Producteur, scénariste, réalisateur, compositeur de la bande originale et bien sûr acteur: fidèle à lui-même, Charlie Chaplin travailla dur pour créer Les lumières de la ville. 1929: la crise était encore à venir quand il donna ses premiers tours de manivelle. Le tournage démarra sans accroc. Il allait durer 179 jours, étalés sur presque deux années !
Le très auguste clown l'avait décidé: il resterait muet et sourd encore aux nouvelles sirènes d'un cinéma qui ne parlait que depuis peu. A-t-il toutefois remanié quelques passages "en cours de route" ? Possible. L'une des scènes décisives a en tout cas fait l'objet de 342 prises (!) avant que l'artiste soit satisfait du résultat obtenu. Ce haut niveau d'exigence a été, j'ose le croire, imposé à chacun(e) sur le plateau. Naturellement, il a servi un scénario en or: dans son éternel costume troué et sous son chapeau mou, Chaplin est Charlot, clochard céleste en admiration devant une jeune fleuriste aveugle. C'est avec surprise que j'ai appris récemment qu'il ne s'entendait guère avec son actrice principale, la jolie Virginia Cherrill, jugée trop peu consciencieuse. Ai-je besoin de le dire ? Devant et derrière la caméra, le grand Charlie n'avait pas son pareil pour croquer les petites gens. Il faut souligner qu'il n'y a jamais aucun misérabilisme dans son regard. Son empathie témoigne d'une âme, d'une noblesse de coeur tout à fait intemporelle. C'est pourquoi l'émotion reste vive, près de neuf décennies plus tard !
Cela pourrait suffire, mais il y a autre chose: si l'art de la pantomime est ici porté au plus haut, la comédie n'est certainement pas oubliée. D'emblée, Les lumières de la ville amuse: la toute première scène réunit une foule pour l'inauguration d'une statue et, tandis que le voile se lève sur la sculpture, on surprend Charlot en train de se réveiller dans les bras de l'imposant personnage de marbre. Les contorsions désordonnées qu'effectue alors le pauvre bougre pour se tirer d'affaire sont d'une drôlerie indémodable, mais aussi porteuse d'un message politique fort. Dès cet instant, au fil du récit, l'étonnant protagoniste cherchera sa place dans un monde dont il paraît ignorer les enjeux pragmatiques, ne vivant en fait qu'à l'écoute de ses seuls sentiments. Cela lui conférera de facto une candeur touchante dans ses relations avec les autres, ainsi qu'on le remarquera lors d'un homérique combat de boxe - et, bien sûr, dans les belles séquences où l'amour domine. Les gestes les plus infimes sont éloquents. Certains disent aujourd'hui qu'au tout départ, le script indiquait que l'histoire se passe... à Paris !
Les lumières de la ville
Film américain de Charlie Chaplin (1931)
Une merveille. Un sommet que j'ai vraiment bien du mal à rapprocher des travaux d'autres cinéastes de légende. Charlot est unique, point. Faut-il absolument tout trier ? Pour l'heure, parmi ceux de ses films que je connais, ma préférence va à La ruée vers l'or. Il est évident que ceux qui viennent ensuite (Les temps modernes et Le dictateur) sont également d'immenses chefs d'oeuvre. Conseil: les (re)voir tous !
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Cette chronique marque une belle étape pour moi...
Depuis l'ouverture du blog, je vous ai désormais parlé de 2000 films ! J'en conserve un tableau détaillé, mais je n'ai pas fait de calculs précis sur leurs origines et époques. Je peux bien attendre les 3000...
Pour patienter, vous pouvez aussi lire d'autres avis...
J'en ai vu deux sur le film du jour: l'un chez Strum et l'autre chez Lui.
Le très auguste clown l'avait décidé: il resterait muet et sourd encore aux nouvelles sirènes d'un cinéma qui ne parlait que depuis peu. A-t-il toutefois remanié quelques passages "en cours de route" ? Possible. L'une des scènes décisives a en tout cas fait l'objet de 342 prises (!) avant que l'artiste soit satisfait du résultat obtenu. Ce haut niveau d'exigence a été, j'ose le croire, imposé à chacun(e) sur le plateau. Naturellement, il a servi un scénario en or: dans son éternel costume troué et sous son chapeau mou, Chaplin est Charlot, clochard céleste en admiration devant une jeune fleuriste aveugle. C'est avec surprise que j'ai appris récemment qu'il ne s'entendait guère avec son actrice principale, la jolie Virginia Cherrill, jugée trop peu consciencieuse. Ai-je besoin de le dire ? Devant et derrière la caméra, le grand Charlie n'avait pas son pareil pour croquer les petites gens. Il faut souligner qu'il n'y a jamais aucun misérabilisme dans son regard. Son empathie témoigne d'une âme, d'une noblesse de coeur tout à fait intemporelle. C'est pourquoi l'émotion reste vive, près de neuf décennies plus tard !
