelle László Tóth - avec accents hongrois de rigueur. Nous sommes vers 1945. Rescapé de Buchenwald, il débarque un jour à New York depuis les cales d'un bateau, encore totalement étranger au territoire qu'il découvre. Il veut croire que sa femme et sa nièce parviendront à le rejoindre, elles qui ont aussi survécu à l'horreur nazie - bien que prisonnières du camp de Dachau (ouvert dès 1933). László trouve refuge chez un cousin, Attila, qui a gommé son nom d'origine pour mieux se fondre dans le grand tout qu'est Philadelphie. Il fait rapidement des affaires avec ce parent, mais cela ne dure pas. Quand l'un de ses riches clients découvre qu'il était un architecte réputé avant la guerre, il l'embauche à nouveau pour le projet XXL d'un centre communautaire dédié à la mémoire de sa mère. On se dit que la bataille des egos ne fait alors que commencer... et la suite vous le confirmera, avec grandiloquence. Un film imposant, disais-je.

Découpé en plusieurs époques, The brutalist est une reconstitution soignée de ces temps révolus (les années 50 étant le plus marquant). Je ne vois rien à reprocher au film sur le plan visuel et esthétique. Forme toujours, l'environnement sonore - sons et surtout musique - constitue une vraie réussite. Les trois heures et demie de projection, entrecoupées d'un quart d'heure d'entracte, passent donc sans ennui. Elles réclament cependant du spectateur une certaine concentration. J'ai choisi la version originale: le nombre et la densité des dialogues n'ont pas été loin, parfois, de me faire "perdre le fil". L'introduction d'un nouveau personnage central s'effectue à peu près à mi-parcours. Quand on arrive à passer ce cap, on a sans doute fait le plus dur. Même si, à chaud, je crois bien que j'ai préféré la première heure. J'aimerais éviter de trop en dire, mais on est ici dans un schéma classique d'ascension et de chute. Avec échos au monde d'aujourd'hui.

Et les interprétations ? Je l'ai suggéré dès le préambule: Adrien Brody fait des étincelles et n'a pas volé son Oscar. Il faut juste admettre que tout tourne autour de lui, du titre aux conclusions de l'épilogue. Felicity Jones, la comédienne britannique qui joue Erzsébet, la femme et muse de László, semble parfois presque en retrait. C'est logique. On pourrait presque lire le scénario comme le récit d'amours tragiques et contrariées. Âmes très sensibles, vous voilà ainsi donc prévenues. Également en tête d'affiche, l'Australien Guy Pearce se sort très bien du rôle du soi-disant mécène: vous allez sûrement adorer le détester. Je passe sur les autres, concernés mais assez secondaires: Joe Alwyn, Stacy Martin, Ariane Labed et Isaach de Bankolé (revu avec plaisir). Aux Oscars, ils ont été bredouilles. Daniel Blumberg pour la musique et Lol Crawley pour la photo, eux, ont chacun remporté leur statuette. Dix nominations et trois récompenses: certains ont parlé d'un échec...

Mais pas moi ! Je l'ai dit et le répète: The brutalist m'a intéressé. Parce que c'est aussi une histoire sordide, je peine à dire que le film m'a véritablement plu. Ses grandes qualités narratives et formelles m'attachent à l'écran, oui, a fortiori parce qu'au cinéma, il est géant. Jouer sur la petitesse de l'être humain face à son environnement immédiat et dangereux marque mon esprit (féru d'art et citoyen). Résultat: je ne peux pas occulter la dimension politique du dispositif. Je ne le souhaite pas non plus: certaines de mes réserves sur le film me semblent y trouver leur source. Bon... on échappe heureusement au brûlot 100% militant et manichéen, que j'aurais sûrement rejeté. J'espère que ce long-métrage trouvera sa juste place dans la mémoire collective du cinéma américain et, au-delà, du cinéma international. Malgré ma légère retenue, je le vois volontiers comme une oeuvre essentielle de ce début de 21ème siècle. Il en est d'autres à (re)voir...

The brutalist
Film britannico-hongro-américain de Brady Corbet (2024)

Beaucoup de très belles choses dans ce film... qui m'a trop bousculé pour que je lui accorde une note supérieure. Certaines situations m'ont paru surlignées (ou quelques scènes déjà entrevues ailleurs). Une partie de la projection, j'ai pensé à La porte du paradis, un film comparable par sa longueur et ses enjeux, mais honni en son temps. Allez... je préfère ce Brady Corvet au The immigrant de James Gray !

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Il faut quand même que j'ajoute une dernière chose...
Le film n'aurait coûté "que" dix millions de dollars américains environ. Une somme folle ? Oui, mais sur de nombreuses grosses productions hollywoodiennes actuelles, on facture plutôt en centaines de millions !

