lundi 12 septembre 2016

Un amour de père ?

Vous avez le droit de me trouver têtu: je continuerai de m'intéresser au Festival de Cannes, entre autres raisons parce qu'il nous permet chaque année d'approcher quelques films qui, sans lui, seraient restés inédits en France. Toni Erdmann est-il de ceux-là ? C'est possible. J'attendais - impatiemment - la sortie de ce long-métrage allemand...

Un petit mot du contexte, d'accord ? Bien qu'il soit reparti bredouille de la Croisette au printemps, le film bénéficiait d'un large consensus critique quant à ses immenses qualités. Fustigeant le jury officiel pour ce supposé oubli fâcheux, d'aucuns osaient même le présenter comme une très belle "Palme du coeur". Le mien serait-il trop sec ? J'ai mis beaucoup de temps à entrer dans cette drôle d'histoire. Constant plus ennuyeux, malgré sa durée XXL, je n'ai pas ressenti d'empathie véritable avec l'un ou l'autre des personnages. Je rappelle que le scénario évoque la vie d'une femme, Ines Conradi, consultante allemande d'une entreprise installée en Roumanie, chargée en fait d'élaborer un plan de relance de son activité, licenciements à la clé. Toni Erdmann ? C'est le titre du film, mais aussi le faux nom du père d'Ines, Winfried, inquiet des conséquences de son travail sur l'humeur de sa fille et bien décidée à la dérider (au cours d'une visite-surprise).

Stop ! Je m'arrête là avant de tout vous dire des rebondissements plus ou moins étonnants du récit. Sur le plan technique, je regrette infiniment d'avoir à dire que Toni Erdmann m'a semblé très morne. Même s'il m'a paru jouer, à une ou deux reprises, sur la composition des plans et leur netteté relative, je ne dirais pas que le film sort vraiment de l'ordinaire des prod' cinéma. Ensuite, en vous précisant qu'il dure tout de même 2h42, je crois qu'il n'est pas injuste d'ajouter que je m'attendais à un peu plus d'action. Dès l'instant où j'ai admis ses enjeux, l'histoire a contiué assez platement... et c'est dommage. Je me suis senti frustré, sans aucun doute d'autant plus fortement que de très nombreux médias parlaient également d'un long-métrage hilarant ! Je noterais tout de même, pour la défense du travail honnête proposé ici à nos regards, que le ton employé est assez juste dès lors qu'il s'agit d'évoquer les méfaits du capitalisme sauvage. Honnêtement, ça sauve un peu le tout à mes yeux - heureusement ! Bon, voili, voilou... j'ai vu d'autres films, bien meilleurs, cette année.

Toni Erdmann
Film allemand de Maren Ade (2016)

Un autre atout pour le film, qui justifiera (tardivement) cette note malgré tout honorable: il demeure foncièrement in-clas-sable. Plusieurs fois, je me suis en fait demandé s'il fallait rire, m'émouvoir ou pleurer. D'ailleurs, un peu avant une conclusion que j'ai trouvée relativement ouverte, mais morose, j'ai apprécié une petite touche d'onirisme. Allez dénicher un film similaire avec ça ! Broken flowers ?

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Je constate que mes camarades Pascale et Dasola n'ont pas adhéré. Sentinelle, elle, a aimé le film et lui a accordé une note très élevée. Quant à Strum, fidèle à lui-même, il a proposé une analyse détaillée.

16 commentaires:

Anonyme a dit…

"Broken Flowers", un film similaire, what ? :D Merci pour le lien, Martin. Tes commentaires sur mon blog laissaient augurer du ton mi-figue mi-raisin de ta critique.
Strum

Martin a dit…

Pour moi, la comparaison avec "Broken flowers" peut tenir, même si elle est tirée par les cheveux. L'idée étant que les deux films parlent d'un père qui aimerait prendre soin de sa progéniture et s'en trouve coupé, pour des raisons différentes il est vrai.

