dimanche 28 février 2010

Prophète en son pays

Le jeu de mot est assez facile, mais les faits sont là: Un prophète est le grand gagnant des Césars 2010. Parmi les films donnés favoris pour la Palme d'or au printemps, il décroche finalement "son" trophée du meilleur film de l'année. Encore inconnu du grand public il y a quelques mois, Tahar Rahim peut lever bien haut ses compressions dorées: à 28 ans, il réalise un doublé historique, consacré à la fois comme meilleur acteur de l'année et... meilleur espoir masculin ! Autre comédien couronné: Niels Arestrup, qui, campant un parrain corse, obtient du coup le César du meilleur second rôle masculin. C'est le deuxième de sa carrière ! Jacques Audiard, lui, en est désormais à trois prix du meilleur scénario et complète sa collection d'un deuxième César du meilleur réalisateur - six autres cinéastes partagent avec lui ce statut. Mais parce que le septième art est aussi un travail d'équipe, la razzia ne s'arrête pas là: le film est encore distingué pour ses décors (signés Michel Barthélémy), son montage (de Juliette Welfling) et sa photo (Stéphane Fontaine). Avec donc neuf récompenses au total, il s'octroie le deuxième meilleur total historique des Césars, événement créé en avril 1976. Je crois donc qu'il ne me reste plus qu'une seule chose à faire: le découvrir enfin !

Autre film que je n'ai pas vu: La journée de la jupe. Cette histoire de prof qui pète les plombs a semble-t-il été très controversée. Question de réalisme, a-t-on dit. Je dois admettre que ce n'est pas une priorité pour moi que de le voir, mais il a souri à Isabelle Adjani. Laquelle obtient son cinquième César de meilleure actrice, le premier depuis 1995. Elle aussi assez mal aimée du public, elle fait preuve d'une épatante longévité. C'est déjà une performance en soi.

Faut-il dès lors souhaiter la même carrière à Mélanie Thierry ? Premier constat: le meilleur espoir féminin, c'est elle, pour son rôle dans Un dernier pour la route. Je dois avouer que je ne sais pas grand-chose sur cette jeune comédienne, si ce n'est que la presse people la présente comme la petite amie du chanteur Raphaël. Admettons qu'elle mérite un peu plus d'attention, sachant qu'elle a déjà seize films à son actif, sans compter la télé et le théâtre...

Emmanuelle Devos, elle, m'est nettement plus familière. Je dois dire que je l'apprécie beaucoup, et notamment dans A l'origine, le film qui lui vaut cette année le prix du meilleur second rôle féminin - c'est son deuxième et il me paraît mérité. Difficile toutefois d'échapper totalement à l'idée qu'au-delà de sa comédienne, le trophée récompense le long métrage, qui, à défaut, repartait bredouille...

Un long métrage à côté duquel je suis passé: Les beaux gosses, signé Riad Sattouf, obtient le César du meilleur premier film. Remarquons qu'après la polémique Dany Boon l'an passé, l'Académie consacre bel et bien une comédie ! Mais est-elle vraiment drôle ? J'aurais donc à la découvrir pour vous livrer mon opinion. Sincèrement, ces ados dévorés de pulsions ne m'attirent pas, mais...

Bien que j'apprécie Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain, j'ai manqué Mademoiselle Chambon, qui reçoit le César du meilleur scénario adapté. Pour dire la vérité, je n'ai pas lu non plus le roman dont il est tiré. Ce qui pourrait m'intéresser ? Le duo de comédiens, jadis également en couple à la ville. Non pas que je sois d'emblée aveuglé par les paillettes, mais j'ai tout de même la curiosité de voir comment jouent ensemble deux êtres que la vie a séparés. Un peu triste, sans doute, mais c'est ça aussi, le talent. Non ?

Meilleur film étranger: Gran Torino. La France aime décidément Clint Eastwood. Ce n'est sûrement pas ici que vous lirez une critique sur ce choix, même si une petite voix me lance que l'Académie donne tout de même un peu dans la facilité. Bémol: quand j'ai découvert moi-même le film et, ensuite, quand je l'ai critiqué ici, je me suis promis de le revoir "à froid". En laissant de côté le fait que c'est l'ultime apparition à l'écran du monstre sacré qu'est le réalisateur américain, je pense pouvoir le juger (un peu) plus objectivement.

