lundi 28 octobre 2019

Un dialogue silencieux

Je n'avais vu jusqu'alors qu'un seul film thaïlandais. Je me souviens d'une expérience marquante face à une Palme d'or souvent décriée. C'était il y a un peu plus de neuf ans. Manta ray est donc le second que j'ai découvert, non plus en solo, mais grâce à mon association. Avant même les images, les sons de la jungle m'ont déjà transporté...

Le nom du premier personnage n'est jamais dévoilé. Il est pêcheur dans un petit village de la côte. Un jour, dans une mangrove proche de sa maison, il découvre un homme blessé, presque agonisant. Costaud, il parvient à le redresser et à le transporter jusqu'à chez lui. Après l'avoir soigné, il continue de l'héberger et accepte sans mot dire la présence constante d'un compagnon... muet ! Autant que je l'écrive tout de suite: d'emblée, Manta ray est nimbé d'une aura de mystère. Avoir quelques notions sur l'actualité de la Thaïlande et la Birmanie voisine n'est pas forcément inutile. On pourra constater que le film est dédié aux Rohingyas, ce groupe ethnique nettement discriminé dans cette région du monde, du fait, entre autres, de sa religion musulmane. Je laisse à d'autres le soin de vous détailler la situation géopolitique du moment, mais vous y piocherez peut-être des indices pour une meilleure compréhension du long-métrage. À vous de voir...

Citation: "Toutes les lectures sont possibles, d'un manifeste politique sur le sort des Rohingyas à un mélo moite queer". Cette critique piochée sur Internet n'est pas inintéressante: il est vrai que la nature de la relation entre les deux hommes à l'écran demeure incertaine. Pour un peu, je serais même tenté de parler de suspense ! Il est clair qu'une tension parcourt le métrage (ou au moins sa première partie). N'attendez surtout pas d'explications précises: Manta ray est un film peu bavard et qui laisse du coup une large place aux interprétations personnelles. Dans les non-dits, il y a sûrement également le symbole fort de l'oppression, traduite par le silence imposé à tout un peuple. Esthétiquement, la proposition est assez captivante, mais je dois admettre qu'il faut parvenir à se laisser embarquer par l'atmosphère du film, à la limite de l'onirisme. Il n'est pas certain que le spectateur occidental puisse parfaitement tout saisir de ce qu'il voit et entend. Peu importe: qui s'immergera dans l'inconnu s'offrira un beau voyage. Et, selon moi, c'est l'une des vraies bonnes raisons d'aimer le cinéma !

Manta ray
Film thaïlandais de Phuttiphong Aroonpheng (2019)

Directeur de la photo réputé, le réalisateur signe un premier long sensoriel, à la fois très contemporain, ésotérique et donc envoûtant. J'ai vite évoqué Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures dans mon introduction: il est encore plus abscons. Cependant, découvrir du cinéma asiatique qui sort des sentiers battus s'avère parfois fascinant. Autre exemple: Dakini, un film du Bouthan !

----------
Incroyable ! J'ai trouvé un autre avis...
J'avais repéré le logo du Festival d'Annonay sur l'affiche du film. Pascale, que je savais fidèle au rendez-vous, n'est pas passée à côté !

4 commentaires:

Pascale a dit…

J'ai vu ce film en effet mais suis totalement passée à côté. Il m'a profondément agacée. Et pourtant il remporte moult prix à travers le monde.
La dédicace aux Rohingyas me semble excessive voire abusive. Lors de l'échange en table ronde avec le réalisateur, il semble qu'il ne savait pas lui-même ce qu'il avait voulu raconter. C'était très agaçant. Sa seule réponse était : chacun comprend ce qu'il veut. C'est un peu court...
Ton interprétation : le symbole du silence imposé à tout un peuple est très intéressante mais ne me donne nullement envie de replonger dans ce film hypnotique et terriblement ennuyeux.

Martin a dit…

C'est effectivement un film peu explicite. Je comprends très bien que tu aies été déroutée. Le voir en compagnie des membres de mon association a clairement été un avantage pour l'appréhender et mieux l'interpréter. Ce qui ne veut pas dire que j'ai tout compris... et tout analysé dans le bon sens.

Pascale a dit…

Pas déroutée, AGACÉE :-)

Martin a dit…

Soit.