Je dois aujourd'hui vous parler de ma rencontre avec Jean Grémillon. C'est à la bibliothèque où j'interviens parfois que j'ai eu l'opportunité de m'ouvrir au travail de ce cinéaste emblématique de la France d'avant-guerre, un contemporain de Jean Renoir et de Marcel Carné. Courts, moyens et longs, il aura réalisé 47 films entre 1923 et 1958...
Ma première découverte: Lumière d'été (1943)
Tourné autour du chantier de construction d'un barrage en Corrèze, mais aussi dans les Alpes-Maritimes (studios de la Victorine, à Nice), ce film ô combien romanesque repose sur une sorte de marivaudage. Jeune Parisienne désoeuvrée, Michèle débarque à L'Ange Gardien, une petite auberge isolée dans la montagne, où elle doit retrouver l'homme qu'elle aime, Roland, un artiste peintre aussi alcoolique qu'imbuvable ! Elle croise la route de Cricri, la propriétaire des lieux, elle aussi éprise d'un "mâle défaillant", Patrice, le triste châtelain local, dont le costume impeccable ne cache pas longtemps le cynisme absolu en matière d'amour. Bref... l'intrigue qui se tricote doucement devant nos yeux donne lieu à une remarquable galerie de portraits contrastés. Le film est riche de nombreux thèmes - et l'opposition frontale petit peuple / bourgeoisie n'est pas le moins intéressant. Grâce à un vrai suspense, on reste (heureusement) à l'écart du film banalement politique. Et on peut dès lors être agréablement surpris...
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Une étape Movie Challenge ?
Oui. Je valide l'objectif n°10: "Le titre du film comporte une saison".
Vous voudriez en savoir plus ?
Je vous conseille d'aller lire aussi les chroniques d'Eeguab et de Lui.
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Ma deuxième découverte: Pattes blanches (1949)
Malade, Jean Anouilh, qui devait réaliser ce film après en avoir écrit le scénario, est alors remplacé par Jean Grémillon derrière la caméra. D'une intrigue censée se dérouler au 19ème siècle, ce dernier choisit de faire un récit d'après-guerre, qu'il déplace dans un environnement géographique qui lui est familier: le littoral breton. Il est question, encore une fois, d'amours croisées, mais il n'y a que très peu de place pour l'expression de nobles sentiments. Au départ, Jock, propriétaire d'un bistro et mareyeur, revient de la ville avec Odette, une femme plus jeune que lui, qu'il présente comme sa nièce. Le comportement de la donzelle suffit à démontrer qu'il s'agit en réalité d'une "poule" attirée par la perspective d'une vie oisive. Trois autres personnages principaux entre alors en scène: un noble désargenté, son demi-frère adultérin et assoiffé de vengeance familiale, et une servante infirme d'une extrême modestie. Le tableau de la tragédie est ainsi complet ! Un conte noir, surprenant d'audace et qui progresse inexorablement...
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Une étape Movie Challenge ?
Oui, avec la catégorie n°12: "Le titre du film comporte une couleur".
Vous voudriez en savoir plus ?
Fidèle au poste, "L'oeil sur l'écran" vous apporte un début de solution.
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Ma troisième découverte: Le 6 juin à l'aube (1945)
Pas d'étoile pour cet opus, puisqu'il ne s'agit que d'un court-métrage. D'environ trois quarts d'heure à sa sortie en salles, il dépasse de peu les cinquante minutes en version "non amputée" - celle que j'ai vue. Comme le titre le suggère, le sujet du film est bien le Débarquement des troupes alliés en Normandie, peu avant la fin du printemps 1944. Didactique, ce court documentaire commente, avec l'aide d'une carte, la progression (plus ou moins rapide) des libérateurs. Des images d'archives, d'autres filmées par l'auteur et quelques témoignages apportent une lumière crue sur la violence des combats et les débuts de la reconstruction. L'occasion de se souvenir que les villes détruites que nous voyons chaque jour à la télévision étaient les nôtres, alors. Moment fort: la rencontre avec une jeune femme ensevelie deux fois sous les bombes. Jean Grémillon a aussi écrit la musique de son film !
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Une étape Movie Challenge ?
Oui ! Je coche avec joie la case n°18: "Le film est un court-métrage". Ou pas: je finis par me ranger à l'avis de Pascale (cf. commentaires).
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Et, pour finir, un petit bilan personnel...
