mercredi 26 juillet 2023

Et quitter Mada...

Il reste sûrement quelques bobines Super 8 d'un voyage à la Réunion que mes parents et moi avions fait lorsque j'étais petit (en 1982 ?). Récemment, c'est grâce au cinéma que je suis allé dans l'Océan Indien pour rejoindre cette fois Madagascar - un pays que je connais mal. Nouveau film de Robin Campillo, L'île rouge nous ramène... en 1971 !

Officiellement indépendant depuis le 26 juin 1960, l'État malgache reste toutefois sous le joug de la France, qui maintient des troupes militaires sur son sol. Une colonisation qui vit ses dernières heures. Tout au long du film, la population locale reste cependant hors-champ et seules les familles blanches "occupantes" sont visibles à l'écran. Presque aussitôt, il apparaît que ce temps sera évoqué à hauteur d'enfant, puisqu'un certain Thomas, dix ans, devient le protagoniste principal au travers duquel la caméra observe ce qui se passe alors. L'île rouge est en fait une fiction directement inspirée de la mémoire affective du réalisateur. "Ce que j'ai essayé de faire, c'est de mettre mes souvenirs en perspective non pas pour trouver une vérité historique ou autobiographique, mais plutôt pour créer un monde sensoriel". C'est foncièrement - et formellement - réussi jusqu'à la fin du métrage où, soudain, on nous ouvrira à un tout autre point de vue.

Je vous dois un aveu: c'est principalement pour Nadia Tereszkiewicz que j'ai voulu voir ce film. Malgré ses 27 ans, elle est très crédible dans son rôle de jeune mère (de trois garçons) et en versant solaire du mari ombrageux qu'incarne le comédien espagnol Quim Gutiérrez. Même si je n'en connaissais que peu, l'ensemble de la troupe d'acteurs joue parfaitement sur l'ambigüité des divers personnages, convaincus d'habiter l'un des plus beaux endroits du monde, mais inconscients pourtant des risques qu'ils encourent du fait de leur comportement dominateur. Attention: je ne dirais sans doute pas que L'île rouge vient s'inscrire dans le septième art comme un énième film politique. J'ai vu une oeuvre réfléchie, qui laisse à son public une totale latitude dans ses choix d'interprétation de ce qu'elle montre. La conclusion pourrait tenir lieu de point de bascule, mais rien n'est alors assené comme un propos incontestable - et c'est très bien ainsi, à mon sens. Autres belles qualités de cet opus: sa photo et sa bande originale. Quand le cinéma français atteint ce niveau, il mérite votre attention !

L'île rouge
Film français de Robin Campillo (2023)

Malgré cette notation en demi-teinte, ce long-métrage ambitieux devrait vous intéresser si vous appréciez les scénarios complexes. Notez bien que je n'ai pas dit "compliqués", hein ? En remontant le fil du blog, je retrouve Twist à Bamako, un autre bon film sur les affres de la décolonisation (mais via le regard des Africains, cette fois). Cette histoire vous intéresse ? J'y reviendrai sans doute tôt ou tard...

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Et, avant de partager d'autres impressions...

Je vous conseille de parcourir également celles de notre amie Pascale.

2 commentaires:

Pascale a dit…

On dirait que le réalisateur n'a pas tranché entre chronique familiale, d'une séparation inévitable, de l'enfance et amorce de film politique. C'est pourtant intéressant mais inabouti ou l'inverse.
L'enfant joue très mal, cela me gêne toujours l'interprétation. Et concernant les enfants il y a de tels petits prodiges parfois que je comprends mal ces castings ratés.
Ton amour pour Nadia transpire à chaque film.
Mais est-ce que l'amour transpire en fait ? Sans doute, quand c'est bien fait.

Martin a dit…

Toi, tu as vu le post que j'ai mis sur un certain groupe Facebook !
Je ne sais pas si l'amour transpire, mais au moins, il ne fait pas suer...

Je peux me tromper (et je n'ai pas fait de recherche sur cette question), mais je pense qu'on a demandé à l'enfant d'adopter un regard neutre sur les choses. Il ne livre certes pas une performance ébouriffante, mais cela correspond bien au ton indolent du film, je trouve. Et cela révèle la nature des autres personnages: la mère aimante, le père autoritaire...

Après, pour aller dans ton sens, ce n'est pas mon Campillo préféré. Il faut que je voie "Eastern boys" !