Je vous ai proposé d'arpenter un désert lundi. Je vous accompagne aujourd'hui vers un autre: l'Atacama. Au Chili, ce site de 105.000 km² accueille quelques-uns des plus grands télescopes du monde. Nostalgie de la lumière, le documentaire dont je veux vous parler, part donc d'abord à la rencontre des astronomes présents sur place...
Patricio Guzmàn, son auteur, les fait logiquement parler des étoiles. L'un d'eux explique ainsi, en préambule à une réflexion plus profonde sur les paradoxes de l'humanité, que son travail d'observation s'intéresse à ce qui s'est déjà passé: la luminosité de la Lune a besoin d'un peu plus d'une seconde pour parvenir jusqu'à nous, celle du Soleil d'environ huit minutes. Très vite, Nostalgie de la lumière va plus loin et donne la parole à d'autres chercheurs: les anthropologues, lancés notamment dans l'étude des roches gravées de l'Atacama, sculptées par des bergers précolombiens. Doucement mais sûrement, le film approche de son "vrai" sujet: la mémoire des victimes de la dictature instaurée par le général Pinochet, de décembre 1973 à mai 1990. Apparemment sans lien avec les thématiques précédentes, le propos est remarquablement amené. J'ai ainsi appris beaucoup de choses ! Quelques rescapés témoignent. C'est, bien sûr, tout à fait émouvant.
En fait, je trouve que Nostalgie de la lumière adopte le ton juste. Les faits historiques dont il se fait l'écho et leurs répercussions aujourd'hui font froid dans le dos: le documentaire se tourne ainsi vers des groupes de femmes qui, depuis près de 30 ans, poursuivent méthodiquement une exploration du désert pour retrouver les traces de leurs maris, pères ou fils, jamais revenus de leur déportation. Parfois, la caméra filme aussi des hommes: un ancien prisonnier capable de dessiner - de mémoire ! - les contours de son ancien camp d'internement livre sans aucun doute le témoignage le plus étonnant. Projeté lors du festival annuel de mon association, le long-métrage pourra sûrement, à la lecture de ma modeste chronique, vous paraître trop dur (ou trop sombre) pour que vous y prêtiez davantage d'attention. Je crois que ce serait dommage: vous passeriez à côté d'un beau film, qui laisse aussi une place à de petites notes d'espoir.
Nostalgie de la lumière
Documentaire chilien de Patricio Guzmàn (2010)
Vous le savez si vous êtes fidèle à ce blog: je n'ai pas l'habitude d'aller voir des documentaires au cinéma. Celui-là m'a plu parce qu'il mêle très astucieusement la leçon d'histoire à l'enseignement scientifique. Pour moi, il sort aussi du lot en faisant montre d'une grande humanité à l'égard des protagonistes, sans jamais céder à la facilité du pathos. Compte tenu du sujet traité, le fait vaut bien, je crois, d'être relevé.
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Une autre lecture du film ?
Je vous propose de lire également la (courte) chronique de Dasola.
Patricio Guzmàn, son auteur, les fait logiquement parler des étoiles. L'un d'eux explique ainsi, en préambule à une réflexion plus profonde sur les paradoxes de l'humanité, que son travail d'observation s'intéresse à ce qui s'est déjà passé: la luminosité de la Lune a besoin d'un peu plus d'une seconde pour parvenir jusqu'à nous, celle du Soleil d'environ huit minutes. Très vite, Nostalgie de la lumière va plus loin et donne la parole à d'autres chercheurs: les anthropologues, lancés notamment dans l'étude des roches gravées de l'Atacama, sculptées par des bergers précolombiens. Doucement mais sûrement, le film approche de son "vrai" sujet: la mémoire des victimes de la dictature instaurée par le général Pinochet, de décembre 1973 à mai 1990. Apparemment sans lien avec les thématiques précédentes, le propos est remarquablement amené. J'ai ainsi appris beaucoup de choses ! Quelques rescapés témoignent. C'est, bien sûr, tout à fait émouvant.
