samedi 13 septembre 2014

Échos des montagnes

Le moment est venu de vous parler du film le plus "pointu" que j'ai vu cet été. Près de trois mois entiers auront passé entre la présentation de Sils Maria à Cannes et sa sortie en salles. J'ai bien fait d'attendre tout ce temps: mon premier Olivier Assayas m'a beaucoup plu. Comme il a été dit ici et là, c'est un très bel écrin pour ses actrices. Juliette Binoche et Kristen Stewart le méritent bien - j'y reviens vite.

D'abord, un mot du scénario, histoire de poser le décor. Comédienne de théâtre adulée, Maria Enders voyage en train vers les Alpes suisses pour recevoir un prix destiné à l'auteur qui, jadis, a fait sa gloire. Excédée par les diverses contraintes et obligations protocolaires liées à sa notoriété, elle accepte toutefois que son assistante introduise auprès d'elle un jeune et prometteur metteur en scène. Ce dernier l'admire et lui propose donc de remonter sur les planches pour y jouer son oeuvre fétiche dans un autre rôle, plus âgé que son personnage originel. Dans un tout premier temps, Sils Maria illustre parfaitement combien le destin peut être cruel envers les actrices qui vieillissent...

Ce n'est toutefois que le premier des échos que le long-métrage propose entre ce qui peut se dérouler à l'écran et une certaine réalité du star system contemporain. De manière très intelligente, l'intrigue multiplie les points de vue et ne se saurait se réduire à une critique frontale de la pipolisation de célébrités somme toute ordinaires. Subtil et complexe, le récit tourne sur plusieurs axes, les états d'âme de la reine déchue n'étant pas forcément plus enviables que les ennuis de sa partenaire débutante. Or, dès lors que Maria Enders accepte finalement la proposition qui lui est faite, elle s'engage dans une voie de quasi-autodestruction. Sils Maria prend acte, sans commisération.

Ma seule - petite - déception sera d'avoir eu parfois l'impression qu'Olivier Assayas et ses actrices réglaient aussi quelques comptes avec la critique et le public. "J'ai l'habitude qu'on écrive des horreurs sur moi. Je m'en fous", assure pourtant la plus jeune protagoniste. Mine de rien, c'est aussi une façon de montrer combien les codes médiatiques ont changé ces dernières années, les célébrités de 2014 étant sur la brèche en quasi-permanence. Sils Maria offre ici un rôle décisif à Chloë Grace Moretz: du haut de ses 17 ans, l'adolescente convainc en starlette cynique, soudain préoccupée des conséquences d'un scandale sur sa carrière naissante. Toute ressemblance etc...

Reste enfin la prestation du duo Juliette Binoche / Kristen Stewart. Jusqu'ici inédite et assez improbable sur le papier, l'association fonctionne d'autant mieux qu'elle est constituée quand le métrage commence et ne fait donc que se développer (presque) jusqu'à la fin. D'assistante, Kristen devient la répétitrice de Juliette. Le fil narratif s'embrouille et il devient difficile de dire qui parle, de Maria Enders ou de son personnage. Sils Maria est une redoutable mise en abyme. Filmé dans un cadre magnifique, le film joue habilement du contraste entre la beauté des sommets et l'âme tourmentée de ses héroïnes. Sans doute me faudra-t-il le revoir pour en saisir d'autres nuances.

Sils Maria
Film français d'Olivier Assayas (2014)

Persona d'Ingmar Bergman, Ève de Joseph L. Mankiewicz, Les larmes amères de Petra von Kant de Rainer Werner Fassbinder: si j'en crois les spécialistes, le film d'Olivier Assayas a quelques glorieux aînés. Problème: je ne peux vous donner mon avis, n'ayant encore vu aucun de ces longs-métrages ! Je conclurai donc en précisant que Sils Maria est finalement revenu bredouille de la compétition officielle cannoise.

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Et le titre dans tout ça, me direz-vous ?
Il reprend le nom d'un site où le film est tourné. Un coin de montagne suisse, théâtre d'un phénomène météo unique. À vous de voir ça...

Maintenant, si vous voulez un avis féminin sur le film...
Je vous conseille le blog de Pascale: "Sur la route du cinéma".

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