mardi 19 mai 2020

Le fils en partance

Assez tourné autour du pot ! Aujourd'hui, j'honore enfin une promesse que je me suis faite depuis un moment: revenir sur Marius, l'épisode inaugural de la très fameuse trilogie marseillaise de Marcel Pagnol. Pour mon père, il s'agit d'un film-culte et c'est aussi pour cette raison que je reprends le flambeau. En vous embarquant vers le grand Sud...

Marius, 23 ans, est le fils de César, patron d'un bistro du Vieux Port. Il aide son père dans son travail, mais l'idée d'un jour lui succéder derrière le comptoir n'a pas l'air de le démanger beaucoup. Le garçon rêve vaguement d'une autre vie et se verrait plutôt occuper un poste sur la Malaisie, un bateau en partance pour une contrée lointaine. C'est ce qui inquiète Fanny, la jeune et jolie vendeuse de coquillages qu'il fréquente depuis l'enfance, sans s'être interrogé sur la nature exacte de ses sentiments. Or, dans cette France populaire du début des années 30, il peut se passer longtemps avant que les jeunes gens aient une première opportunité d'unir leurs destinées. Il faut encore qu'ils le veuillent, bien sûr, mais aussi que leurs parents y consentent. Bref... je ne vais pas vous faire un dessin ! Oui, Il y a dans Marius tous les éléments d'un mélodrame classique et c'est en effet une piste que le scénario (adapté d'une pièce de théâtre) nous invite à explorer. Cependant, le film est souvent présenté comme un pan du patrimoine cinématographique français: il ne peut être réduit à un genre unique !

Futur académicien, Pagnol chante aussi un certain "esprit de terroir". Bon... je suis loin d'être convaincu qu'il y serait pareillement parvenu ailleurs qu'à Marseille, lui qui était natif d'Aubagne, dans la région. Plus qu'un décor, la ville est pour lui un cadre, avec tous les aspects folkloriques - et/ou caricaturaux - que cela peut contenir. L'étranger prend le risque de s'y perdre, mais, dans le même temps, il y trouve un peu de cet enviable plaisir qu'ont les Méridionaux à vivre chez eux. Paradoxe: en mettant en chantier ce long-métrage, le grand Marcel s'était créé quelques inimitiés, certains de ses confrères dramaturges s'inquiétant de la concurrence croissante d'un cinéma devenu parlant depuis peu. L'histoire retient également que les équipes techniques n'eurent guère le temps d'alimenter la polémique: deux autres Marius furent en effet tournés simultanément... en allemand et en suédois. Ne sachant rien de ces doublons, je n'imagine pas d'autres acteurs qu'Orane Demazis, Raimu, Charpin et Pierre Fresnais dans le costume des personnages principaux. Mon engagement: en reparler très vite...

Marius
Film français d'Alexander Korda (1931)

Je ne crois pas exagérer si j'affirme que ce beau film est fondateur. Moins lyrique que d'autres à venir, il mérite quand même le détour !  Encore peu expérimenté, Pagnol avait su confier l'usage de la caméra à un vrai spécialiste, à qui, dit-on, il apprit la valeur des dialogues. Quelques personnalités du cinéma frémirent alors de l'émergence soudaine des stars des planches. Et ce n'était pourtant que le début...

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Envie d'aller un peu plus loin ?
Je peux à présent vous recommander la lecture de "L'oeil sur l'écran". 

8 commentaires:

cc rider a dit…

Il est vrai que confier la réalisation de l'archétype du film provençal à un réalisateur hongrois naturalisé britannique est une idée qui peut paraître saugrenue , mais le résultat est là....

Korda nous donna aussi un »lady Hamilton » avec Vivian Leigh et le grand Lawrence Olivier vraiment digne d’intérêt ...

Martin a dit…

C'est vrai, mais je dirais qu'on ne pouvait pas forcément deviner que cela deviendrait un tel archétype, même si le succès de la pièce laissait sans doute espérer quelque chose de positif au cinéma également. Avec le recul, je dirais que Pagnol a eu la sagesse de s'entourer d'un partenaire qui, à l'époque, maîtrisait sans doute mieux que lui les techniques du septième art. Et même si ledit partenaire n'est pas forcément mis en avant sur toutes les affiches...

Merci de me proposer une autre référence d'Alexander Korda. Je vais tâcher de ne pas l'oublier !

Pascale a dit…

Je ne reviens pas sur mon amour inconditionnel de Pagnol et de ce film donc.
Lors de mon périple sur les traces de Marcel, je suis allée au Bar de la marine sur le vieux port. Grosse émotion même s'il ne s'agit pas DU bar du film (les intérieurs ont été tournés en studio), il a été reconstitué et il y a des photos du film.
Un réalisateur d'origine hongroise et un acteur principal parisien... quasiment du grand Nord, comme le Lyonnais M. Brun.

Martin a dit…

C'est un pèlerinage que je n'ai pas accompli, ça ! Je note dans un coin de ma tête.

Paris n'est pas quasiment dans le grand Nord... Paris est au-delà du grand Nord !
Blague à part, j'adore le personnage de M. Brun, un "esstranger" dont l'amitié est précieuse.

eeguab a dit…

Et moi où suis-je alors? Au delà de l'au delà du Grand Nord. La trilogie est je crois,dans les gènes de tout cinéphile, qu'ils soient amateurs de western ou de SF, fans du cinéma italien ou soviétique, zélateurs du film noir ou de la screwball comédie, passionnés d'animation ou de drames psychologiques, bunueliens ou bergmaniens. Té! Ca fait plus de quatre tiers ça!

Martin a dit…

Toi, Eeguab, tu es tellement au-delà du Grand Nord que tu vas finir par te retrouver au Sud...
Sinon, bravo pour tes quatre tiers, mais j'ai moi aussi une question essentielle: et le picon, alors ?

Valfabert a dit…

Le tandem Korda-Pagnol a fait mouche. C'est aussi Korda, mais sans Pagnol, qui réalisa les versions allemandes et suédoises qui ne connurent pas de succès... Où l'on voit que Pagnol avait le souffle de la création et fut un grand directeur d'acteurs.

Martin a dit…

Merci pour ce commentaire, Valfabert. J'y souscris largement.

Effectivement, le tandem Pagnol / Korda a bien fonctionné, même s'il était peut-être un peu déséquilibré. Je n'ai pas cherché assez d'informations pour l'affirmer, mais il semble que Pagnol ait été un partenaire assez exigeant pour Korda, ce qu'on a le droit de trouver logique étant donné qu'il était l'auteur de la pièce originelle.

J'ai du mal à imaginer comment des Allemands ou des Suédois auraient pu se sentir émus par cette histoire méditerranéenne. Surtout en 1931, où Marseille devait encore être pour beaucoup de gens du Nord de l'Europe une terra incognita. Mais c'est une idée "toute faite" de ma part, car je n'ai à vrai dire pas cherché à en savoir beaucoup plus sur ces autres versions.