En fait, je trouve que Nostalgie de la lumière adopte le ton juste. Les faits historiques dont il se fait l'écho et leurs répercussions aujourd'hui font froid dans le dos: le documentaire se tourne ainsi vers des groupes de femmes qui, depuis près de 30 ans, poursuivent méthodiquement une exploration du désert pour retrouver les traces de leurs maris, pères ou fils, jamais revenus de leur déportation. Parfois, la caméra filme aussi des hommes: un ancien prisonnier capable de dessiner - de mémoire ! - les contours de son ancien camp d'internement livre sans aucun doute le témoignage le plus étonnant. Projeté lors du festival annuel de mon association, le long-métrage pourra sûrement, à la lecture de ma modeste chronique, vous paraître trop dur (ou trop sombre) pour que vous y prêtiez davantage d'attention. Je crois que ce serait dommage: vous passeriez à côté d'un beau film, qui laisse aussi une place à de petites notes d'espoir.
Nostalgie de la lumière
Documentaire chilien de Patricio Guzmàn (2010)
Vous le savez si vous êtes fidèle à ce blog: je n'ai pas l'habitude d'aller voir des documentaires au cinéma. Celui-là m'a plu parce qu'il mêle très astucieusement la leçon d'histoire à l'enseignement scientifique. Pour moi, il sort aussi du lot en faisant montre d'une grande humanité à l'égard des protagonistes, sans jamais céder à la facilité du pathos. Compte tenu du sujet traité, le fait vaut bien, je crois, d'être relevé.
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Une autre lecture du film ?
Je vous propose de lire également la (courte) chronique de Dasola.
8 commentaires:
Passer de l'observation des étoiles à la dictature de Pinochet, voilà qui n'est pas courant et qui procure un charme original à ce documentaire. Je ne sais pas s'il filera près de mon étoile mais s'il passe dans ma trajectoire, je ne manquerai pas d'y jeter un œil.
Bonsoir Martin, merci pour le lien sur un documentaire que j'ai trouvé intéressant et que je suis surtout allée voir car il est question du désert d'Atacama où j'espère aller voir un jour. J'ignorais toutes les horreurs qui s'y est déroulées. Bonne soirée.
@Princécranoir:
L'enchaînement des différents sujets abordés par le film est tout à fait fluide. Il m'a semblé que tout s'enchaînait naturellement, presque logiquement, sans à coups, et c'est effectivement tout à fait étonnant. Sans trop vouloir t'en dévoiler, j'insiste pour dire que tout part finalement d'une réflexion sur ce qu'est le passé et sur l'importance qu'il peut prendre à l'égard du présent et de l'avenir.
@Dasola:
L'Atacama est un site assez fabuleux, qui titille également ma curiosité. Il constitue de fait une très belle porte d'entrée vers ce film. Moi, c'est la promesse des étoiles qui m'a attiré vers le long-métrage, ainsi que son superbe titre. Je ne regrette pas, parce que j'y ai découvert un auteur et beaucoup d'autres choses intéressantes.
Magnifiques intentions que celles de Guzman, magnifique documentaire. Guzman a ensuite réalisé Le bouton de nacre que je vous encourage vivement à voir et qui complète parfaitement La nostalgie de la lumière. Un autre film est a priori en préparation pour constituer une sorte de triptyque géographique, social, politique, artistique, ethnographique, astronomique, historique sur le Chili. Rien de répétitif là-dedans car de ses films qui prend ancrage sur un territoire et sur une situation particulière du Chili (le Nord et l'Atacama, le Sud et son archipel géant, la Cordillère peut-être en dernier lieu) jaillit toujours la beauté.
La lumière pour Guzman c'est Allende entre 1970 et 1973, trois années durant lesquelles l'espoir a traversé le pays comme un rayon de soleil. La nostalgie c'est l'état dans lequel le réalisateur semble se trouver depuis quarante années ou environ. Espérons que la lumière de ses films enclenche quelque chose là-bas, qu'elle finisse par atteindre sa destination.
(Merci Princecranoir pour m'avoir indiquer cette page et ce blog !)
"de ces films qui prennent ancrage"
Désolé pour la précipitation.
@Benjamin 1:
J'ai laissé passer "Le bouton de nacre", mais je tâcherai de le rattraper un jour ou l'autre, quand il sera diffusé sur Arte, probablement. Je ne savais pas qu'un troisième film était en préparation pour clore un cycle (merci de me l'apprendre !). Je formule un peu le même voeu que vous sur la suite des événements...
Et merci à Princécranoir de vous avoir conduit jusqu'ici ! Bienvenue !
@Benjamin 2:
Pas de problème: ce sont des choses qui arrivent, à moi le premier !
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