mercredi 28 avril 2021

Lyrique et sanglant

Dario Argento avait-il des comptes à régler avec le monde lyrique ? Peu avant qu'il ne tourne Opéra, le maestro italien avait été contacté par l'organisateur d'un festival, disposé à lui confier la mise en scène du Rigoletto de Verdi. Problème: il fut finalement écarté du projet. Comme si son commanditaire avait jugé ses images trop "baroques" !

De retour au travail, Argento rêve d'un film tourné à la Scala de Milan. Les lieux étant très occupés, l'opiniâtre Dario se rabat sur un théâtre moins connu: celui de Parme. Il s'y installe avec son univers effrayant et fantasmagorique, pour composer l'un de ses thrillers rouge sang. L'histoire tourne autour de Betty, jeune cantatrice que l'on charge soudain de remplacer au pied levé une diva victime d'un accident. Surprise pour elle: le soir de la première, la jeune femme triomphe. Elle semble avoir vaincu la malédiction supposée planer autour du rôle de la terrible Lady Macbeth (tel qu'imaginée par Verdi, tiens donc !). L'image que j'ai utilisée ci-dessus vous montre qu'elle déchantera vite: aussitôt après la représentation, un assassin entre dans sa vie et, après l'avoir attaquée et ligotée, la force à contempler le meurtre de plusieurs de ses proches. En un mot: Opéra vire au cauchemar. Sordide, la réalité rappelle à Betty une fragilité psychologique innée...

Face à pareil spectacle, il est difficile de ne pas grimper au rideau. Explicite, le film ne nous épargne pas grand-chose des supplices infligés aux personnages et nous plonge dès lors dans une atmosphère viciée, souvent irrespirable. Une précision: plus que la violence extrême qui surgit périodiquement, c'est bien l'angoisse qui domine. Les symboles du mal qui apparaissent à l'écran percutent la rétine avec force, mais les frissons viennent aussi de ce que l'on sent arriver ou même... de ce qui n'arrive pas. On pourra bien entendu déplorer que le long-métrage use d'effets "faciles", tous issus de la grammaire ordinaire des petits et grands cinéastes de l'épouvante: c'est vrai. Pour ma part, je n'y vois pas un réel problème: cette patte graphique m'apparaît plutôt comme une signature (ou une marque de fabrique). Le cinéma italien des années 60-70-80 y a repris un certain souffle. Bon... Opéra est peut-être arrivé un peu trop tard pour devenir culte. Longtemps inédit en France, il est aussi remis à l'honneur aujourd'hui grâce à la sortie - assez récente - d'une copie de sa version intégrale !

Opéra
Film italien de Dario Argento (1987)

D'abord destiné au marché américain, cet opus fut tourné en anglais et, chez nous, sortit tardivement sous le titre Terreur à l'opéra. Mouais... j'ai bien aimé, mais je le trouve tout de même plus faible que d'autres Argento: L'oiseau au plumage de cristal et Suspiria. J'avoue: je n'ai vu aucune des sorties récentes du genre horrifique. J'oserai donc, tout au plus, un parallèle avec le sépulcral Black swan !

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Pour trouver matière à un débat plus long...

Vous pourriez aussi (re)découvrir le bout d'une chronique de Vincent.

6 commentaires:

cc rider a dit…

Il faut croire que l'ami Dario est un grand fan d'opéra puisqu'il adaptera en 98 « le fantôme de l'opéra » d’après Gaston Leroux sujet souvent traité à l'écran , et pour lequel ma préférence va à la version de 1925 avec l'immense Lon Chaney...

Martin a dit…

Une certaine outrance du monde lyrique va bien avec Argento, je trouve. Ce n'est pas pour autant que je courrai après son "Fantôme de l'opéra". Je verrais volontiers le film muet, en revanche.

Pascale a dit…

Non merci. Décidément ce cinéma de tortures ne m'attire pas.
Je n'ai pas aimé Black swann.

Martin a dit…

Je comprends. Mais Swann avec deux N, c'est plutôt le copain de Marcel (ou de Dave)...

Pascale a dit…

Oui bon ça va. Avec un ou deux n, c'était pas bon. :-)

Martin a dit…

Admettons ! Chacun son truc.