Il l'avoue: "Le cinéma me rend excessif. Je suis un junkie de l'image". Âgé de 43 ans, le Franco-Espagnol Óliver Laxe affiche un certain sens de la démesure et paraît l'assumer pleinement. Il en faut à coup sûr pour écrire et tourner Sirāt, Prix du jury du Festival de Cannes 2025. La quatrième couronne du cinéaste sur la Croisette - en quatre films !
Dans la tradition musulmane, le mot Sirāt est le nom donné à un pont tendu entre l'enfer et le paradis, où l'âme se confronterait à sa vérité. Le film, lui, suggère qu'il est facile de se perdre dans un entre-deux rempli d'incertitudes, qui n'est plus la vie, mais pas encore la mort. Nous arpentons d'abord ce vaste espace indéfini avec Luis, un père parti à la recherche de sa fille disparue. Avec lui, son fils, Esteban. Inquiet, il espère obtenir des renseignements auprès des participants d'une rave au coeur du désert marocain, à qui il distribue des tracts avec la photo de l'absente. Mais, soudain, l'armée disperse la foule. Pris dans le mouvement, Luis et Esteban décident de suivre un groupe déterminé à rouler vers le sud. Qui sait ? S'ils rallient une autre fête organisée à la frontière de la Mauritanie, ils reverront peut-être celle qu'ils sont venus chercher. Rapidement, nous partageons cet espoir avec la petite dizaine de personnages concernés par cette "aventure". Il nous réconforte, tandis que le film suggère qu'une guerre mondiale vient d'éclater et montre, déjà, des hommes privés de presque tout...
Quel choc esthétique ! J'insiste: certains des plans de ce long-métrage figurent sans conteste parmi les plus beaux que j'ai vus cette année. Plus que logique, il est bien évident qu'ils ont été élaborés pour l'écran géant des cinémas, de même que la musique (techno) et la bande-son l'ont été pour leurs installations XXL. C'est la meilleure des garanties possibles pour vivre un grand moment, au-delà même d'un scénario éprouvant et imparable, qui exige de nous, public, un engagement absolu sur les méandres du chemin qu'il entend nous faire parcourir. Dès lors, autant vous avertir: Sirāt n'est JAMAIS un film confortable. Il risque en réalité de vous secouer, non sans une certaine violence. Par ailleurs, il pose maintes questions, mais ne répond pas à toutes. Ainsi, pourquoi deux des protagonistes sont-ils estropiés, l'un privé de son avant-bras droit, l'autre unijambiste ? Ce n'est pas expliqué. Unique certitude: Óliver Laxe a fait appel à d'authentiques "teufeurs". Les associer à Sergi López, seul acteur pro, est un autre bon choix. Son lointain périple est de ceux dont on ne revient jamais vraiment...
Sirāt
Film franco-espagnol d'Óliver Laxe (2025)
J'avais vu un autre opus du réalisateur, Viendra le feu, sorti en 2019. Sa nouvelle création me paraît encore plus forte, sous l'influence probable de films aussi puissants que Le salaire de la peur, Mad Max ou encore Gerry. De quoi "expérimenter sa petitesse", d'après Laxe. Notons autre chose: lui affirme n'avoir aucune référence spirituelle. Et ajoute: "L'art m'a un peu réchauffé le coeur". Je peux l'admettre...
----------
Vous voulez creuser le sujet ?
Un conseil: lire les avis de Pascale, Dasola, Princécranoir et Benjamin.
Dans la tradition musulmane, le mot Sirāt est le nom donné à un pont tendu entre l'enfer et le paradis, où l'âme se confronterait à sa vérité. Le film, lui, suggère qu'il est facile de se perdre dans un entre-deux rempli d'incertitudes, qui n'est plus la vie, mais pas encore la mort. Nous arpentons d'abord ce vaste espace indéfini avec Luis, un père parti à la recherche de sa fille disparue. Avec lui, son fils, Esteban. Inquiet, il espère obtenir des renseignements auprès des participants d'une rave au coeur du désert marocain, à qui il distribue des tracts avec la photo de l'absente. Mais, soudain, l'armée disperse la foule. Pris dans le mouvement, Luis et Esteban décident de suivre un groupe déterminé à rouler vers le sud. Qui sait ? S'ils rallient une autre fête organisée à la frontière de la Mauritanie, ils reverront peut-être celle qu'ils sont venus chercher. Rapidement, nous partageons cet espoir avec la petite dizaine de personnages concernés par cette "aventure". Il nous réconforte, tandis que le film suggère qu'une guerre mondiale vient d'éclater et montre, déjà, des hommes privés de presque tout...