Le prix du documentaire revient à L'enfer d'Henri Georges-Clouzot. Je ne suis pas très fier à l'idée de vous avouer que j'en ai beaucoup entendu parler, sans réellement m'y intéresser. Aussi, pour dire simplement ce dont il s'agit, je dois me référer à des sources extérieures. Signé Serge Bromberg et Ruxandra Medrea, ce film raconte le tournage (raté) d'un long métrage avec Rommy Schneider et Serge Reggiani, leur redonnant donc vie pendant une heure trente. Peut-être que le récompenser est également une façon de saluer aussi le travail du réalisateur et des comédiens disparus...

Autre film dont j'ignore tout: C'est gratuit pour les filles, César 2010 du meilleur court métrage. C'est l'une de mes lacunes cinématographiques: je n'ai pas pris l'habitude de donner sa chance au format court. Pas le réflexe, disons. Il faut dire que ce n'est pas forcément évident d'en voir. Pourtant, dans le petit nombre que j'ai eu l'occasion de découvrir, il m'est arrivé de relever quelques perles. Autre créneau intéressant pour Mille et une bobines ? Je vais à tout le moins tâcher de trouver un moyen de visionner cette histoire moderne de nanas en passe d'ouvrir ensemble un salon de coiffure.

J'ai déjà vu Le Concert ! J'ai déjà dit ici que cette histoire à l'humour tendre et ces musiciens russes en représentation clandestine à Paris avaient visiblement rencontré plus de succès que les distributeurs cinéma ne l'avaient imaginé. Sans être exceptionnel, le film reste très sympa: on en ressort plutôt avec le sourire. Le genre d'expérience qui fait du bien, tout de même ! Est-ce une façon d'enfin sauver l'honneur de la profession ? L'Académie a donné au film un César, celui de la meilleure bande son. Plutôt logique, en fait.

Logique, l'attribution du César récompensant les meilleurs costumes à Catherine Leterrier pour Coco avant Chanel l'est peut-être aussi, mais je n'ai pas vu le film pour en juger. Je note qu'une costumière est récompensée pour une oeuvre sur une coutière. Un bon départ pour une éventuelle découverte. Même si je n'ai pas eu d'échos franchement enthousiasmants du long métrage, sa distribution prestigieuse - Audrey Tautou en tête - ne sauvant visiblement pas tout. Bon, je ne renonce pas: ce sera à confirmer à l'occasion...

Le dernier prix remis hier ? Il revient à Harrison Ford, récompensé d'un César d'honneur. Je lisais il y a peu un article sur les conditions d'attribution d'une telle récompense: on y suggérait que le lauréat n'était en général rien d'autre que... le premier acteur américain passant par Paris au moment de la cérémonie. Bon: le récipiendaire 2010 n'aura tout de même pas volé ce petit clin d'oeil. Notons enfin, pour être complet, que le rideau est tombé sur un ultime hommage ému à deux "grands disparus" du cinéma français: le comédien Jocelyn Quivrin et le réalisateur Eric Rohmer, un duo inattendu.

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Mise à jour (18h36): Juste pour signaler qu'en fait, Le Concert n'a pas gagné un, mais deux Césars. Celui de la meilleure bande son comme je l'ai dit et celui de la meilleure musique. Deux fois logique.

1 commentaire:

Michel a dit…

J'imagine la sincérité de l'hommage des Césars à Rohmer. D'autant plus sincère que son dernier film, Les Amours d'Astrée et de Céladon n'a pas plus été nommé que le précédent, Triple agent. Inutile d'emprunter la machine à remonter le temps pour montrer à quel point, pour l'Académie des césars, un bon cinéaste est un cinéaste mort. Vivant, il n'intéresse pas.
quant au reste, je remarque que vous n'avez vu presqu'aucun des films primés. Ce qui montre que nous sommes d'accord sur la vanité d'un palmarès qui court au secours d'un cinéma moyen qui n'intéresse pas grand monde.
Le film d'Audiard a connu une victoire à la Pyrrhus comme chacun le savait. Le tic des Césars est de faire d'un film moyen un film-événement en accumulant les distinctions pour impressionner les spectateurs impressionnables.
S'agissant de Gran Torino, prix également évident, je vous comprends mal ("l'Académie donne tout de même un peu dans la facilité"). Vous voulez peut-être dire que l'Académie n'a rien vu du cinéma mondial en 2009 et n'a rien mis en face de gran Torino (mon film de l'année, d'ailleurs). Pour cette académie de spécialistes, il n'y a eu en 2009 aucun film asiatique, aucun latino-américain et Tarentino, Bellochio, Coppola n'ont sorti aucun film. Dans ces conditions, confronter un des Eastwood les plus musclés à Slumdog millionaire ou Avatar lui assurait une victoire facile.
C'est bien ce que vous vouliez dire ? Alors nous sommes en pleine harmonie.
Bons films pour la semaine et à bientôt.
Michel