Cela faisait un moment que j'avais envie de renouer avec le cinéma japonais dit "classique". J'ai donc saisi l'opportunité (rare) d'apprécier l'un des films de Kenji Mizoguchi les plus aimés: L'intendant Sansho. Primé à Venise, il fait partie des derniers films d'un cinéaste reconnu sur le tard en Occident. Et dont 62 des 94 créations ont été perdues...
Nous retournons au 11ème siècle. Il y a un millénaire, rien de moins. En pleine féodalité, les idées humanistes de l'édile d'un petit village ont déplu aux autorités supérieures: l'homme est dès lors condamné au bannissement. Il part sans un cri, après avoir conseillé à sa femme de retourner chez ses parents, en le désignant alors comme coupable d'un entêtement funeste. À son fils, une dernière fois, il fait répéter quelques-unes des phrases selon lesquelles les hommes sont égaux par principe et qu'il faut donc que les plus fortunés soient généreux avec les plus pauvres. Surprise: L'intendant Sansho, ce n'est pas lui. C'est même son opposé absolu: celui que des privilèges ancestraux ont placé assez haut socialement pour qu'il exploite des esclaves. Toute ressemblance avec des faits historiques me semble inévitable !
On verra rarement le margoulin, mais il aura une influence capitale sur la destinée des protagonistes positifs de cette sombre histoire. Tout commencera par la séparation de la mère, décidée à rattraper son mari sur la longue route de l'exil, d'avec ses enfants, embarqués vers d'autres cieux encore plus hostiles que vous pouvez l'imaginer. Voilà... je n'ai pas envie de vous dire TOUT ce qui passera ensuite. L'intendant Sansho est un vrai drame qui montre bien le visage abject de certains spécimens de l'espèce humaine. Je dis "certains" parce qu'il y a aussi des personnages admirables dans ce film, voués malheureusement à la souffrance (ou pire) pour la plupart d'entre eux. Mais chut ! Juste vous dire que ce cinéma-là n'est jamais doloriste. C'est même le contraire, à mes yeux: un film d'une incroyable beauté.
Une fois les principaux enjeux posés, le récit fait un bond de dix ans en avant. J'ai trouvé cela audacieux pour l'époque, mais ma culture cinéma "années 50" restant faiblarde, je serais ravi d'être démenti. Blague à part, je crois que l'important n'est pas là. Ce qui me semble bien plus intéressant, c'est que Kenji Mizoguchi construit un avenir possible, offrant donc à toutes et tous une opportunité pour évoluer. C'est à la fois simple et parfait pour maintenir l'intérêt du spectateur. Et vous savez le mieux ? C'est qu'il n'y a pas de rebondissement grossier comme on peut en voir parfois dans les longs-métrages larmoyants. Tout découle d'une certaine logique, mais L'intendant Sansho ne lasse pas pour autant. Je vais me répéter: c'est très beau. Deux heures d'images sublimes, ce serait dommage de passer à côté !
J'ai - entre autres - beaucoup aimé les plans qui placent les acteurs dans un cadre naturel XXL. Le message est très clair, me semble-t-il. Puissant ou misérable, nous sommes peu de choses en ce monde. Mais il y a un petit miracle derrière ce constat fataliste: l'affirmation que c'est tout sauf une raison pour que les damnés de la terre acceptent leur sort sans moufter et renoncent à lutter pour la justice. Sur ce point aussi, L'intendant Sansho m'a paru d'une modernité étonnante - en tout cas, je ne l'avais véritablement pas anticipée. Quel plaisir, tout de même, pour un opus "vieux" de sept décennies ! Tout à mes rêves pour le septième art, je croise très fort les doigts afin que cette merveille traverse et séduise quelques générations supplémentaires. Pour mémoire, son auteur était né le 16 mai 1898...
L'intendant Sansho
Film japonais de Kenji Mizoguchi (1954)
Inévitablement, ce genre de films me donne envie d'en voir d'autres de la même époque et du même pays. Patience: cela devrait venir. D'ici là, je vous rappelle que quatre autres Mizoguchi restent à portée de clics, dont le superbe Les contes de la lune vague après la pluie. Par ailleurs, je valide aussi d'autres excellentes références japonaises comme Les sept samouraïs ou Voyage à Tokyo. Faites-vous plaisir...
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Mais encore ?
Sur le film du jour, "L'oeil sur l'écran" livre un bref avis et nombre d'anecdotes intéressantes, quand Wikipédia offre également une page assez complète. Eeguab nous a pour sa part proposé un texte double et Strum son analyse sur cinq autres longs-métrages "mizoguchiens". Vincent évoque le maître dans plusieurs textes: j'en ai retenu un. J'aurais pu citer Pascale... et ce sera fait bientôt. Ah, quel suspense !
