vendredi 15 février 2019

La loi du silence

Mon film d'aujourd'hui aura bientôt quatre ans, mais son terrible sujet revient régulièrement hanter l'actualité: El club évoque frontalement les crimes pédophiles commis par certains prêtres catholiques. Attention: il s'agit bel et bien d'une fiction et pas d'un documentaire. Je l'ai découverte un samedi, à la bibliothèque dont je parle parfois...

Une fois encore, le talentueux Pablo Larrain nous ouvre une fenêtre sur son pays: le Chili. Encore méconnu du grand public, le réalisateur n'en est pas moins une valeur sûre du cinéma international, auteur régulier de longs-métrages ancrés dans le réel et souvent édifiants. Presque entièrement tourné à huis clos, El club brosse un portrait sans concession d'hommes de Dieu envoyés dans une maison isolée pour faire oublier leurs turpitudes passées. Vous imaginez sans doute que ce n'est pas si simple: de fait, l'un des habitants du village voisin s'approche du petit groupe et interpelle violemment le dernier arrivé. Résultat: alors qu'il semblait prêt à une discussion, ce dernier sort avec une arme... et se tire une balle dans la tête ! Un ecclésiastique est alors envoyé auprès des survivants et chargé de mener l'enquête sur la manière dont les événements se sont déroulés exactement. Bien sûr, il suscitera l'hostilité de ses coreligionnaires, d'autant que...

Pas de surprise: d'emblée, la photo "brumeuse" du film nous maintient dans le flou et renforce l'impression que la lumière a du mal à passer. Éprouvant, le propos est d'autant plus fort qu'il s'inscrit dans un Chili encore traumatisé par les années Pinochet. Comment tourner la page du passé quand l'omerta a très longtemps été de mise sur des sujets aussi sensibles ? El club pose la question et n'offre qu'une réponse partielle - et, à mes yeux, sans nul doute l'une des plus pessimistes. Grand Prix du jury à la Berlinale 2015, le long-métrage m'a semblé d'une noirceur insondable, mais il mérite qu'on s'y intéresse de  près. La raison est simple: je trouve qu'il possède de très grandes qualités formelles, qui m'ont aidé à m'immerger pleinement dans le récit. L'interprétation des acteurs n'est pas en reste: ce défilé de rôles ingrats apparaît parfaitement assumé par chacun des comédiens. Après la projection, j'ai repris mon souffle, mais sans regret aucun...

El club
Film chilien de Pablo Larrain (2015)

Si vous cherchiez une comédie, un seul conseil: passez votre chemin ! Ou pas tout à fait: No, du même réalisateur, vaut aussi le détour. J'ajoute simplement que les deux films sont vraiment très différents. J'aimerais à présent revoir La jeune fille et la mort (Roman Polanski) pour un autre contexte d'omerta en Amérique du Sud. Il arrive aussi que le crime soit tu dans notre pays: on le vérifiera avec 38 témoins.

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Si un avis différent vous intéresse...

Vous pouvez aller lire aussi la chronique (assez négative) de Pascale.

4 commentaires:

Princécranoir a dit…

Voilà que ce film m'intrigue après avoir vu "Grâce à Dieu" puisqu'il semble être son pendant chilien. Et puis Larrain est tout de même un grand réalisateur.
Merci pour ce conseil (que ne partage pas Pascale si j'ai bien compris) ;-)

Martin a dit…

C'est un film que j'ai trouvé éprouvant... et très centré sur les coupables.
Effectivement, Pablo Larrain est un grand réalisateur, auteur de films marquant.

Du coup, je dois dire que je serais curieux de lire ton avis...

princecranoir a dit…

S'il est centré sur les coupables, il se démarque alors du film d'Ozon qui lui privilégie les victimes.
Si j'en ai l'opportunité, je ne manquerai pas de publier un avis (et de venir relire le tien par la même occasion).

Martin a dit…

Oui, je pense qu'il s'en démarque franchement, en effet.
Voir les deux est sans doute intéressant. Même si le Ozon ne m'attire guère...