samedi 8 novembre 2014

Quadrature

Rodolphe, mon ami d'enfance, fête ses 40 ans aujourd'hui. Ce sera mon tour dans pile sept semaines - à vous de calculer, les jeunes ! Plutôt que de me morfondre sur cette fameuse cinquième décennie bientôt démarrée, je me suis dit que j'allais jeter un oeil dans le rétro pour voir comment le cinéma se portait en 1974. Ah ! Si certains parmi vous ont d'autres souvenirs, qu'ils n'hésitent pas à en parler...

1974... autres temps, autres moeurs ? Au printemps, la France choisit un président jeune, Valéry Giscard d'Estaing. Six années seulement après mai 68, le pays est-il d'humeur coquine ? Peut-être. Il réserve en tout cas un triomphe à une gamine des Pays-Bas, Sylvia Kristel. L'érotisme d'Emmanuelle fait vendre quelque 8,9 millions de tickets de cinéma - de quoi grimper au premier rang du box-office national ! Deux crans en-dessous, les amis Patrick Dewaere et Gérard Depardieu ne sont qu'à peine plus sages dans Les valseuses: leurs péripéties sexuello-amoureuses attirent tout de même 5,7 millions de coquins. Entre les deux cartons made in France, le seul film américain parvenu à s'intercaler est le Robin des Bois de Disney (6,5 millions d'entrées). 23 des 41 films au-dessus du million sont des productions françaises.

Du côté des Amériques, le public aime jouer à se faire peur. Classique du film-catastrophe, La tour infernale est le "carton" le plus rentable du millésime. Pour rire, les gens apprécient également la compagnie d'un autre larron: avec Le shérif est en prison et Frankenstein junior, Mel Brooks occupe seul les deux autres marches du podium. Mais 1974, c'est aussi et surtout l'année Coppola: Francis Ford s'adjuge une récompense majeure, la Palme d'or, pour Conversation secrète. C'est la première de ses consécrations sur la Croisette. Moins de sept mois plus tard, quinze jours avant ma venue au monde dans une maternité parisienne, les écrans d'outre-Atlantique accueillent Le parrain - 2ème partie: le film sera primé de six Oscars en avril 1975. Le troisième et ultime volet ne sortira que fin 1990...

Et Clint Eastwood, pendant ce temps-là, il fait... la star, bien sûr ! 1974, c'est en effet l'année de sortie d'un de ses très bons films d'acteur: Le canardeur, où l'on retrouve aussi Jeff Bridges, à 25 ans. Le long-métrage est également le tout premier de Michael Cimino. C'est la seule apparition d'Eastwood sur écran géant cette année-là. 1973 avait été un peu supérieur de ce point de vue, avec les sorties de L'homme des hautes plaines en août et de Magnum force le jour de Noël. Entre les deux, Clint avait aussi mis en scène William Holden dans Breezy, son deuxième film comme réalisateur, sorti à New York en novembre. Le long-métrage n'a pas trouvé pas son public et, nommé trois fois aux Golden Globes début janvier 1974, est reparti bredouille de la cérémonie, Michel Legrand manquant le prix musical !

Parlons de choses plus réjouissantes, voulez-vous ? Si je prétends placer 1974 comme une date à retenir pour les cinéphiles, c'est aussi parce que le millésime a vu naître quelques-unes des grandes stars d'aujourd'hui. Rodolphe et moi ne sommes pas seuls ! Je citerais simplement, à titre d'exemples, Penelope Cruz et Amy Adams. Évidemment, mesdames et mesdemoiselles, j'aurais pu parler également de Leonardo DiCaprio et/ou de Christian Bale. Tout choix est très subjectif, pas vrai ? Le critère de précocité à l'écran jouerait en faveur de ces messieurs, c'est vrai: le tout premier rôle de Leo remonte à ses 17 ans, tandis que Chris tourne depuis qu'il en a 13 ! Pene et Amy ont patienté respectivement jusqu'à 18 et... 25 ans. Tomer Sisley, p'tit Frenchie de 1974, aura attendu sa 22ème bougie...

Et cette fameuse année, alors, était-elle bonne pour la liberté créatrice des artistes de cinéma ? Il me faudrait faire une enquête circonstanciée pour formuler un simple début de jugement intelligent. Je note toutefois que 1974 est un repère temporel très important pour l'audiovisuel français: c'est l'année du démantèlement de l'Office de radiodiffusion-télévision française, le tout-puissant ORTF. Supprimé dix ans seulement après sa création, l'organisme public éclate en sociétés indépendantes, dont trois télés: TF1, A2 et FR3. J'ignore l'impact que cela aura sur les films diffusés sur le petit écran. Le 8 juin 1974, Jacques Chirac forme son premier gouvernement. Michel Guy, son secrétaire d'Etat à la Culture, encouragera l'avance sur recettes et, plutôt que censurer les films X, les fera taxer à 33% !

Je vais conclure en toute franchise: il me reste encore plein de choses à découvrir à propos de 1974. Sean Connery, lui, avait fini par lâcher le smoking de James Bond pour mettre le slip rouge de Zed, le héros improbable et poilu de Zardoz. Si ce genre de look pique vos yeux sensibles, je dois dire que je vous comprends, sans que ça vienne altérer mon envie de m'y frotter - bon, c'est une façon de parler. J'aimerais aussi revoir le Chinatown de Roman Polanski, humer alors le Parfum de femme de Dino Risi, m'imaginer dans le costume chic du Gatsby de Jack Clayton et devant Le miroir d'Andreï Tarkovski. J'éviterai le Massacre à la tronçonneuse, avec une pensée amusée pour un film suisse dont mon père m'a offert le DVD: Jonas qui aura 25 ans en l'an 2000. Lui est sorti en 1976. Ah, les anniversaires... 

3 commentaires:

cc rider a dit…

J'ai vu en salle tous les films cités dans l'article , plus :
Les anges gardiens, les casseurs de gang,flesh gordon,il était une fois Hollywod, un justicie dans la ville,les mains dans les poches (avec un stallone inconnu à l'époque), tremblement de terre (premier utilisation de l'effet seround and salle) , un colt pour une corde (la fin du western spaghetti) ,Yakuza, L'ile sur le toit du monde,Bordalino and C°, A nous quatre cardinals, La gifle.

O tempora o mores...!!

sentinelle a dit…

Bonjour Martin,

Sean Connery est… euh comment dire… très surprenant.

Que de souvenirs que tous ces films ! Michael Cimino, je l’ai rencontré l’année passée quand il est venu présenter son film La porte du paradis, dans sa version restaurée et remastérisée de 3 h 36 min et qui est un tout simplement un petit bijou. C’est drôle que tu cites Le miroir d'Andreï Tarkovski, car il fera l’objet d’un billet qui paraîtra prochainement :-)

Bon week-end !

ChonchonAelezig a dit…

Ah Sean... cette culotte orange... je ne peux pas m'y faire. Ca casse le mythe.