Et bien sûr, d'autres points de vue s'expriment sur la toile...
Vous y trouverez notamment ceux de Pascale, Dasola et Princécranoir.

mercredi 26 mars 2025

Ils plient, mais...

Au début de ce mois, après les César et la consécration (attendue ?) d'Emilia Pérez, je me suis souvenu que j'avais la possibilité concrète de découvrir plusieurs films primés qui m'étaient encore inconnus. C'est un souvenir adolescent qui m'a d'abord poussé vers Les roseaux sauvages. L'occasion aussi d'un peu mieux connaître André Téchiné...

1962. La fin de la guerre d'Algérie approche. Le réalisateur-scénariste nous embarque vers le Lot-et-Garonne, où un groupe de garçons s'apprête à passer le bac. La relative douceur du printemps aquitain réveille aussi leur soif de vie et leurs diverses envies amoureuses. Comment s'aimer, justement, quand la France traverse des heures sombres et se divise sur le devenir de ses toutes dernières colonies ? Que comprendre quand on est à des kilomètres du lieu des combats ? Les roseaux sauvages pose intelligemment ces questions cruciales. Dans le - magnifique - cadre naturel du film, une partie de l'avenir s'écrit pour des jeunes incertains, souvent emplis de contradictions. Proche d'eux, la caméra capte au mieux leurs émotions et les sublime pour rendre parfois leurs attitudes et questionnements universels. Discrète mais omniprésente, Élodie Bouchez tient un rôle-révélation que ceux qui l'ont repérée n'ont sûrement pas oublié. Un talent brut...

Beaucoup de ce qui a trait à la jeunesse de ce début des années 1960 est, de fait, très beau dans Les roseaux sauvages. J'ose même dire que toute la fin du film est magnifique, où des regards se croisent avant que des corps ne se frôlent, un temps oublieux de l'attente angoissée d'un résultat scolaire (et d'éventuels départs vers l'ailleurs). Le film n'est pas parfait pour autant: il nous présente un personnage d'enseignante, par exemple, qui ne m'aura qu'à moitié convaincu. Peut-être ce développement est-il dû à l'origine même de ce projet d'auteur: avant d'inventer un vrai film de cinéma, André Téchiné répondait à une commande d'Arte, dans un format un peu plus court. Je laisse pour l'heure à chacun le soin de se renseigner sur ce point. Je me contenterai donc de retenir ce qui m'a ému personnellement. J'imagine qu'on apprécie d'autant plus ce lumineux long-métrage quand on a une petite idée de sa facette sombre et des "événements d'Algérie" qu'il évoque - sans jamais en montrer la moindre image. Point de crainte: le récit reste accessible ! Et oui, très actuel, aussi...

Les roseaux sauvages
Film français d'André Téchiné (1994)

Je tempère mon enthousiasme, c'est vrai, mais je garde le positif dans un film proche des deux heures de métrage. Un César mérité ! Les jeunes de 2025, vus dans Eat the night, pourraient s'y retrouver. Bien des films ont été faits avec cet éveil à l'existence comme toile de fond. Exemples récents, Shéhérazade, Les passagers de la nuit ou Sans Coeur rendent tous compte de sa belle et franche diversité...

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Et maintenant, pour conclure et en quelques clics...

Vous trouverez les avis de "L'oeil sur l'écran" et/ou celui de Benjamin.

lundi 24 mars 2025

Neiges éternelles

Je le savais: le cinéma de Bong Joon-ho est plutôt sans concession. Dans le film d'aujourd'hui, une institutrice fait l'apologie d'un dirigeant politique à coups de mitraillette, une ado ne supporte son quotidien que grâce à une drogue dure et les pauvres se nourrissent de cafards broyés. La représentation d'une réalité de notre monde courant 2031 ?

Adaptation - libre - d'une B.D. du duo français Jacques Lob (scénario) et Jean-Marc Rochette (dessin), Snowpiercer - Le Transperceneige est demeuré quelque temps le plus gros succès du cinéma sud-coréen en France. Et conserve la deuxième place de ce box-office particulier.

