samedi 1 mars 2025

Apparition d'un génie

Pourquoi un tel courroux ? C'est ce que je me suis demandé en 2016 quand l'Académie suédoise a été fustigée pour avoir décerné le Nobel de littérature à Bob Dylan. Je ne voyais pas en quoi il était choquant d'honorer celui que j'estime être un très grand poète de notre temps. Oui, il me faut l'admettre: même si je connais encore mal son oeuvre.

Au-delà de la polémique, c'est avant tout la curiosité qui m'a poussé dans une belle salle de cinéma pour y rencontrer Un parfait inconnu. Traduction d'un passage de Like a rolling stone, l'une de ses chansons les plus célèbres, le titre du film ressemble également à un clin d'oeil lorsqu'il s'agit donc d'évoquer Bob Dylan. Réputé pour ses compétences d'écriture, James Mangold, réalisateur et coscénariste, a fait un choix vraiment intelligent: s'appuyer sur un bouquin pour raconter le début de carrière d'un gamin de dix-neuf ans, venu tout droit du Minnesota jusqu'à New York - un trajet d'environ 2.150 km - dans l'espoir insensé de chanter devant Woody Guthrie, son idole personnelle, hospitalisée. Qu'importe au fond si c'est conforme à la réalité: la scène inaugurale du film a capté mon attention, ensuite en alerte tout au long du récit. J'ai été impressionné par le parcours artistique de ce véritable génie de la folk music, capable d'exprimer des choses belles et puissantes avec simplement sa voix et une guitare acoustique (de 1961 à 1965). J'ai mieux compris que tout n'était pas forcément agréable pour lui. Lui qui n'est pas toujours resté le bon garçon innocent de ses débuts. Lui qui, tant admiré, devait encore batailler pour imposer ses choix...

Dans le respect, le film choisit d'expliquer que, si Robert Zimmerman est définitivement devenu Bob Dylan, c'est parce qu'il a eu le soutien quasi-immédiat de quelques grands noms qui l'ont précédé sur scène. Il montre également l'importance décisive de deux jeunes femmes présentes à ses côtés: Suze Rotolo (renommée Sylvie Russo à l'écran) et bien sûr Joan Baez. L'une était peintre, l'autre musicienne: Robert sortit avec les deux et, planqué derrière Bob, finit par les perdre. Mais le vrai sujet du film n'est pas là, je crois. Un parfait inconnu dresse surtout le portrait d'un artiste insaisissable, las de son image publique et qui, n'écoutant alors que son instinct, prit une décision radicale et un vrai risque: introduire de l'électricité dans sa musique. La très bonne nouvelle, c'est qu'il ose faire montre d'un enthousiasme des plus communicatifs, assis sur une reconstitution d'époque soignée et, bien entendu, de très nombreux "tubes". Leur force émotionnelle ressort même renforcée de la remarquable interprétation des acteurs. Timothée Chalamet, la tête d'affiche, est lui aussi joliment entouré. J'ai adoré le personnage d'Edward Norton et l'incarnation "classieuse" de Monica Barbaro. Sans oublier Elle Fanning - le tout premier amour !

Un parfait inconnu
Film américain de James Mangold (2024)

J'ai été long et, malgré cela, il n'est pas exclu que je revienne encore sur ce long-métrage, en lice pour huit des Oscars bientôt décernés. Avant cela, je dois dire que je suis content de voir James Mangold comme un bon artisan: Le Mans 66 le démontre aussi, par exemple. Vous voulez un autre film musical ? Control est dur, mais je le vois comme un must du genre. Nowhere boy est très bien aussi en face B.

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D'autre avis vous intéresseraient ?

Je suis certain que vous pouvez faire confiance à notre amie Pascale. Princécranoir mérite aussi toute votre attention pour sa chronique d'admirateur avisé (enrichie notamment d'un commentaire d'Eeguab). Je conseille enfin Strum... au moins pour l'encourager à écrire encore. MAJ - Dimanche 2 : Dasola, elle, m'a précédé... de quelques heures !

4 commentaires:

Pascale a dit…

Dylanophile, je ne connaissais pas les débuts du génie même si le vinyle Highway 61 tourne en boucle sur ma platine, et ce film m'a ravie. La prestation de Timothée Chalamet, jamais dans la démonstration est formidable.
J'ai aimé la douceur du personnage incarné par Edward Norton et celui d'Elle Fanning.
Je n'aime pas la voix de Joan Baez (elle m'écorche les oreilles). Le film ne m'a réconciliée avec elle pas plus que le personnage qui m'est apparu fort antipathique.

Martin a dit…

Ah ouais ? Antipathique, le personnage de Joan Baez ?
Au départ, tout de même, c'est un peu Bob Dylan qui dit des choses très méchantes sur sa musique.

Entre ces deux-là, j'imagine que ça devait faire des étincelles.
De quoi allumer un bon feu, parfois, ou tout cramer. Relis les paroles de "Diamonds and rust", au besoin.

Pascale a dit…

Et oui, je la trouve hautaine. Sa façon de snober les fans qui font la queue devant la petite salle où elle se produit... Mais il est vrai que plus tard, c'est elle qui veut donner au public ce qu'il attend contrairement à Bob ce garnement. Je l'ai vu en concert. Il arrive, il chante, il s'en va. Aucune interaction avec le public. Pas plus sympathique, ce que le film illustre parfaitement.
Mais contrairement à Joan, sa voix, sa musique ont toujours été un enchantement pour moi.
Je ne dis pas qu'entre eux ça ne devait pas être rock and roll. Ils étaient jeunes et les amours de jeunesse ça fait mal.
Je me suis exécutée, j'ai lu les paroles et j'ai même écouté, elle couine bien... (je n'ai pas écouté jusqu'au bout : Mais sa voix dans mes oreilles, c'est comme rayer un tableau avec ses ongles. Non, c'est pire. Tu vois le truc ?)

Martin a dit…

J'ai eu de très mauvais échos sur l'attitude de Joan Baez également.

C'est elle que j'ai vu en concert et je dois dire que la salle était dans une communion totale. Et qu'elle rendait aux hommages aux musiciens et autres artistes qui l'avaient aidée pour la création de ses chansons. Certains étaient sur scène avec elle. Je trouve que l'intérêt du film est aussi de montrer à quel point les fans peuvent être accaparants. Et les artistes dans une relation quasi-constante de rejet-séduction avec les autres.

Oui, je vois bien que sa voix t'est insupportable. Affaire de goût.
Dans le film, celle de Monica s'accorde bien avec celle de Tim, je trouve.