Quel choc esthétique ! J'insiste: certains des plans de ce long-métrage figurent sans conteste parmi les plus beaux que j'ai vus cette année. Plus que logique, il est bien évident qu'ils ont été élaborés pour l'écran géant des cinémas, de même que la musique (techno) et la bande-son l'ont été pour leurs installations XXL. C'est la meilleure des garanties possibles pour vivre un grand moment, au-delà même d'un scénario éprouvant et imparable, qui exige de nous, public, un engagement absolu sur les méandres du chemin qu'il entend nous faire parcourir. Dès lors, autant vous avertir: Sirāt n'est JAMAIS un film confortable. Il risque en réalité de vous secouer, non sans une certaine violence. Par ailleurs, il pose maintes questions, mais ne répond pas à toutes. Ainsi, pourquoi deux des protagonistes sont-ils estropiés, l'un privé de son avant-bras droit, l'autre unijambiste ? Ce n'est pas expliqué. Unique certitude: Óliver Laxe a fait appel à d'authentiques "teufeurs". Les associer à Sergi López, seul acteur pro, est un autre bon choix. Son lointain périple est de ceux dont on ne revient jamais vraiment...
Sirāt
Film franco-espagnol d'Óliver Laxe (2025)
J'avais vu un autre opus du réalisateur, Viendra le feu, sorti en 2019. Sa nouvelle création me paraît encore plus forte, sous l'influence probable de films aussi puissants que Le salaire de la peur, Mad Max ou encore Gerry. De quoi "expérimenter sa petitesse", d'après Laxe. Notons autre chose: lui affirme n'avoir aucune référence spirituelle. Et ajoute: "L'art m'a un peu réchauffé le coeur". Je peux l'admettre...
----------
Vous voulez creuser le sujet ?
Un conseil: lire les avis de Pascale, Dasola, Princécranoir et Benjamin.


4 commentaires:
Tu as de la chance d'avoir vu au moins un autre film de ce réalisateur. Il n'a pas fait grand bruit hélas.
Ce film, Sirat, m'a laissée pendant plusieurs semaines un peu en dehors du cinéma pour la 1ère fois de ma vie je crois. Tout me paraissait fade et sans intérêt après ce choc.
J'en suis sortie très secouée et ravie de l'avoir été.
Ne rien savoir des handicaps (réels) ne m'a gênée du tout. L'imagination suffit étant donné la vie qu'ils mènent : accidents voire un diabète pas soigné.
Il ne s'est passé "que" cinq jours avant que je revoie un film et six avant que je retourne au cinéma. Je présente les films concernés d'ici la fin de cette semaine. Tu verras : ils sont très différents.
J'ai aussi l'intention de découvrir un autre Laxe que je n'ai pas vu, "Mimosas", d'ici quelque temps.
Certains critiques affirment qu'une nouvelle étoile est née. Je n'en suis pas si sûr, mais j'attends la suite...
Bonjour Martin. Un film assez fort qui laisse interrogatif et c'est très bien. J'ai eu l'occasion de présenter ses deux premiers opus, Mimosa et Viendra le feu, il y a quelques années. Très intéressants aussi. A bientôt.
Eeguab ! Quel plaisir de te relire ici, mon ami !
Je rattraperai prochainement "Mimosas - La voie de l'Atlas". Les images ont l'air dingues.
Laxe a aussi tourné un documentaire dont je ne sais pas grand-chose : "Vous êtes tous des capitaines".
Enregistrer un commentaire