Je l'ai sans doute déjà dit (plusieurs fois ?): l'Allemagne est un pays européen où je me sens bien. Les souvenirs des séjours linguistiques de mon adolescence sont un peu lointains, désormais, mais j'apprécie toutes les opportunités de mieux connaître nos voisins d'outre-Rhin. Aujourd'hui, une découverte: le cinéma de Rainer Werner Fassbinder !
Je laisse aux biographes le soin d'aborder la personnalité tourmentée et d'ainsi résumer l'éphémère (et prolifique) carrière de cet artiste disparu en 1982, à 37 ans seulement. Je me contenterai de revenir sur le film qui me l'a fait connaître: Tous les autres s'appellent Ali. Son premier personnage principal est Emmi, une femme de ménage d'un âge certain, veuve précoce et mère de trois enfants adultes. Submergée par la solitude, cette dame entre un beau soir dans le bar d'un quartier populaire: les clients la croient folle, elle qui ne montre aucun signe d'agacement à l'écoute de la musique arabisante diffusée par le juke-box. C'est ainsi qu'elle rencontre un travailleur immigré marocain, apparemment accompagné d'amis, mais en fait aussi seul qu'elle l'est devenue. Malgré la différence d'âge et de culture, le duo se comprend de manière presque instinctive et, rapidement, forme un couple, alors consacré par les liens du mariage. La mise en scène quelque peu théâtrale de l'ensemble fait que je n'ai pas su entrer aussi vite dans ce récit que dans d'autres. Mais ça a fini par arriver...
La pose souvent très statique de l'ensemble et la façon de s'exprimer en "petit-nègre" du personnage principal masculin m'ont d'abord paru outrancières, pour ne pas dire caricaturales. C'est face à l'évolution des situations et à l'économie de moyens dramatiques mis en oeuvre que j'ai fini par être rattrapé par une émotion sincère, je crois. Quand j'ai pris un peu de recul, je me suis dit que le déclic était venu d'un personnage annexe, le gendre d'Emmi, interprété par Fassbinder lui-même. Pour le coup, personne ne pourra oser dire que le cinéaste s'est donné le beau rôle: il joue un type à la fois vulgaire, violent, tire-au-flanc et raciste comme la pire des teignes. Même s'il est loin d'être le seul à être du côté sombre, le fait qu'il incarne précisément ce vrai connard me semble révélateur de son opinion quant au sujet de la coexistence entre seigneurs allemands et chiens étrangers (sic). Combinée à la puissance du mélodrame, c'est cette ironie mordante qui fait le sel de Tous les autres s'appellent Ali. On aimerait le voir comme un film "dépassé", mais il est parfois d'une cruelle actualité...
Tous les autres s'appellent Ali
Film allemand de Rainer Werner Fassbinder (1974)
Cela étonnera peut-être les connaisseurs, mais j'ai fini par m'habituer au style de ce film en repensant à d'autres scènes quelque peu figées d'un autre long-métrage sur notre rapport aux étrangers: Le Havre. Bon... je n'irai tout de même pas jusqu'à faire d'Ari Kaurismäki un fils spirituel de Fassbinder: ils n'ont que douze ans d'écart. Autant citer d'autres films parlant du racisme, Loving ou Devine qui vient dîner ?
Je laisse aux biographes le soin d'aborder la personnalité tourmentée et d'ainsi résumer l'éphémère (et prolifique) carrière de cet artiste disparu en 1982, à 37 ans seulement. Je me contenterai de revenir sur le film qui me l'a fait connaître: Tous les autres s'appellent Ali. Son premier personnage principal est Emmi, une femme de ménage d'un âge certain, veuve précoce et mère de trois enfants adultes. Submergée par la solitude, cette dame entre un beau soir dans le bar d'un quartier populaire: les clients la croient folle, elle qui ne montre aucun signe d'agacement à l'écoute de la musique arabisante diffusée par le juke-box. C'est ainsi qu'elle rencontre un travailleur immigré marocain, apparemment accompagné d'amis, mais en fait aussi seul qu'elle l'est devenue. Malgré la différence d'âge et de culture, le duo se comprend de manière presque instinctive et, rapidement, forme un couple, alors consacré par les liens du mariage. La mise en scène quelque peu théâtrale de l'ensemble fait que je n'ai pas su entrer aussi vite dans ce récit que dans d'autres. Mais ça a fini par arriver...
La pose souvent très statique de l'ensemble et la façon de s'exprimer en "petit-nègre" du personnage principal masculin m'ont d'abord paru outrancières, pour ne pas dire caricaturales. C'est face à l'évolution des situations et à l'économie de moyens dramatiques mis en oeuvre que j'ai fini par être rattrapé par une émotion sincère, je crois. Quand j'ai pris un peu de recul, je me suis dit que le déclic était venu d'un personnage annexe, le gendre d'Emmi, interprété par Fassbinder lui-même. Pour le coup, personne ne pourra oser dire que le cinéaste s'est donné le beau rôle: il joue un type à la fois vulgaire, violent, tire-au-flanc et raciste comme la pire des teignes. Même s'il est loin d'être le seul à être du côté sombre, le fait qu'il incarne précisément ce vrai connard me semble révélateur de son opinion quant au sujet de la coexistence entre seigneurs allemands et chiens étrangers (sic). Combinée à la puissance du mélodrame, c'est cette ironie mordante qui fait le sel de Tous les autres s'appellent Ali. On aimerait le voir comme un film "dépassé", mais il est parfois d'une cruelle actualité...
Tous les autres s'appellent Ali
Film allemand de Rainer Werner Fassbinder (1974)
Cela étonnera peut-être les connaisseurs, mais j'ai fini par m'habituer au style de ce film en repensant à d'autres scènes quelque peu figées d'un autre long-métrage sur notre rapport aux étrangers: Le Havre. Bon... je n'irai tout de même pas jusqu'à faire d'Ari Kaurismäki un fils spirituel de Fassbinder: ils n'ont que douze ans d'écart. Autant citer d'autres films parlant du racisme, Loving ou Devine qui vient dîner ?
4 commentaires:
Il faut être très open mind pour adhérer à ce cinéma.
Je n'ai pas vu celui-là. Jai vu Le Mariage de Maria Braun, Lola, une femme allemande, Le Secret de Veronika Voss, Querelle.
Pas le cinéma le plus simple et accessible qui soit.
Effectivement, on ne peut pas dire que ce soit un cinéma "facile" ! Cela dit, il me semble que ce film reste acceptable si on passe le cap du sujet et de la manière dont il est abordé. Certains des autres que tu as cités sont encore (beaucoup ?) plus durs, je crois.
J'aurais pu voir deux Fassbinder à la suite, mais je me suis contenté de celui-là.
Bonjour Martin, j'avais été touchée par ce film de Fassbinder. Pour l'époque, le thème était "gonflé". Ce n'est pas un cinéma aimable. Il reflète son époque. Bonne fin d'après-midi.
"Pas un cinéma aimable"… c'est exactement ça.
Cela ne le rend pas moins intéressant pour autant. Disons qu'il faut s'accrocher.
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