dimanche 17 décembre 2017

En territoire indien

Peu avant la première image, on entend le souffle du vent et le bruit des sabots d'un cheval sur un sol pierreux. Cela aura été suffisant pour me plonger dans une ambiance western, même si je savais déjà que le film que j'avais choisi ce soir-là n'en était pas vraiment un. D'emblée, son titre a su me séduire. Et, ensuite, tout le reste aussi...

Découvrir Les chansons que mes frères m'ont apprises, c'est s'offrir avant tout un nouveau (beau) voyage de l'autre côté de l'Atlantique. Filmés sous toutes leurs coutures, les States dévoilent ici un visage méconnu: celui de la réserve amérindienne de Pine Ridge, une terre de quelque 8.900 km² dans le Dakota du Sud, État du... nord du pays. Nous y rencontrons d'abord Johnny, un jeune homme qui en termine avec ce qui ressemble à un lycée et envisage de suivre sa petite amie à Los Angeles, vers une autre vie que tous deux espèrent meilleure. Bien évidemment, les choses ne sont pas si simples: avant de quitter le village où il a vécu depuis sa naissance, Johnny a besoin d'argent. Pour en gagner, il trempe dans de vilaines combines autour du trafic d'alcool - toute vente aux Indiens demeurant strictement interdite. Complexe, sa situation s'aggrave encore après la mort de son père dans l'incendie de sa maison. Je vous passe les détails sur le nombre d'épouses et d'enfants de ce géniteur. Disons simplement que le film est une fiction, mais au ton parfois voisin de celui d'un documentaire.

Toute une galerie de personnages défile à l'écran et le long-métrage parvient joliment à garder son équilibre. Incontestablement explicite sur certains des aspects de cette vie en réserve, il sait aussi ménager de beaux silences dès lors que les situations sont assez éloquentes pour se passer de mots. En somme, Les chansons que mes frères m'ont apprises est un film subtil, qui expose beaucoup de choses sans ressentir le besoin de les surligner. C'est ce qui m'a fait l'aimer. Ce n'est pas tous les jours que le cinéma américain nous propose d'observer les exclus du système sous ce jour particulier. On se sent pourtant toujours en terrain familier, la magnificence de la nature compensant largement l'aspect franchement sordide des situations humaines dont nous sommes les témoins. D'aucuns ont jugé ce récit pessimiste. C'est vrai qu'il est dur, quasi-implacable, mais j'ai décelé quelques notes d'espoir, notamment lorsqu'un dialogue fait référence à la septième génération d'Amérindiens après les guerres anti-Blancs. J'aurais eu plaisir à prolonger cette escapade sur la terre des Oglalas !

Les chansons que mes frères m'ont apprises
Film américain de Chloé Zhao (2015)
C'est plus qu'anecdotique à mes yeux: vous voudrez donc bien noter que le film a été réalisé par une jeune cinéaste d'origine chinoise. Très bon travail, mais ce n'est pas un nouveau Danse avec les loups pour autant, d'accord ? Dans sa manière de nous montrer l'Amérique rurale et pauvre, le long-métrage m'a plutôt rappelé un autre film apprécié cette année: Certaines femmes. Ou Putty Hill, à la limite...

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Info-bonus: en France, le film a comptabilisé 72.924 entrées...

Cela vous permettra de lire - au moins - un autre avis, signé Eeguab.

4 commentaires:

eeguab a dit…

Merci du lien Martin. C'est vrai, j'ai relu ma note, que j'avais trouvé le film pessimiste. Mais il est très intéressant et j'en arrive à me dire que 72000 entrées ça n'est pas si mal. Sur les reserves indiennes je te propose Incident à Oglala, un document de 91, signé par Michael Apted et raconté par Redford, sorti en même temps que la fiction Coeur de Tonnerre du même Apted. Tous deux se passent aussi à Pine Ridge et dans le Dakota. A +.

Martin a dit…

Avec plaisir, cher ami, et merci pour tes bons conseils !
72.000 entrées... ça me paraît peu, mais je ne connais pas les critères du distributeur.
C'est vrai aussi qu'en soi, pour un tel film, on peut se dire aussi que ce n'est pas si mal. Mais...

Pascale a dit…

J'aurais aimé...

Martin a dit…

Je te souhaite une occasion de le rattraper.