C'est (presque) un hasard: aujourd'hui, je présente une autre Palme d'or attribuée à l'unanimité, j'ai nommé Barton Fink. Dans la filmo des frères Coen, le film pointe à la quatrième place chronologique. C'est aussi l'un de ceux qui a le moins marché en salles, visiblement. À Cannes, en plus de la récompense suprême, il avait pourtant obtenu le Prix de la mise en scène - et John Turturro un Prix d'interprétation.
Barton Fink nous entraîne dans l'Amérique du début des années 40. Nous sommes d'abord à New York, où le héros (?) du film est couronné d'un succès incroyable comme auteur de théâtre. Sur les conseils insistants de son agent, le voilà qui s'envole vers Los Angeles, un job de scénariste et la certitude de ramasser un gros paquet de billets verts. Seulement voilà... notre homme se rêvant comme le porte-voix des classes populaires, le bling-bling hollywoodien ne lui sied guère. Pire, enfermé volontaire dans un hôtel miteux, il voit son inspiration décroître à vitesse grand V et se considère comme un usurpateur. Conséquence: il est tout à fait incapable d'écrire le film de catcheurs que lui a commandé un gros nabab des studios. Stop ! À ce point précis du scénario, la question se pose: est-ce drôle ? Ma réponse personnelle est positive. Les Coen ont pris un malin plaisir à créer toute une galerie de personnages crétins, mais, cette fois, j'ai senti également une légère forme d'empathie se dégager de leurs portraits. L'histoire ne dit pas s'ils avaient (déjà) quelques comptes à régler...
Quelque chose me dit toutefois que la caricature est bien trop forte pour être vraiment vitriolée. Le fait que les Coen aient souhaité reconstituer une époque révolue les met à l'abri des accusations d'ironie facile à l'égard de leurs contemporains. Pour autant, je reste persuadé que ce film tient aussi du poil-à-gratter. J'ai pu lire ici et là qu'un nombre important de ses personnages s'inspirait - allégrement - de certains des anciens du cinéma, côté artistes et côté financiers. Bim ! C'est alors que j'appréciais cette proclamation d'indépendance que l'histoire a amorcé un virage décisif, une demi-heure environ avant sa (très belle) conclusion. Déception ? Le mot est outrancier. Disons que je me suis senti dérouté, ce qui était sûrement le but ultime d'Ethan et Joel, mais peut-être était-elle un poil trop rapide pour que j'apprécie cette autre évolution narrative à sa juste valeur. Barton Fink restera donc pour moi à quelques encablures symboliques du chef d'oeuvre qu'il aurait pu être. Cela dit, je dois préciser aussi qu'il émerge aisément au-dessus de la moyenne des films amerloques.
Barton Fink
Film américain d'Ethan et Joel Coen (1991)
Ceux qui connaissent bien les frangins ne pourront que saluer ici l'incroyable performance de leur complice, John Turturro. Une partie des habitués est là aussi: Steve Buscemi et le génial John Goodman. Non sans pertinence, certains comparent le film à deux sommets d'angoisse: Le locataire et Shining - en plus amusant, bien entendu. Pour l'atmosphère du vieil Hollywood, je citerais également Ed Wood.
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Maintenant, un dernier détour sur la Croisette...
Après le triomphe cannois du film, les règles ont changé: la Palme d'or est depuis lors exclusive de toute autre récompense. Pour retranscrire les impressions de son jury face à la sélection 1991, Roman Polanski taillait dans le vif, déclarant sans rougir: "Ses membres et moi avons souvent été accablés d'ennui à la vision de films dont le dénominateur commun est une incommensurable prétention". Très diplomatique...
Et que dit-on du film ailleurs ?
Du bien, en général. Et des choses mitigées chez "L'oeil sur l'écran".
Barton Fink nous entraîne dans l'Amérique du début des années 40. Nous sommes d'abord à New York, où le héros (?) du film est couronné d'un succès incroyable comme auteur de théâtre. Sur les conseils insistants de son agent, le voilà qui s'envole vers Los Angeles, un job de scénariste et la certitude de ramasser un gros paquet de billets verts. Seulement voilà... notre homme se rêvant comme le porte-voix des classes populaires, le bling-bling hollywoodien ne lui sied guère. Pire, enfermé volontaire dans un hôtel miteux, il voit son inspiration décroître à vitesse grand V et se considère comme un usurpateur. Conséquence: il est tout à fait incapable d'écrire le film de catcheurs que lui a commandé un gros nabab des studios. Stop ! À ce point précis du scénario, la question se pose: est-ce drôle ? Ma réponse personnelle est positive. Les Coen ont pris un malin plaisir à créer toute une galerie de personnages crétins, mais, cette fois, j'ai senti également une légère forme d'empathie se dégager de leurs portraits. L'histoire ne dit pas s'ils avaient (déjà) quelques comptes à régler...