Nous retournons au 11ème siècle. Il y a un millénaire, rien de moins. En pleine féodalité, les idées humanistes de l'édile d'un petit village ont déplu aux autorités supérieures: l'homme est dès lors condamné au bannissement. Il part sans un cri, après avoir conseillé à sa femme de retourner chez ses parents, en le désignant alors comme coupable d'un entêtement funeste. À son fils, une dernière fois, il fait répéter quelques-unes des phrases selon lesquelles les hommes sont égaux par principe et qu'il faut donc que les plus fortunés soient généreux avec les plus pauvres. Surprise: L'intendant Sansho, ce n'est pas lui. C'est même son opposé absolu: celui que des privilèges ancestraux ont placé assez haut socialement pour qu'il exploite des esclaves. Toute ressemblance avec des faits historiques me semble inévitable !
On verra rarement le margoulin, mais il aura une influence capitale sur la destinée des protagonistes positifs de cette sombre histoire. Tout commencera par la séparation de la mère, décidée à rattraper son mari sur la longue route de l'exil, d'avec ses enfants, embarqués vers d'autres cieux encore plus hostiles que vous pouvez l'imaginer. Voilà... je n'ai pas envie de vous dire TOUT ce qui passera ensuite. L'intendant Sansho est un vrai drame qui montre bien le visage abject de certains spécimens de l'espèce humaine. Je dis "certains" parce qu'il y a aussi des personnages admirables dans ce film, voués malheureusement à la souffrance (ou pire) pour la plupart d'entre eux. Mais chut ! Juste vous dire que ce cinéma-là n'est jamais doloriste. C'est même le contraire, à mes yeux: un film d'une incroyable beauté.
Une fois les principaux enjeux posés, le récit fait un bond de dix ans en avant. J'ai trouvé cela audacieux pour l'époque, mais ma culture cinéma "années 50" restant faiblarde, je serais ravi d'être démenti. Blague à part, je crois que l'important n'est pas là. Ce qui me semble bien plus intéressant, c'est que Kenji Mizoguchi construit un avenir possible, offrant donc à toutes et tous une opportunité pour évoluer. C'est à la fois simple et parfait pour maintenir l'intérêt du spectateur. Et vous savez le mieux ? C'est qu'il n'y a pas de rebondissement grossier comme on peut en voir parfois dans les longs-métrages larmoyants. Tout découle d'une certaine logique, mais L'intendant Sansho ne lasse pas pour autant. Je vais me répéter: c'est très beau. Deux heures d'images sublimes, ce serait dommage de passer à côté !
J'ai - entre autres - beaucoup aimé les plans qui placent les acteurs dans un cadre naturel XXL. Le message est très clair, me semble-t-il. Puissant ou misérable, nous sommes peu de choses en ce monde. Mais il y a un petit miracle derrière ce constat fataliste: l'affirmation que c'est tout sauf une raison pour que les damnés de la terre acceptent leur sort sans moufter et renoncent à lutter pour la justice. Sur ce point aussi, L'intendant Sansho m'a paru d'une modernité étonnante - en tout cas, je ne l'avais véritablement pas anticipée. Quel plaisir, tout de même, pour un opus "vieux" de sept décennies ! Tout à mes rêves pour le septième art, je croise très fort les doigts afin que cette merveille traverse et séduise quelques générations supplémentaires. Pour mémoire, son auteur était né le 16 mai 1898...
L'intendant Sansho
Film japonais de Kenji Mizoguchi (1954)
Inévitablement, ce genre de films me donne envie d'en voir d'autres de la même époque et du même pays. Patience: cela devrait venir. D'ici là, je vous rappelle que quatre autres Mizoguchi restent à portée de clics, dont le superbe Les contes de la lune vague après la pluie. Par ailleurs, je valide aussi d'autres excellentes références japonaises comme Les sept samouraïs ou Voyage à Tokyo. Faites-vous plaisir...
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Mais encore ?
Sur le film du jour, "L'oeil sur l'écran" livre un bref avis et nombre d'anecdotes intéressantes, quand Wikipédia offre également une page assez complète. Eeguab nous a pour sa part proposé un texte double et Strum son analyse sur cinq autres longs-métrages "mizoguchiens". Vincent évoque le maître dans plusieurs textes: j'en ai retenu un. J'aurais pu citer Pascale... et ce sera fait bientôt. Ah, quel suspense !