vendredi 11 novembre 2016

Ennemis forcés

Mardi, je n'ai pas tout à fait réussi à évoquer l'élection américaine. Mercredi, j'ai manqué l'anniversaire de la chute du mur de Berlin. Voilà pourquoi, aujourd'hui, je voulais célébrer celui de la fin officielle de la Première guerre mondiale, en chroniquant La grande illusion. Le vrai plaisir: j'en savais bien peu sur le film avant de le regarder...

Ce que je savais, c'est que le temps passé - bientôt 80 ans ! - a donné à ce classique la réputation d'être parmi les meilleures productions françaises de tous les temps. Bon... pas sûr cela dit qu'il puisse faire l'unanimité. C'est un grand film, assurément, mais il est très daté. D'abord, bien entendu, de par ce qu'il raconte: en 1916, deux officiers français sont abattus alors qu'ils volent au-dessus des lignes ennemies et, rescapés, sont alors envoyés en Allemagne comme prisonniers. Allez... je n'en dirai pas plus, mais il y a bien de véritables surprises et quelques rebondissements au cours de la suite de cette histoire. L'idée clé, c'est que la guerre est une saloperie et que, si les hommes la font, c'est simplement parce qu'ils y sont obligés. Le plus marquant dans le scénario de La grande illusion, c'est ce que j'oserai appeler son courage: s'il livre une certaine vision du patriotisme, il se garde consciencieusement de tout manichéisme. Et j'ai trouvé ça blu-ffant !

Après, bien évidemment, il y a plein de bons acteurs, dans ce film ! Pas question de vous dire que je maîtrise le sujet: je connaissais déjà Jean Gabin, Pierre Fresnay, Erich von Stroheim... pas les autres. Pas sûr que faire une liste soit pertinent: La grande illusion ressemble plutôt à une réussite collective. Il faut sans doute saluer plutôt la très sûre direction d'ensemble de Jean Renoir, qui en était certes à son 22ème film, à l'âge de 43 ans "seulement". Quel brio ! Même quand le nombre de personnages se restreint, pour des raisons que je vous laisserai découvrir, le talent demeure: le film intéresse d'abord parce qu'il étudie un groupe, mais parvient à émouvoir aussi quand il se transforme en observateur (délicat) de la personnalité intime de chacune de ses composantes. L'équilibre est parfait. Maintenant, je vais me répéter: il faut parvenir à entrer dans ce récit d'un autre âge. J'espère vous avoir encouragés à essayer, au moins...

La grande illusion
Film français de Jean Renoir (1937)

L'avez-vous remarqué ? Je n'ai rien dit sur la signification du titre. C'est juste qu'il me semble qu'il y a plusieurs interprétations possibles. J'en ai une, oui, mais je préfère ne pas vous l'imposer. Après, au petit jeu des comparaisons, j'ai ressenti plus d'émotions encore devant Les sentiers de la gloire. Mais, malgré la même toile de fond, les deux films sont très différents. Le mieux: voir les deux !

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Et si je vous parlais de la fin ?

Je veux juste vous assurer que j'y ai vu un petit message d'espoir. Une autre version fut envisagée, avec, aux temps de la paix revenue et des possibles retrouvailles, la simple image de deux chaises vides.

Je ne vous ai pas convaincu ? Bon...
Peut-être que vous suivrez Chonchon... ou Elle et Lui, au choix. Fidèle à elle-même, Ideyvonne, elle, préfère laisser parler les images.

8 commentaires:

eeguab a dit…

Bonjour Martin. J'aime La grande illusion et notamment ses dialogues dont certains sont inoubliables. Mais il me semble évident que le très grand film de Renoir reste La règle du jeu, deux ans après, brillantissime jeu de massacre social avant le déluge de la guerre. A bientôt l'ami.

Laurent a dit…

Bonjour, Martin...ce film reste, à mes yeux, un chef d'oeuvre, malgré les décennies qui passent. Je l'ai revu récemment avec un plaisir intact.

princécranoir a dit…

Comme le dit eeguab, "La Grande Illusion" anticipe le "chacun a ses raisons" de "La règle du jeu". Il demeure néanmoins un de mes Renoir de prédilection. J'avais hésité à en faire mon film de 11 novembre. Mais comme tu en as très bien parlé, je garde mes arguments pour l'an prochain.

Anonyme a dit…

Bonjour Martin, Un classique parmi les classiques, qui a assez rapidement fait partie des listes des plus grands films de tous les temps, établis par la critique. Et quel titre formidable, qui dit à la fois l'illusion de la guerre et l'illusion pacifiste de la France de 1937 dans ce portrait des allemands si peu conforme à l'Allemagne nazie. Je l'ai vu il y a longtemps et je l'avais tellement aimé alors. Je le reverrais avec plaisir.
Strum

Martin a dit…

@Eeguab:

C'est vrai et je n'ai pas insisté sur ce point: "La grande illusion" s'illustre aussi par d'excellents dialogues. J'aimerais voir aussi "La règle du jeu", mais l'occasion ne s'est pas (encore) présentée. Merci donc de rappeler cet autre film à mon bon souvenir, ami cinéphile.

Martin a dit…

@Laurent:

Ravi de voir que nous sommes en phase sur ce grand film, l'ami. C'était ma première fois, mais je suis sûr que je reverrai le film avec plaisir dans quelques années. Ce genre de pièce maîtresse du cinéma français traverse les années avec aisance, du fait de l'universalité de son message.

Martin a dit…

@Princécranoir:

Ce sera un plaisir de te lire sur ce film l'an prochain ou, d'ici là, sur tout autre film de Jean Renoir.

Martin a dit…

@Strum:

Classique parmi les classiques: c'est exactement ça... et c'est bien le type de films que je recherche pour marquer idéalement les dates symboliques. J'ai cependant un peu plus confiance en les amateurs de cinéma qu'en la critique professionnelle qui, parfois, a la dent dure sur certains de ces grands films d'antan. Ou, au contraire, les encense exagérément.

Le titre "La grande illusion" est formidable, en effet. Pour moi, la première des illusions, c'est celle qu'entretiennent les personnages, selon laquelle il est possible que les hommes oublient leurs haines réciproques en pleine guerre, sur les fondements d'une certaine idée de la grandeur.