mardi 11 janvier 2022

Em(m)a

"Madame Bovary, c'est moi": on attribue souvent à Gustave Flaubert cette citation pour évoquer son roman le plus connu. Voulait-il dire qu'il se reconnaissait dans le personnage et/ou en faisait sa propriété exclusive et que personne d'autre ne pourrait la conquérir ? Mystère ! J'avoue qu'à ce stade, je n'ai pas cherché à le savoir. Une autre fois...

Ce que je sais, en revanche, c'est que lorsque le grand réalisateur portugais Manoel de Oliveira se penche sur Emma, il l'appelle Ema avec un seul M et l'emmène dans son propre pays. Une autre légende affirme qu'il souhaitait juste éviter de s'acquitter des droits d'auteur. En tout cas, le cinéaste a coécrit son scénario avec une compatriote écrivaine, Agustina Bessa-Luis, autrice d'un roman lui-même inspiré du classique flaubertien. Le film porte même son titre: Val Abraham. Pour le coup, nous sommes désormais à mille lieues de la campagne normande du Second Empire, ce qui déroutera - peut-être - les férus de littérature. D'autres comme moi pourraient s'intéresser à cet opus modernisé, cela noté sans vouloir porter ombrage au grand Gustave. Qu'ils sachent être partis pour près de trois heures et demie de film...

J'ai découvert ce "pavé" sur grand écran, grâce à une Cinémathèque que je fréquente parfois et, mieux, sur la seule et unique copie 35mm circulant en France avec des sous-titres dans notre chère langue française. Que dire ? Que c'est une oeuvre qu'il faut savoir digérer. Pourquoi ? Parce qu'elle est très écrite, justement. Presque littéraire. En plus du dialogue, la narration est en effet portée par une voix off quasi-constante, ce qui réclame de nous un certain effort de lecture. J'ai presque envie de dire que Val Abraham n'a en fait de bovarien que la trame: son héroïne reste une femme délaissée par son mari médecin, qui essaye vaguement de tromper son ennui en le trompant et en dépensant tout son argent. Je me retiens pour deux raisons essentielles: 1) ma lecture du roman originel est bien trop ancienne désormais pour que je sois tout à fait sûr de mes comparaisons possibles et 2) nous sommes ici face à des images, souvent superbes. Un morceau de cinéma dense et que je suis ma foi content d'avoir vu. Et oui, même si je ne ferai pas d'une telle rareté mon pain quotidien !

Val Abraham
Film portugais de Manoel de Oliveira (1993)

Un peu largué, OK, mais j'ai des excuses: je n'avais vu que six films portugais avant celui-là (et ce n'était que mon deuxième Oliveira). Certes, ce bel opus est assez exigeant: je ne souhaite le déconseiller à personne, mais dirais simplement qu'il vaut mieux y être "préparé". Sur le sujet, j'en étais encore au Madame Bovary de Sophie Barthes ! Il y a huit autres versions, paraît-il. Claude Chabrol attend son tour...

2 commentaires:

Pascale a dit…

Hélas je ne l'ai pas vu même s'il avait fait grand bruit à sa sortie.
Entendre du portugais est un délice pour mes oreilles mais passer son temps à lire est parfois très gênant mais le voir en VF n'est même pas une option.
Pour French dispatch on passait 2 heures à lire, c'était pénible.

Martin a dit…

Ah ouais... tu as bien raison: le voir en VF serait un sacrilège !
C'est dommage que ce soit si difficile à suivre, car c'est un beau film.