En fait, si j'ai repensé au film de Jim Jarmusch après avoir vu "Toni Erdmann", c'est aussi lié au sort qui lui fut réservé en son temps. Je l'avais l'avais trouvé mélancolique au possible et je l'avais bien aimé, alors même que la rumeur parvenue jusqu'à moi en parlait comme d'un mauvais film et d'une comédie ratée. Bref...

eeguab a dit…

Pour moi 2h42 et comédie sont irréconciliables. J'irai donc la semaine prochaine mais je vous préviens, je traînerai les pieds. :D

Véronique Hottat a dit…

Merci pour le lien Martin. Comme tu le sais, j'ai beaucoup aimé ce film, et je n'ai pas vu le temps passer. Mais je suis très vite entrée dans ce film aussi, et je me suis ensuite laissée porter par le courant avec beaucoup de facilité. Mais je comprends très bien qu'on puisse rester extérieur, les personnages n'étant pas particulièrement sympathiques, ce qui limite les possibilités de s'y identifier ou d'éprouver une quelconque empathie. Mais j'ai tendance à trouver que de ce point de vue là aussi, la réalisatrice a pris des risques et j'ai bien aimé ça.

dasola a dit…

Bonsoir Martin, je n'ai pas beaucoup de souvenirs de Broken flowers mais j'avais quand mieux aimé le film de Jim Jarmush. Quant à Toni Erdmann : "palme du public": bof. Merci pour le lien et bonne soirée.

tinalakiller a dit…

J'ai également eu du mal avec ce film en dépit de son potentiel et même de certaines qualités (belle interprétation, des thèmes intéressants, des répliques drôles). Trop long pour une conclusion un peu vaine pour moi...

Pascale a dit…

Bon tu sais ce que je pense de ce film et de ces personnages... détestables... bon allez disons, vraiment pas attirants.
Comme toi j'ai sauvé la belle analyse de l'univers de l'entreprise. Mais pour le reste... c'est moche et ennuyeux.

Martin a dit…

@Eeguab:

Il ne me restera plus qu'à guetter ton éventuelle future chronique. C'est vrai que les comédies aussi longues sont rares, mais je maintiens que "Toni Erdmann" n'est pas une comédie. Et assez paradoxalement compte tenu de ce que j'ai retenu du film, sa durée ne m'a pas tellement dérangé.

Martin a dit…

@Sentinelle:

Tes arguments sont bons et, même si je ne partage pas ton point de vue, je le respecte profondément. Je continue de penser que, si je m'étais attendu à un film un peu grinçant, je l'aurais mieux apprécié. Peut-être que ça vaudra le coup de lui redonner sa chance dans quelques années...

Martin a dit…

@Dasola:

Cette mention de Palme du public ne me semble pas vouloir dire grand-chose, dans la mesure où je crois bien qu'elle a été accolée au film avant même sa sortie ! Or, on sait bien qu'à Cannes, le (grand) public n'a pas accès aux projections. Bref...

Martin a dit…

@Tina:

Je ne crois pas que je dirai comme toi que la conclusion est un peu vaine. Au cours du film, je me suis demandé d'ailleurs si Ines et Winfried allaient finir par réellement se rapprocher. C'est un peu le cas, même l'avenir reste plus qu'incertain.

En fait, je crois bien que j'aurais placé la fin plus tôt, après la drôle de réception. Mais je me dis aussi que ça nous aurait privé d'éléments sur l'évolution du personnage de la grand-mère.

Martin a dit…

@Pascale:

Pas attirants, ça, c'est sûr ! Le terme détestables me paraît un peu fort.

Moche et ennuyeux ? J'aurais plutôt dit terne et redondant - je joue sur les mots. Finalement, ma conviction se maintient: je crois être simplement passé à côté des intentions de la réalisatrice.

tinalakiller a dit…

C'est vain dans le sens où on se tape 2h40 pour qu'on nous dise effectivement "bon ils se recomprennent (un peu)... mais rien ne changera". Ca n'a pas d'impact. Le film aurait duré moins, le "message" serait mieux passé, j'en suis certaine !

Martin a dit…

C'est bien possible, oui, mais on le saura jamais. Et à la limite, ce n'est pas tellement la longueur du film qui m'a dérangé.

eeguab a dit…

A mon avis de bons moments mais aussi pas mal de banalités démagogiques et le parti du père, sans trop se poser de questions. Est-ce aussi simple? Trop long? Ben oui, malgré le "snobisme" de la durée que je sens poindre chez certains spectateurs. Mais de vrais bons moments, je l'ai dit, une certaine poésie. Et quelqu'un m'expliquera-t-il la cohérence de la scène "sexuelle"?

Martin a dit…

Merci d'être revenu dire un mot ici de ce que tu as pensé du film, Eeguab. Je suis assez de ton avis, en fait, même si je n'irai pas forcément jusqu'à parler de banalités démagogiques (j'aurais dit "lieux communs").

Pour ce qui est de la scène sexuelle, entre guillemets, je n'ai rien à dire pour t'éclairer. Je crois avoir assez vite compris qu'Ines n'était pas spécialement partante pour une partie de jambes en l'air, mais la manière dont elle se comporte - et l'extrême crudité de cette scène - m'a laissé un sentiment de vulgarité fort peu agréable.