lundi 4 avril 2022

Assoiffée de sang

De quoi vous dégoûter de l'immortalité ! J'ai vu au théâtre une pièce inspirée du roman de Jonathan Swift, Les voyages de Gulliver (1721). La vie éternelle y était présentée comme un véritable et long calvaire infligé aux vieillards et pas une bénédiction offerte aux jeunes gens. En y repensant, il y a sans nul doute une morale à tirer de ce constat !

J'y songeais encore quelques jours plus tard: je regardais alors un film franco-allemand, La comtesse, sur le site Arte.tv. Julie Delpy, actrice et réalisatrice, y incarne avec conviction un mystérieux personnage dans ce qui est désormais la Hongrie: Erzsébet Báthory (1560-1614). Si cette femme, puissante membre d'une famille princière, est restée dans les mémoires après la mort de son mari, c'est essentiellement parce qu'elle fut ensuite soupçonnée d'être... une tueuse en série. D'après certaines allégations qui font encore l'objet de controverses entre historiens aujourd'hui, elle aurait fait assassiner des centaines d'enfants et d'adolescents, persuadée qu'elle était que leur sang, pur, pourrait lui servir de crème anti-âge ! Je rassure les âmes sensibles qui liraient cette chronique: le film ne verse que peu d'hémoglobine. Cela dit, les images ne démentent en rien la folie coupable d'Etzsébet. Le scénario nous intéresse à autre chose: son amour pour un homme de vingt ans son cadet et la frustration que cela suscite chez le père de ce dernier, qui devient alors son principal accusateur ! Troublant...

La comtesse
Film franco-allemand de Julie Delpy (2009)

Assez méconnu en France, ce long-métrage n'a certes pas le clinquant des meilleures productions du genre, mais reste très recommandable. Daniel Brühl s'y montre à son avantage, ainsi que William Hurt, mort dès le lendemain de ma séance télé (il y a donc pile trois semaines). Ami(e)s des vampires, notez que d'autres créatures aux dents longues hantent ce blog. Mon conseil aujourd'hui ? (Re)voir Les lèvres rouges.

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Cet opus est resté loin du triomphe en salles, mais...

Pascale, Dasola, Benjamin et Lui ont tous témoigné d'un avis positif.

6 commentaires:

cc rider a dit…

Pour compléter vos connaissances sur la comtesse sanglante vous pouvez également visionner "Les contes immoraux de Walerian Borowcyk , et admirer la plastique de Paloma Picasso dans son unique intervention cinématographique...

Pascale a dit…

Le film recommandé par cc rider ne me semble pas si bon que le film de Julie Delpy. Manifestement tu n'as pas mon enthousiasme devant ce film français, féminin voire féministe que j'ai trouvé admirable, très beau et très profond. Le grand amour, la terreur de vieillir, une enfance confisquée, un mariage forcé sont les thèmes traités avec une grande maîtrise je trouve.
Et ce sont de jeunes vierges que la Comtesse massacre.

Martin a dit…

@CC Rider:

Merci pour cette nouvelle référence ! Vous en connaissez décidément un (beau) rayon !
C'est amusant, parce que j'ai croisé la route de Paloma Picasso, un jour... en autrice d'une histoire de son grand-père.

La comtesse rouge m'intéresse toujours, mais je ne suis pas sûr d'avoir tout de suite envie de la retrouver...

Martin a dit…

@Pascale:

C'est intéressant, ce que tu dis. Le film est féminin, à n'en pas douter, mais je ne le trouve pas féministe. Même si la comtesse n'a pas tout à fait la vie qu'elle voudrait mener, elle reste explicitement une criminelle multi-récidiviste, comme on dit de nos jours. Je serais curieux de voir un film qui joue sur l'ambiguïté du personnage. Après tout, certains historiens disent que la plupart des accusations portées contre elle sont plus que douteuses. Peut-être qu'on a menti sur sa culpabilité et simplement monté en épingle sa réputation de sorcière pour mieux la plomber au moment où elle avait acquis une certaine puissance...

Je te rejoins pour dire que le film est très maîtrisé et, je trouve, très bien interprété aussi. Julie Delpy a l'immense mérite de ne pas tirer la couverture à elle et donne aux autres protagonistes de cette sombre histoire un bel éclat. Tout ça alors que les faits sont si noirs... je dis bravo !

Pascale a dit…

Enfance confisquée, souverraine parmi les hommes, obligée sans cesse de faire ses preuves, se battre pour garder son amour... je la trouve féministe.

Évidemment tuer des gens n'a RIEN de féministe.

Martin a dit…

Ouais, d'accord, je comprends mieux ton point de vue. Mais, à part pour le fait de se battre pour garder son amour, je n'ai pas vu un personnage revendicatif. J'ai dû trop vite me concentrer sur sa facette criminelle.