mercredi 7 février 2018

Comme une présence

C'est très certainement inévitable: chaque année, même si j'accorde beaucoup de temps au cinéma, il y a des films que je loupe en salles. Je suis bien content que ce ne soit pas le cas pour A ghost story. J'étais si attiré par cette histoire que j'ai changé de ville pour la juger sur grand écran. Est-ce que cela valait le déplacement ? Oui, plutôt...

Pour être franc, A ghost story est un film si particulier qu'il risque objectivement de dérouter certain(e)s d'entre vous, voire de déplaire. L'histoire repose sur trois fois rien: un couple habite une maison quelque part aux États-Unis, en harmonie apparente. Ce bonheur simple est anéanti le jour où l'homme trouve la mort dans un accident de la route. À partir de là, il nous est proposé d'observer la manière dont la femme traverse cette épreuve, mais pas du tout en voyeurs ! Bien au contraire, le scénario nous offre en fait de découvrir la suite comme si nous étions le défunt, qui fait du coup son retour à l'écran sous la forme d'un drap blanc, comme tout fantôme qui se respecte. Évidemment, magie du cinéma ! Nous seuls pouvons encore le voir. Un rêve. Un voyage. Beau, étonnant et profondément mélancolique...

Bien plus que cette histoire, c'est sur le plan formel que le film diffère radicalement du tout-venant de la production cinématographique actuelle. Cela ne se voit pas sur les deux photos que j'ai choisies comme illustrations, mais l'ensemble des images est au format 4:3. Pour mieux donner au public l'impression de regarder une oeuvre ancienne ou disons intemporelle, les bords du cadre sont arrondis. Très vite, on n'y prête plus attention, mais je crois très sincèrement que cela apporte quelque chose en termes de pure expérience filmique. Tout bien considéré, je dirai même que le film est d'essence contemplative, de par son sujet bien sûr, mais aussi de par la durée de ses plans - l'un d'eux, lié à une tarte, approche les quatre minutes ! Après la séance, j'ai pris un peu de temps pour retrouver mes esprits.

A ghost story
Film américain de David Lowery (2017)
Bon... inutile de chercher: je ne crois pas qu'on puisse trouver de film équivalent à celui-ci (ou même simplement comparable). Son mérite est aussi de me confirmer que j'aime décidément les histoires d'absence perceptible ou de présence intangible - vous voyez le truc ? Puisque je ne mets pas de lien dans cet avis final, une précision s'impose: A ghost story parle de deuil, certes... mais pas seulement !

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Besoin d'un autre avis pour vous décider ?

Vous pourrez voir que celui de Pascale est encore plus enthousiaste. Tina, elle, est moins emballée, tout en relevant divers points positifs.

12 commentaires:

dasola a dit…

Bonjour Martin, je n'ai pas vu le film car pas tentée par le sujet. Bonne après-midi.

Martin a dit…

Je peux comprendre. Ce n'est pas un film facile.

Laurent a dit…

Bonsoir Martin...ce film m'a laissé sur le bord de la route à de nombreuses reprises. J'ai compris sa démarche, mais les artifices utilisés (par exemple, la fameuse scène de la tarte, qui n'en finit pas) m'ont fait en sortir à plusieurs reprises.
Dommage, car les images sont souvent superbes.

Martin a dit…

Je comprends tout à fait.

Avec un peu de recul, je crois que ma note est si haute parce que je suis aussi impressionné par l'audace d'un réalisateur à sortir un tel film dans le contexte du cinéma américain aujourd'hui. Franchement, avec cette kyrielle de blockbusters standardisés et autres films de super-héros moyens, une telle production, je trouve que, d'une certaine façon, ça fait du bien.

Et, effectivement, l'esthétique du film est un plus indéniable !

Pascale a dit…

Ah ce film !
Quelle expérience! Quel voyage!
J'ai lu que la scène de la tarte dirait 6 mn.

Pascale a dit…

Et la musique..

Martin a dit…

@Pascale 1:

Je n'ai pas chronométré. Moi, j'ai lu qu'elle durait moins de cinq minutes.
Mais au fond, on s'en fiche du timing exact: c'est suffisamment long pour qu'on le ressente.

Martin a dit…

@Pascale 2:

La musique colle parfaitement aux images, en effet.
Je n'en ai pas parlé dans ma chronique, mais je l'ai appréciée aussi.

Pour moi, c'est le genre de trips qui demande une immersion et donc un écran de cinéma.

tinalakiller a dit…

Je n'ai pas totalement adhéré au film dans le sens où ses qualités sont aussi ses défauts, mon avis n'est pas hyper tranché en fait. Mais j'ai beaucoup aimé la scène de la tarte, je comprends pas pourquoi cette scène fait tant parler d'elle.

Martin a dit…

Je crois tout simplement que les plans fixes déroutent, en ces temps de zapping.
Cela ne me paraît pas anormal pour une scène muette de plusieurs minutes, à vrai dire.

"Les qualités du film sont ses défauts": je suis assez d'accord avec ça.
Mais bon sang ! Quelle belle audace que de réaliser un tel film aujourd'hui !

Benjamin a dit…

Content de lire une note sur le film ! Et bien le film s'est un peu perdu dans mon esprit. J'ai à peine gardé le souvenir de cette tarte et de la scène qui la porte. Son intérêt est probablement dans son rapport au temps. Vaguement contemplatif en effet.

Martin a dit…

Hé ! Merci d'être venu fouiller dans mes lointaines archives, Benjamin !
Quatre ans après, je redécouvre que le film avait plutôt bien accueilli par ma petite sphère cinéphile.

Je ne me souviens pas de grand-chose, si ce n'est d'une profonde mélancolie et d'une fin surprenante...