Deux fictions et un documentaire: tout bien considéré, je suis content d'avoir fait cette première approche du cinéma de Jean Grémillon. Comme la bibliothécaire qui nous a servi de guide, je trouve étonnant que cet artiste ait pu tomber dans un relatif oubli. Peut-être paye-t-il le fait d'avoir eu la dent dure à l'égard de certains de ses confrères. Peu importe: d'autres de ses oeuvres titillent ma curiosité. À suivre...
Ma première découverte: Lumière d'été (1943)
Tourné autour du chantier de construction d'un barrage en Corrèze, mais aussi dans les Alpes-Maritimes (studios de la Victorine, à Nice), ce film ô combien romanesque repose sur une sorte de marivaudage. Jeune Parisienne désoeuvrée, Michèle débarque à L'Ange Gardien, une petite auberge isolée dans la montagne, où elle doit retrouver l'homme qu'elle aime, Roland, un artiste peintre aussi alcoolique qu'imbuvable ! Elle croise la route de Cricri, la propriétaire des lieux, elle aussi éprise d'un "mâle défaillant", Patrice, le triste châtelain local, dont le costume impeccable ne cache pas longtemps le cynisme absolu en matière d'amour. Bref... l'intrigue qui se tricote doucement devant nos yeux donne lieu à une remarquable galerie de portraits contrastés. Le film est riche de nombreux thèmes - et l'opposition frontale petit peuple / bourgeoisie n'est pas le moins intéressant. Grâce à un vrai suspense, on reste (heureusement) à l'écart du film banalement politique. Et on peut dès lors être agréablement surpris...
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Une étape Movie Challenge ?
Oui. Je valide l'objectif n°10: "Le titre du film comporte une saison".
Vous voudriez en savoir plus ?
Je vous conseille d'aller lire aussi les chroniques d'Eeguab et de Lui.
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Ma deuxième découverte: Pattes blanches (1949)
Malade, Jean Anouilh, qui devait réaliser ce film après en avoir écrit le scénario, est alors remplacé par Jean Grémillon derrière la caméra. D'une intrigue censée se dérouler au 19ème siècle, ce dernier choisit de faire un récit d'après-guerre, qu'il déplace dans un environnement géographique qui lui est familier: le littoral breton. Il est question, encore une fois, d'amours croisées, mais il n'y a que très peu de place pour l'expression de nobles sentiments. Au départ, Jock, propriétaire d'un bistro et mareyeur, revient de la ville avec Odette, une femme plus jeune que lui, qu'il présente comme sa nièce. Le comportement de la donzelle suffit à démontrer qu'il s'agit en réalité d'une "poule" attirée par la perspective d'une vie oisive. Trois autres personnages principaux entre alors en scène: un noble désargenté, son demi-frère adultérin et assoiffé de vengeance familiale, et une servante infirme d'une extrême modestie. Le tableau de la tragédie est ainsi complet ! Un conte noir, surprenant d'audace et qui progresse inexorablement...
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Une étape Movie Challenge ?
Oui, avec la catégorie n°12: "Le titre du film comporte une couleur".
Vous voudriez en savoir plus ?
Fidèle au poste, "L'oeil sur l'écran" vous apporte un début de solution.
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Ma troisième découverte: Le 6 juin à l'aube (1945)
Pas d'étoile pour cet opus, puisqu'il ne s'agit que d'un court-métrage. D'environ trois quarts d'heure à sa sortie en salles, il dépasse de peu les cinquante minutes en version "non amputée" - celle que j'ai vue. Comme le titre le suggère, le sujet du film est bien le Débarquement des troupes alliés en Normandie, peu avant la fin du printemps 1944. Didactique, ce court documentaire commente, avec l'aide d'une carte, la progression (plus ou moins rapide) des libérateurs. Des images d'archives, d'autres filmées par l'auteur et quelques témoignages apportent une lumière crue sur la violence des combats et les débuts de la reconstruction. L'occasion de se souvenir que les villes détruites que nous voyons chaque jour à la télévision étaient les nôtres, alors. Moment fort: la rencontre avec une jeune femme ensevelie deux fois sous les bombes. Jean Grémillon a aussi écrit la musique de son film !
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Une étape Movie Challenge ?
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Et, pour finir, un petit bilan personnel...