Outre les éléments déjà évoqués, il vous faut imaginer un train géant supposément bâti pour servir d'arche aux survivants d'une humanité décimée par une nouvelle glaciation planétaire. Un convoi ferroviaire constamment en mouvement où, selon son niveau de fortune, chacun est plus ou moins proche du wagon de tête du concepteur-dictateur. Lequel exploite des enfants, d'où l'envie de révolte du bas peuple. C'est bon ? Vous voyez le tableau ? Il est aussi enneigé que sombre. Lors d'une séance rétrospective, j'en ai vraiment pris plein les yeux ! Grâce aussi au casting : le héros - Chris Evans - a des partenaires bourrés de talent, de Jamie Bell à Ed Harris, en passant (entre autres) par Tilda Swinton, Song Kang-ho, John Hurt ou bien Octavia Spencer. Le récit offre peu de suspense, mais les images sont spectaculaires. Quant à la morale de toute cette histoire, je ne suis pas convaincu qu'elle puisse nous garantir une fin heureuse ! À chacun d'y réfléchir...

Snowpiercer - Le Transperceneige
Film sud-coréen de Bong Joon-ho (2013)

À dire vrai, je n'avais plus connu un voyage ferroviaire aussi agité depuis celui du Dernier train pour Busan (arrivé de Séoul, lui aussi). Six ans avant le Palme-César-Oscar de Parasite, le natif de Daegu envoyait déjà du lourd avec cette coproduction franco-américaine. Cohérent, son cinéma m'emballe: mention pour Memories of murder. Il n'est pas scandaleux de préférer l'empathie d'un About Kim Sohee...

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En tout cas, le film a fait parler de lui...

Vous lirez des avis contrastés chez Pascale, Dasola, Sentinelle, Strum et Lui. Et noterez que je n'en ai pas vraiment fini avec Bong Joon-ho !

MAJ - samedi 29, 11h16: Princécranoir a aussi publié une chronique.

dimanche 23 mars 2025

Trois (bonnes) occasions

Je crois inutile ce matin de vous faire un dessin: l'affiche ci-dessous suffira à expliquer pourquoi je trouve ce jour et les deux prochains prometteurs. Ah, le Printemps du cinéma ! C'est un peu mélancolique que j'y avais pris part l'an passé, lors des trois dernières journées d'ouverture d'un ensemble de six salles que j'aimais bien. Souvenirs...

La tendance est moins angoissante cette année, puisque j'ai appris qu'un autre cinéma que je fréquente va ouvrir une quatrième salle. Celui auquel je suis le plus fidèle, lui, défend des concepts innovants et projette désormais des films français avec sous-titres en anglais. J'espère que cela attirera une partie de la clientèle étrangère en ville !

Avant de pouvoir en juger sur le terrain, j'ai conscience que je parle d'un événement de cinéma... sans vous conseiller de film à aller voir. Deux raisons à cela: 1) je me dis que nous sommes tous assez malins pour savoir nous-mêmes ce qui nous ferait plaisir et 2) la rédaction de ce billet remonte à la fin de février et donc, en toute logique calendaire, c'est très normal: je n'avais encore vu aucun film de mars.

Il est probable que je me serai rattrapé quand vous lirez ces lignes. Voici déjà dix opus que j'avais repérés ces trois derniers mercredis...


Sortis le 12 :
Berlin, été 42 / The insider / On ira

Sortis le 19 :
La cache / Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan / Vermiglio

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Pour conclure, en quelques mots...

Cette liste vous donne tout de même une petite idée de mes envies. Bien sûr, vous pouvez toujours remonter le fil de Mille et une bobines pour piocher d'autres "grains à moudre". Je vous retrouverai demain midi... avec une autre chronique de film à partager. Et d'ici là, merci à celles et ceux qui publieront leurs coups de coeur en commentaires !

vendredi 21 mars 2025

L'hommage au père

Luigi Comencini voudrait finaliser le tournage d'une scène extérieure. Pas de temps à perdre: le soleil se couche. Or, une gamine est restée dans le champ de la caméra ! La même, admise comme figurante, n'arrive pas à jouer, émue par la beauté de ce décor qu'elle découvre. Telle était peut-être Francesca, la troisième fille du cinéaste italien...

Ainsi que vous le savez peut-être, Francesca est devenue réalisatrice. Elle a fêté ses 63 ans l'été dernier et le septième art est aussi le sien depuis un premier film en 1984. La double anecdote que j'ai évoquée figure dans son dernier en date, Prima la vita, sorti dans les salles françaises en février après sa présentation à Venise l'année passée. Cette splendeur de long-métrage revient - longuement - sur la force de la relation père-fille qui unissait Luigi à Francesca. Une relation d'amour bien évidemment, faite de gestes tendres et d'attentions multiples, mais qui a connu son lot de turbulences, au fil du temps. Pour le montrer et y intéresser le public, la femme derrière la caméra a un immense mérite: celui de ne pas toujours se donner le beau rôle. Une performance, si j'ose écrire, d'autant qu'elle fait aussi le choix audacieux d'observer ses personnages de (très) près. Le scénario occulte la figure de sa mère, Giulia Grifeo di Partanna, une princesse sicilienne. Il ne dit d'ailleurs rien non plus du destin de ses soeurs aînées, Paola et Cristina, ni de la benjamine, Eleonora ! Qu'importe...