Les lumières de la ville
Film américain de Charlie Chaplin (1931)
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Depuis l'ouverture du blog, je vous ai désormais parlé de 2000 films ! J'en conserve un tableau détaillé, mais je n'ai pas fait de calculs précis sur leurs origines et époques. Je peux bien attendre les 3000...
Pour patienter, vous pouvez aussi lire d'autres avis...
J'en ai vu deux sur le film du jour: l'un chez Strum et l'autre chez Lui.
10 commentaires:
Sans doute un de mes préférés.
Cette scène finale et cette musique !!! Cœur cœur cœur !
La mésentente entre Charlie et sa merveilleuse actrice ne se voit pas.
Je trouve que la jeune Christa Théret lui ressemble.
Bravo pour les 2 000 films chroniqués.
Un de tes préférés... de Chaplin ou tout court ? J'imagine "tout court".
Depuis le temps qu'il orne ma page des films en noir et blanc, il était temps que j'en parle !
Tu n'as pas tort pour Christa Théret. J'espère que personne n'osera s'essayer à un remake !
Et merci BEAUCOUP pour ton compliment et, surtout, ta fidélité à mes écrits !
Sur mon podium des bienfaiteurs de l'humanité avec Mozart et Shakespeare. A binetôt Martin.
J'ai un faible pour "Les temps modernes" et pour Paulette Godard....
2000 déja !! Tempus fugit
@Eeguab:
Il est sympa, ton podium. Je suis ravi de voir Charlot en si belle compagnie !
Et j'en conclus donc que, de tou(te)s les cinéastes, celui-là te semble le plus humain.
@CC Rider:
"Les temps modernes" est un film admirable, mais les p'tits pains de "La ruée vers l'or"...
2000, oui, et je n'en ai pas encore terminé ! Merci à vous d'être si souvent fidèle à mes chroniques.
Les 2 mon adjudant. Mais je verse tjs des torrents de larmes en voyant The Kid. Je vénère Le dictateur (enfin on se comprend), Limelight... et les petits pains etc etc...
Toi qui aimes les stats, je dois être LA lectrice et commentatrice number one.
Confidence pour confidence, j'avais dans un premier temps penser revoir "Les feux de la rampe", mais impossible d'y accéder au moment où j'ai eu envie d'évoquer Charlot dans une chronique hommage et symbolique...
Oui, tu es ma plus fidèle commentatrice, depuis longtemps et très régulièrement. Merci encore. J'aime les stats ? Oui pour me donner un petit recul sur ce que je vois et sur la manière dont ma cinéphilie évolue au fil du temps (j'en reparlerai). Pour ce qui est des stats de lecture, toutefois, je ne suis pas ça de près et je sais qu'il y a au moins quelques personnes qui me lisent (fréquemment) sans jamais me commenter.
Les feux de la rampe est exceptionnel, parlant, très romanesque, romantique et puis... il y a une scène avec Buster Keaton magnifique.
C'est un peu plus que régulièrement car je lis tout, mais je ne reclamerai pas de médaille :-)
Je pense que ces analyses sont affaire de tempérament ou de "déformation" professionnelle. Personnellement je me laisse porter par la vague et mon blog ne ressemble plus à rien...
Je trouve dommage les gens qui lisent et ne commentent pas. J'en connais aussi de ces timides.
Je ne sais pas encore quand je reparlerai de Chaplin, mais je suis sûr que j'y prendrai plaisir. Je n'ai pas déterminé non plus celui de ses films que je verrai la prochaine fois. On verra...
Non, pas de médaille, mais je peux bien te remercier une fois encore de ton intérêt pour ma prose et tes commentaires aussi nombreux. Il y aussi des gens qui aiment le cinéma, mais n'en parlent guère, parce que c'est d'abord pour eux une affaire de ressenti et que l'analyse leur paraît dispensable (et/ou trop "difficile" pour eux). Je me dis qu'ils n'ont rien à m'envier côté cinéphilie et je suis malgré tout content de mon modeste rôle de passeur.
Ton blog a beaucoup changé ces dernières semaines, mais tant que tu t'y retrouves... c'est bien.
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