Fidèle à mes habitudes, je me suis dépêché d'aller découvrir en salles le nouveau film de Clint Eastwood: il est temps à présent de vous dire ce que j'ai pensé de cet American sniper, carton 2014 du box-office américain qui devrait terminer sa carrière chez nous, en France, autour des 2,5 millions d'entrées - de quoi peut-être s'offrir une place dans le top 20 de 2015. Oui, le vétéran américain vise encore juste !
Je vais le dire tout de go pour ne pas perdre de temps: j'ai bien aimé American sniper. Comme un bon vin, je suis aussi curieux de voir comment il vieillira. Aujourd'hui, en dépit de son indiscutable succès public, le film réveille cette bonne vieille polémique qui entoure régulièrement les oeuvres du réalisateur Clint Eastwood: est-ce là simplement le fruit du travail d'un patriote sincère ou bien l'oeuvre ambigüe d'un vieux cowboy limite réac ? Évidemment, en choisissant d'évoquer l'histoire (vraie) d'un dénommé Chris Kyle, tireur d'élite américain engagé quatre fois dans des opérations militaires sur le sol irakien, notre ami amerloque flatte la bannière étoilée. Vraiment ? Personnellement, je ne crois pas que ce soit son but. Ici, si la guerre peut paraître "justifiable", la bataille est de fait promise... à l'échec.
C'est toute l'ambivalence d'un Chris Kyle qui se dessine ainsi à mesure que le prétendu héros gagne en popularité. Son sang-froid manifesté au combat et l'efficacité clinique de ses tirs à très longue distance font vite de lui une légende pour ses camarades soldats. Cet homme élevé à la dure est presque une caricature en treillis, mais il s'avère finalement plus complexe que ce qu'on peut imaginer de prime abord. American sniper suit pour moi le même chemin: il se place du côté américain dans son exposé de faits de guerre, mais il le fait souvent à hauteur d'homme, sans discours populiste sur la nation américaine en danger. C'est le personnage lui-même qui, face aux images télévisées du 11 septembre, pense devoir tout quitter pour s'engager dans l'armée. Rien n'est dit pour établir que c'est le meilleur chemin.
Il est certain que le film élude tout à fait la question de la légitimité de l'intervention américaine en Irak et de ses conséquences passées, présentes et à venir. Clint Eastwood n'a visiblement pas fait ce film pour interroger la pertinence de la politique étrangère de l'oncle Sam. American sniper montre bien davantage comment le combat transforme un homme et peut le vider de sa substance, le rendant incapable de communiquer ses émotions à ceux qui n'ont pas connu les mêmes circonstances. Sur ces aspects, la rude réalité historique est respectée, depuis les états d'âme de Chris Kyle au moment d'abattre des civils jusqu'à l'admiration que lui a vouée le peuple américain. Impeccable tout au long du métrage, Bradley Cooper illustre habilement les deux facettes d'un soldat en fait très ordinaire.
Je dois vous avouer que je demeure assez surpris que le film rencontre un tel succès aux États-Unis. L'une de ses qualités premières serait pour moi qu'il montre la guerre de manière crue. Sans trop vouloir en dévoiler, je veux citer une scène de bataille débutée sur les toits d'une ville, à l'approche d'une tempête de sable. Le combattant est à la fois félicité pour avoir rempli une mission capitale et morigéné pour avoir mis ses camarades en danger. Quelques plans haletants suffisent à tout dire de l'absurde paradoxe du fait guerrier. Je perçois mal comment ne voir en American sniper qu'un outil propagandiste des "méchants" Américains: il a renforcé mon idée qu'ils ont commis une grave erreur - et sans doute une faute politique - dans ce chaos irakien. Nous n'avons pas fini de la payer...
American sniper
Film américain de Clint Eastwood (2014)
Un point important: le véritable triomphe du film dans son pays d'origine est d'abord un succès public, puisque l'Académie des Oscars n'a offert au long-métrage qu'une récompense, pour son montage son. En matière de films de guerre eastwoodiens, je crois utile de rappeler l'existence de Lettres d'Iwo Jima, en japonais. American sniper évalué de l'autre camp ou chez les civils, ça aurait eu de la gueule...
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Et maintenant, vous pouvez retrouver...
- 2flics sur "Callciné",
- Princécranoir sur "Ma bulle",
- Dasola sur "Le blog de Dasola",
- David sur "L'impossible blog ciné",
- Pascale de "Sur la route du cinéma".
