lundi 16 novembre 2015

Déprime et conséquences

Abe Lucas est un drôle de prof d'université. Il enseigne la philosophie sur un campus américain et, entre les cours, essaye vaguement d'écrire quelque chose d'intéressant, sans grand espoir d'ailleurs. Dépressif et alcoolique, il traîne son mal-être comme un boulet. L'homme irrationnel ne dévoile qu'assez lentement sa réelle nature...

Chaque année, c'est la même chose: les cinéphiles ont rendez-vous avec Woody Allen. À 79 ans désormais, le petit New-Yorkais n'apparaît plus dans ses films, mais choisit toujours l'un des acteurs réputés du moment pour être son alter ego. Cette fois, il a confié l'interprétation de ses névroses obsessionnelles à Joaquin Phoenix. C'est à mes yeux sa première bonne décision: sans forcer son talent outre mesure, le comédien trouve pile-poil le bon ton, entre respect du texte écrit et lecture personnelle, au-delà de la pure imitation. L'homme irrationnel est bien sûr entouré de femmes. Elles sont deux, cette fois: Jill, sa plus brillante étudiante, et Rita, une collègue pressée de tromper son mari ! Je vous laisserai découvrir seuls comment Lucas, parfait nihiliste, s'arrange de cette double relation. Les actrices, elles, s'en tirent avec les honneurs: Emma Stone gagne en sobriété et Parker Posey est (pour moi) une assez belle révélation.

C'est en fait avec une certaine jubilation que j'ai abordé le film. J'avais fait en sorte de ne rien savoir de précis sur son intrigue principale avant d'entrer dans la salle. Après coup, je suis d'accord avec ceux qui disent que le film répond au principe des poupées gigognes: l'ami Woody nous offre quelques jolis rebondissements. L'impressionnant talent pour la joute oratoire est toujours là: Allen fait bon ménage avec la philo, c'est une évidence encore confirmée. C'est au moment précis où les deux personnages principaux s'arrêtent un instant de parler que le scénario se noue: l'intrigue évolue alors vers autre chose, avec - ô bonheur ! - un suspense plutôt bien ficelé. L'homme irrationnel ne surprendra pas forcément les inconditionnels du binoclard planqué derrière sa caméra, mais reste un long-métrage intéressant et franchement drôle par moments, dans le style ironique. Rien d'innovant ? Peut-être. Mais je ne veux pas bouder mon plaisir...

L'homme irrationnel
Film américain de Woody Allen (2015)

C'est un fait: Woody Allen est souvent comparé... à lui-même. Objectivement, la recette de son succès est connue et ce film 2015 n'est pas le chef d'oeuvre absolu de sa filmographie. Je trouve toutefois qu'il reste, en termes d'écriture, d'une belle efficacité. Personnellement, c'est vrai aussi que je préfère les oeuvres anciennes de notre ami américain: Manhattan, Stardust memories et/ou Alice.

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Et le même Woody vu d'ailleurs, ça donne quoi ?

Dans l'ensemble, le petit monde des blogs l'a assez bien accueilli. Pascale, Dasola, Tina, 2 flics et Princécranoir en ont parlé avant moi.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Ouiiii merci pour le lien !
Bon du coup tu n'apprendras rien de nouveau dans mon commentaire, j'ai bien aimé ce Woody Allen, bien écrit, profond et avec Joaquin Phoenix impeccable !

princécranoir a dit…

Je n'ai pas boudé le mien non plus (de plaisir) devant cet Allen en pleine forme (déjà depuis quelques films, au moins les deux précédents), féroce et jubilatoire et oh combien élégamment réalisé. Et quelle joie de retrouver Parker Posey que je n'avais pas vue sur une écran depuis les films de Hal Hartley !

Martin a dit…

@Tina:

Mais je t'en prie ! Effectivement, tu n'as plus besoin de m'apprendre ton avis, mais ça fait toujours plaisir d'être lu et commenté, en ayant au passage confirmation que je suis sur la même longueur d'ondes qu'une partie de mes lecteurs !

Martin a dit…

@Princécranoir:

"Blue Jasmine" et "Magic in the moonlight" m'avaient vraiment bien plu, à moi aussi. Ce qui est toujours sympa avec Woody, c'est qu'au sortir d'une projection, on se dit qu'on n'a plus qu'à attendre un an avant de voir arriver une possible nouvelle perle !

Strum a dit…

Pour ma part, je n'ai guère aimé ce nouveau Woody, que j'aurais bien renommé Un Homme Artificiel tant je n'ai pas cru à ce personnage, qui n'est pas crédible humainement. Voir ma critique (pleine de spoilers) sur mon blog (newstrum.wordpress.com). Pour Woody, le filon dostoïevskien du crime et du châtiment est bel et bien épuisé.

Martin a dit…

C'est votre droit le plus strict, Strum, et je concède volontiers qu'il faille "entrer" dans le personnage pour apprécier le film. Je viendrai faire un petit tour sur votre blog prochainement. Merci d'être passé ici.