La grâce des acteurs - Fabrizio Gifuni et Romana Maggiora Vergano - est telle qu'aussitôt après avoir vu le film, j'en ai parlé à mes amis comme du plus touchant de ceux que j'ai vus en ce début d'année. Emballé, j'ai ajouté qu'il figure parmi les plus beaux. Deux éléments d'appréciation que je ne vais certainement pas renier aujourd'hui. Parcouru d'images sublimes, parfois issues des belles représentations d'un célébrissime classique de la littérature jeunesse, Prima la vita s'illustre aussi par des choix musicaux pertinents, des plus inspirés. Les émotions surviennent ainsi et surtout en replaçant le titre original du long-métrage - Il tempo che ci vuole, Le temps que cela prend - dans son contexte. Le film n'aura pourtant fait que 148.840 entrées en Italie l'année dernière et terminé son parcours à la 77ème position de son box-office national. Pire, en France, il passe quasi-inaperçu ! Celui qui a tant contribué à la création de la Cinémathèque de Milan mérite davantage de considération... et il en va de même de sa fille. J'espère que cette modeste chronique saura attirer certains regards...

Prima la vita
Film italien de Francesca Comencini (2024)

Una meraviglia ! J'ai vraiment eu un GROS coup de coeur pour ce film honnête et d'une chaleur réconfortante par les temps qui courent. L'amour que l'on découvre ressemble un peu à celui de Mommy, opus québécois qui, lui, présentait le lien fort entre une mère et son fils. Mais, quitte à partir aussi loin, autant aller jusqu'au Japon pour voir ou bien revoir le superbe Printemps tardif. C'est presque de saison...

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Vous n'êtes toujours pas convaincus ? Bon...

Je crois qu'il ne me restera à vous conseiller que la lecture de Pascale.

mercredi 19 mars 2025

S'il suffisait d'aimer...

Hélène, une amie à moi, comédienne de son état, affirme que 99,9% des chansons parlent d'amour - ce qu'elle tend à démontrer sur scène. Qu'en est-il des films ? Le ratio est-il aussi élevé ? Sans aucun doute. Après, il y a bien sûr d'innombrables façons d'envisager ce beau sujet. J'imagine qu'il ne sera pas épuisé demain. Il faudra alors s'en réjouir !

Dans le bien nommé Fantôme d'amour, un quinquagénaire lombard qu'incarne Marcello Mastroianni recroise une femme dont il était épris de longues années auparavant, sous les traits de Romy Schneider. Mais il ne la reconnaît pas ! Des rides au visage donnent à l'amante d'autrefois l'air sombre d'une personne souffrant d'une grave maladie. Cheveux sales, Anna Brigatti paraît perdue dans cet autobus de Pavie qu'elle a emprunté sans la moindre lire en poche pour payer le ticket. Elle promet au généreux Nino Monti qu'elle le remboursera très vite...
 
Une occasion de renouer ? Pas sûr. Car, si les sentiments de  l'homme s'éveillent à nouveau, ceux de l'ancienne partenaire ont l'air éteints. Je vous laisserai découvrir pourquoi ils le sont (ou devraient l'être). Le film repose sur un scénario original qui pourrait vous surprendre. Romy S. et Marcello M. sont magnifiques dans les rôles principaux. Pourtant, c'est très étrange: j'ai l'impression que cette production franco-germano-italienne est en quelque sorte tombée dans l'oubli. Comme si l'absence de toute récompense internationale de prestige avait réduit à néant ses chances de réellement passer à la postérité. Reste le plaisir d'un opus bien mis en scène et d'une virée transalpine.

Fantôme d'amour
Film franco-germano-italien de Dino Risi (1981)

Je me faisais une idée plus caustique (parce qu'incomplète, je pense) de la filmo du cinéaste italien, actif tant au cinéma qu'à la télévision entre 1946... et 2002. Je recommande Le veuf, dans un autre genre ! L'amour en Italie, je l'ai évoqué récemment avec Les fleurs du soleil. Autre piste, Deux sous d'espoir est inscrit dans un cadre historique et social passionnant. Je suis loin d'avoir fait le tour de la question...

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Y a-t-il un ou une spécialiste, dans la salle ?

Elle et Lui, le duo de "L'oeil sur l'écran", est un peu moins louangeur. Sur ce même blog, vous trouverez cela dit une vingtaine d'autres Risi.