Deux fictions et un documentaire: tout bien considéré, je suis content d'avoir fait cette première approche du cinéma de Jean Grémillon. Comme la bibliothécaire qui nous a servi de guide, je trouve étonnant que cet artiste ait pu tomber dans un relatif oubli. Peut-être paye-t-il le fait d'avoir eu la dent dure à l'égard de certains de ses confrères. Peu importe: d'autres de ses oeuvres titillent ma curiosité. À suivre...
16 commentaires:
Sacré réalisateur que Grémillon en effet et je suis content que tu aies aimé ces films. L'oubli relatif dans lequel il a pu tomber s'efface puisque de plus en plus de critiques le mettent en avant aujourd'hui, notamment depuis le livre de Vecchiali sur le cinéma français des années 1930. Mon film préféré de Grémillon est Le ciel est à vous que je te recommande - un chef-d'oeuvre.
Merci de ton intérêt, Strum. Tu as raison de souligner que Jean Grémillon est de plus en plus réhabilité.
C'est ce qui m'a permis de le découvrir, sans doute, et ce fut un vrai plaisir.
"Le ciel est à vous" est un film que j'ai repéré et que j'aimerais voir, en effet.
Sinon, je l'intéresse aussi à ceux avec Jean Gabin, "Remorques" et "Gueule d'amour".
Gueule d'amour et Remorques sont bien aussi. J'ai chroniqué le premier chez moi (attention aux spoilers, parfois nécessaires aux analyses).
Merci Martin. Je ne me lasse pas de Lumière d'été mais Remorques et Gueule d'amour sont aussi parmi mes films préférés. Pour Pattes blanches de même que pour Le ciel est à vous je ne peux émettre une opinion. Il y a vraiment trop longtemps que je ne les ai vus.
J'ai vu les plus connus comme mes "collègues" mais ceux là sont bien tentants. Dommage que tu ne cites pas du tout les acteurs.
Et je pense que s'il fait 50 mn ton court métrage est un moyen :-) Je ne valide pas ton movie challenge.
@Strum:
Merci pour cette confirmation.
En général, j'arrive à éviter tes spoilers… en lisant tes chroniques après avoir vu tel ou tel film.
@Eeguab:
Pas d'quoi.
Qui sait ? J'aurai peut-être l'occasion d'écrire des chroniques pour te rafraîchir la mémoire.
@Pascale:
C'est vrai que je n'ai pas dit un mot des acteurs. Format diptyque oblige, j'ai voulu faire court. Pas de réelle fausse note à signaler. Les femmes: les deux Madeleine (Robinson et Renaud) dans "Lumière d'été", Suzy Delair et Arlette Thomas dans "Pattes blanches". J'ai aussi été content de revoir Pierre Brasseur dans le premier - même s'il cabotine un peu beaucoup - et Michel Bouquet dans le second. Et j'ai bien aimé Paul Bernard dans les deux.
Tu connais qui, là-dedans, toi ? Il y en a encore beaucoup que je découvre, dans les films de cette époque.
Pour ce qui est de cette histoire de court-métrage, j'étais resté dans l'idée que le CNC considérait comme tels les films durant moins d'une heure. Je me suis amusé à chercher et j'ai trouvé le décret 2014-794, article D201: "L'œuvre cinématographique de courte durée est celle dont la durée de projection en salles de spectacles cinématographiques est inférieure ou égale à une heure". Et toc !
Toc peut être mais...
comment te dire :
"Un moyen métrage désigne communément les films dont la durée est comprise entre 30 et 59 minutes. En France, ce terme n'est pas reconnu par le Centre National de la Cinématographie (CNC), contrairement au court métrage (de 1 min à 29 min) ou au long métrage (à partir de 60 min), qui jouissent d'une définition légale."
Oui, j'ai vu ça aussi. Je m'en réfère à la loi, tu t'en remets à l'usage.
Nous avons raison tous les deux et... cela ne me paraît pas le plus important, en fait.
Je vais réunir une commission d'enquête.
Personnellement je ne valide pas le Challenge.
Je ne cherche pas à avoir raison mais 50 mn ce n'est pas court.
Bon bon bon... tu es intraitable, à ce que je fois !
De toute façon, je verrai sans doute quelques autres (vrais) courts cette année.
Nous savons les moyens de fous faire barler.
... et tu pourras constater que j'ai tenu compte de ton avis, sur ce coup-là !
Bravo tu es courageux petit Padawan de remettre ton titre en jeu. C'est plus sage :-)
D'ici la fin de l'année, j'ai quand même le temps de voir venir !
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