Quelque chose me dit toutefois que la caricature est bien trop forte pour être vraiment vitriolée. Le fait que les Coen aient souhaité reconstituer une époque révolue les met à l'abri des accusations d'ironie facile à l'égard de leurs contemporains. Pour autant, je reste persuadé que ce film tient aussi du poil-à-gratter. J'ai pu lire ici et là qu'un nombre important de ses personnages s'inspirait - allégrement - de certains des anciens du cinéma, côté artistes et côté financiers. Bim ! C'est alors que j'appréciais cette proclamation d'indépendance que l'histoire a amorcé un virage décisif, une demi-heure environ avant sa (très belle) conclusion. Déception ? Le mot est outrancier. Disons que je me suis senti dérouté, ce qui était sûrement le but ultime d'Ethan et Joel, mais peut-être était-elle un poil trop rapide pour que j'apprécie cette autre évolution narrative à sa juste valeur. Barton Fink restera donc pour moi à quelques encablures symboliques du chef d'oeuvre qu'il aurait pu être. Cela dit, je dois préciser aussi qu'il émerge aisément au-dessus de la moyenne des films amerloques.
Barton Fink
Film américain d'Ethan et Joel Coen (1991)
Ceux qui connaissent bien les frangins ne pourront que saluer ici l'incroyable performance de leur complice, John Turturro. Une partie des habitués est là aussi: Steve Buscemi et le génial John Goodman. Non sans pertinence, certains comparent le film à deux sommets d'angoisse: Le locataire et Shining - en plus amusant, bien entendu. Pour l'atmosphère du vieil Hollywood, je citerais également Ed Wood.
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Maintenant, un dernier détour sur la Croisette...
Après le triomphe cannois du film, les règles ont changé: la Palme d'or est depuis lors exclusive de toute autre récompense. Pour retranscrire les impressions de son jury face à la sélection 1991, Roman Polanski taillait dans le vif, déclarant sans rougir: "Ses membres et moi avons souvent été accablés d'ennui à la vision de films dont le dénominateur commun est une incommensurable prétention". Très diplomatique...
Et que dit-on du film ailleurs ?
Du bien, en général. Et des choses mitigées chez "L'oeil sur l'écran".
8 commentaires:
Quel chef-d'oeuvre, un de mes Coen préféré ! Le film n'est pas forcément facile d'accès, on peut aisément passer à côté mais ça mérite d'être vu et revu, il y a une telle profondeur, une mise en scène si réfléchie, un scénario d'une grande subtilité et surtout un John Turturro époustouflant !
Je suis bien d'accord avec cet avis très positif. Pas étonnant que Polanski ait consacré l'atmosphère lourde et claustrale de ce "Barton Fink" qui lui rappelait sans doute ses heures noires passées en Amérique. Je le place pour ma part au rang de mes Coen préférés. Ce pacte faustien restitue en effet de manière magistrale l'univers de compromission qui règne dans les studios d'Hollywood où tout auteur se doit de laisser son âme au vestiaire pour satisfaire aux besoins des grands producteurs. A voir avec en ligne de mire "les ensorcelés" de Minnelli.
Un des rares Coen que je n'ai pas vu. Mais je compte bien me rattraper un de ses jours, surtout que j'adore la manière dont ils tirent le portrait de leurs personnages.
@Tina:
Oui, je pense effectivement que le film passerait bien le cap d'un deuxième visionnage. Il y a probablement plein de petits détails auxquels je n'ai pas fait attention cette première fois. Les Coen sont tout de même des références de la mise en scène !
@Princécraoir:
Je ne suis pas surpris de la décision de Polanski, mais j'ai tenu à signaler également que la Palme avait été attribuée à l'unanimité du jury, ce qui n'est pas si fréquent. Tu as tout à fait raison de parler de pacte faustien et je vais noter cette référence Minnelli que tu proposes en conclusion. Merci !
@2flics:
Question tirage de portraits, je pense que tu seras servi ! Pour ma part, il me reste encore quelques Coen à découvrir et j'ai bien l'intention de saisir toute occasion qui se présentera. Je suis du reste assez impatient d'apprécier le prochain film, dont la sortie est prévue en 2016.
J'ai honte, je ne l'ai jamais vu :-(
Ce n'est pas honteux, au contraire: c'est une chance d'avoir l'opportunité de le découvrir tardivement. J'imagine qu'on pourrait presque t'envier, en tant que fans des Coen !
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