Je vais le dire tout de go pour ne pas perdre de temps: j'ai bien aimé American sniper. Comme un bon vin, je suis aussi curieux de voir comment il vieillira. Aujourd'hui, en dépit de son indiscutable succès public, le film réveille cette bonne vieille polémique qui entoure régulièrement les oeuvres du réalisateur Clint Eastwood: est-ce là simplement le fruit du travail d'un patriote sincère ou bien l'oeuvre ambigüe d'un vieux cowboy limite réac ? Évidemment, en choisissant d'évoquer l'histoire (vraie) d'un dénommé Chris Kyle, tireur d'élite américain engagé quatre fois dans des opérations militaires sur le sol irakien, notre ami amerloque flatte la bannière étoilée. Vraiment ? Personnellement, je ne crois pas que ce soit son but. Ici, si la guerre peut paraître "justifiable", la bataille est de fait promise... à l'échec.
C'est toute l'ambivalence d'un Chris Kyle qui se dessine ainsi à mesure que le prétendu héros gagne en popularité. Son sang-froid manifesté au combat et l'efficacité clinique de ses tirs à très longue distance font vite de lui une légende pour ses camarades soldats. Cet homme élevé à la dure est presque une caricature en treillis, mais il s'avère finalement plus complexe que ce qu'on peut imaginer de prime abord. American sniper suit pour moi le même chemin: il se place du côté américain dans son exposé de faits de guerre, mais il le fait souvent à hauteur d'homme, sans discours populiste sur la nation américaine en danger. C'est le personnage lui-même qui, face aux images télévisées du 11 septembre, pense devoir tout quitter pour s'engager dans l'armée. Rien n'est dit pour établir que c'est le meilleur chemin.
Il est certain que le film élude tout à fait la question de la légitimité de l'intervention américaine en Irak et de ses conséquences passées, présentes et à venir. Clint Eastwood n'a visiblement pas fait ce film pour interroger la pertinence de la politique étrangère de l'oncle Sam. American sniper montre bien davantage comment le combat transforme un homme et peut le vider de sa substance, le rendant incapable de communiquer ses émotions à ceux qui n'ont pas connu les mêmes circonstances. Sur ces aspects, la rude réalité historique est respectée, depuis les états d'âme de Chris Kyle au moment d'abattre des civils jusqu'à l'admiration que lui a vouée le peuple américain. Impeccable tout au long du métrage, Bradley Cooper illustre habilement les deux facettes d'un soldat en fait très ordinaire.
American sniper
Film américain de Clint Eastwood (2014)
Un point important: le véritable triomphe du film dans son pays d'origine est d'abord un succès public, puisque l'Académie des Oscars n'a offert au long-métrage qu'une récompense, pour son montage son. En matière de films de guerre eastwoodiens, je crois utile de rappeler l'existence de Lettres d'Iwo Jima, en japonais. American sniper évalué de l'autre camp ou chez les civils, ça aurait eu de la gueule...
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Et maintenant, vous pouvez retrouver...
- 2flics sur "Callciné",
- Princécranoir sur "Ma bulle",
- Dasola sur "Le blog de Dasola",
- David sur "L'impossible blog ciné",
- Pascale de "Sur la route du cinéma".
6 commentaires:
Super ! J'ai lu quelques critiques un peu méchantes. Je suis contente que tu aies aimé. J'ai hâte de le voir.
Je constate avec plaisir que nous sommes fixés sur la même ligne de mire concernant ce film. N'oublions pas le regard biaisé qu'il offrait de la bataille d'Iwo Jima, non seulement du côté nippon (comme tu le précisais), mais aussi côté américain, montrant l'instrumentalisation des GI's à des fin propagandistes.
Je me place, à tes côtés, dans le rang de ceux qui voit en ce film davantage un carnet intime d'un tireur d'élite qu'une propagande en faveur d'une politique va t'en guerre.
@Chonchon:
Je croyais que tu n'aimais pas les films de guerre ! Bon, cela dit, ce n'est pas moi qui vais te reprocher de faire une exception pour Clint.
@Princécranoir:
Oh, sois sûr que je n'oublie en rien la partie américaine du diptyque "Mémoires de nos pères / Lettres d'Iwo Jima" ! Je préfère simplement le volet japonais, car je trouve encore plus fort d'être allé tourner avec l'ennemi d'hier et dans sa langue. Mais ça se joue à peu de choses, les deux films figurant bel et bien dans mon Panthéon eastwoodien.
@2flics:
Ravi de te savoir avec moi... ou plutôt avec nous, l'ami ! J'aime bien ton idée de "carnet intime". Même si j'ai senti que Clint restait un peu à l'écart de son personnage, ce qui n'est d'ailleurs pas un défaut à mes yeux.
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