jeudi 30 novembre 2017

Elle s'appelle Luck

La Thaïlande n'est pas un pays qui m'attire vraiment, mais on m'a dit plusieurs fois que c'était une bonne destination pour des vacances. Bien évidemment, un film comme Bangkok nites n'a pas été conçu comme un outil de promotion touristique, mais il dit quelque chose des réalités de cet État de l'Asie du sud-est. Ou de son côté sombre...

C'est en effet à la prostitution que le film veut nous faire réfléchir. D'emblée, nous voilà dans le vif du sujet, aux côtés de Luck, une fille qui vend son corps pour subvenir aux besoins de sa famille, restée dans la campagne pauvre, à des kilomètres de cette autre réalité sordide, mais - en partie - lucide sur la vie dans les grandes villes. C'est ce qui peut gêner dans Bangkok nites, je crois: les personnages paraissent désabusés. Leur attitude suggère qu'ils ont admis l'idée selon laquelle il était normal de pratiquer du sexe tarifé pour avoir ensuite une vie meilleure, avec une belle maison et d'autres signes extérieurs de confort matériel. Attention: je ne dis pas que la vérité des Thaïlandais est différente, mais simplement que le long-métrage déroule un récit sans filtre. Une bonne heure durant, il se concentre d'abord sur le quartier de Thaniya, là où les prostituées se présentent pour des clients japonais aisés, qui les choisissent comme on le ferait d'un smartphone, en pleine lumière et d'après ses "fonctionnalités". D'où les hésitations au moment de retenir telle ou telle belle de nuit...

Autant vous en informer: Bangkok nites dure presque trois heures ! Dans le prolongement de sa longue introduction, il nous permet d'appréhender Luck autrement, puisque la jeune femme effectue alors un séjour parmi les siens, en compagnie d'Ozama, client amoureux. Le passé (récent) de la Thaïlande - et de cette région du monde - nous revient alors en pleine face, avec tout ce que cela comporte d'explications sur le comportement des anciens pays colonisateurs. Réaliste, la fiction est du coup très intéressante, comme une fenêtre ouverte sur des situations méconnues, pour ne pas dire ignorées. Lentement mais sûrement, je me suis attaché aux protagonistes, encouragé c'est vrai par quelques plans d'une très grande beauté. Objectivement, du fait de sa longueur surtout, il a tout de même fallu que je m'accroche pour apprécier ce film exigeant jusqu'à son terme. J'admets ici que la dernière partie m'a paru quelque peu répétitive. Cela ne remet pas en cause les qualités déjà exposées, mais je crains que cela décourage une partie du public potentiel. À vous d'en juger...

Bangkok nites
Film japonais de Katsuya Tomita (2017)

Le long-métrage a aussi bénéficié de producteurs thaïlandais, laotiens et français - ce qui explique qu'il soit arrivé sur nos écrans, peut-être. Retenu au Festival de Locarno, il a aussi reçu un Prix du jury à celui de Kinotayo, au Japon. J'ai vu peu d'oeuvres similaires cette année. Cela dit, si la jeunesse d'Asie vous intéresse, je vous recommande d'orienter aussi vos regards vers Diamond Island et Adieu Mandalay.

4 commentaires:

Pascale a dit…

Jamais entendu parler. Où l'as tu dégoté ?

Martin a dit…

Pour une fois, par une voie un peu inhabituelle: auprès du distributeur directement, qui m'a permis de le découvrir en vue d'une éventuelle projection lors d'une soirée de mon association. Cela dit, il est aussi le 15 novembre dernier, mais seulement dans une trentaine de salles, il me semble.

Maintenant, est-ce que ça pourrait te plaire ? C'est une autre histoire...

Leïla Bloop a dit…

Ton article me donne bien envie de le voir

Martin a dit…

Merci de ton passage, Leïla. Ton petit mot est un joli compliment.
Donner envie, c'est en effet la première chose que je cherche à faire sur Mille et une bobines.

Au plaisir de te relire. Bravo pour ton blog à toi et merci pour le lien !