jeudi 28 novembre 2013

Cuites et conséquences

Je ne sais plus quand j'ai arrêté de compter les jours. Je sais juste que Stéphane, un collègue de travail, espérait depuis un bon moment me convaincre de regarder Un singe en hiver. Son passage sur Arte m'a permis de répondre à notre impatience commune. Et je le dis aussitôt pour ne pas vous faire lanterner: c'est avec un grand plaisir que j'ai découvert cette histoire, adaptée d'un ouvrage du romancier et journaliste Antoine Blondin. Jean-Paul Belmondo et Jean Gabin jouent ici pour la seule fois ensemble. Ils sont âgés de 29 et 57 ans.

Si les deux rôles sont de valeur équivalente, j'ai envie de commencer en parlant de celui de Belmondo. À l'époque, le jeune homme qu'il est encore tourne beaucoup, mais depuis deux ans à peine. Enfant chéri de la Nouvelle Vague, il endosse l'imperméable d'un personnage relativement classique, un dénommé Gabriel Fouquet. Sans préavis d'aucune sorte, un soir d'automne arrosé de pluie, l'homme débarque dans une petite ville de la côte normande, unique client d'un hôtel occupé par ses seuls - vieux - propriétaires. Le maître des lieux s'appelle Albert Quentin: les premières minutes d'Un singe en hiver nous l'ont présenté comme un ancien fusilier marin, alcoolique repenti. J'imagine que vous l'aurez compris: c'est Gabin, bien sûr. L'écart d'âge entre les deux comédiens donne une idée de la suite...

Il faudra toutefois attendre avant de savoir ce que Belmondo-Fouquet vient fabriquer chez Gabin-Quentin. Une ligne de dialogue précise simplement qu'il n'est pas là pour s'amuser. On pourrait de fait croire le contraire, car, sitôt sa valise posée, notre bon ami repasse la porte de la pension familiale pour rejoindre le troquet du coin. On découvre donc que lui aussi a de sérieux soucis avec la bouteille. Il faut alors toute l'empathie compréhensive d'un vieux monsieur pour le remettre dans le droit chemin et, du même coup, au lit. D'autres beuveries suivront - je vous laisse en apprécier la raison et la finalité. Anecdote d'un genre cocasse: en son temps, Un singe en hiver échappa de peu aux fourches caudines de la censure, accusé qu'il était de faire l'apologie de la boisson. Accusation sans fondement, je vous assure.

Nul n'est besoin de gratter longtemps le vernis d'une simple comédie de la cuite pour découvrir un film poignant. Le seul véritable enjeu qui plane tout au long du métrage dépasse de beaucoup les effets jugés plus ou moins dévastateurs du verre de trop. J'en resterai là pour vous préserver une part de surprise importante et le plaisir d'appréhender la complicité qui s'instaure entre deux des monstres sacrés du cinéma français, dans un rapport en réalité assez similaire à celui qu'un fils entretiendrait avec son père. Leur justesse de jeu permet aux compères de trouver un point d'équilibre et de livrer ainsi le meilleur de ce qu'ils peuvent offrir. Cela étant dit, il serait injuste d'oublier qu'Un singe en hiver compte quelques beaux seconds rôles. Je retiens celui de Mme Quentin, tenu par l'admirable Suzanne Flon.

Ai-je tout dit ? Certainement pas. Un singe en hiver, c'est aussi évidemment une perle d'écriture et des dialogues aux petits oignons. J'ignore ce qu'ils doivent exactement à Antoine Blondin: il faudrait que j'ai lu le livre pour le savoir... et j'en ai très envie. Ce que je sais déjà, c'est qu'Henri Verneuil, réalisateur, s'est appuyé sur un travail d'adaptation mené par le scénariste François Boyer, mais également et surtout (?) sur le talent d'un complice régulier, Michel Audiard. Comme l'un des personnages le dit à propos de la constance de sa vie conjugale, c'est "le bonheur dans une armoire", un trésor de langage dont je ne me lasse pas. Tel un feu d'artifice de mots, les répliques fusent en tous sens et dans toutes les situations. Drôles, aigrelettes ou pathétiques, elles demeurent efficaces, un demi-siècle plus tard.

Un singe en hiver
Film français d'Henri Verneuil (1962)

Si, à ce stade, le titre vous paraît encore énigmatique, c'est normal. Là aussi, j'ai préféré ne rien vous dévoiler pour vous laisser découvrir la chose par vous-mêmes. De mon point de vue, Henri Verneuil signait là l'une de ses plus belles réussites. Je voudrais voir ou revoir d'autres de ses films. Avec Belmondo toujours, je garde un souvenir ému de Week-end à Zuydcoote. Gabin, lui, mérite très certainement le détour dans Le clan des Siciliens. J'ai vu Le président, que j'avais beaucoup aimé. Maintenant, je suis aussi preneur d'autres conseils...

2 commentaires:

ChonchonAelezig a dit…

Super... je l'ai enregistré ! Reste à trouver le temps de le voir.

see see rider a dit…

La liste est longue....

A voir "voici le temps des assassins ", "les grandes familles" .....