samedi 26 juillet 2008

Kaspar et les questions

"Et moi, comment aurais-je réagi devant un tel personnage ?". C'est le genre de questions que l'on peut se poser en regardant L'énigme de Kaspar Hauser, film allemand de Werner Herzog sorti en 1975. Kaspar Hauser ? Un drôle de bonhomme, qu'on découvre assis dans la paille, avec pour seule nourriture du pain sec et de l'eau, visiblement incapable d'articuler un mot. Prisonnier. La première interrogation logique, c'est à coup sûr celle de la cause de cet enfermement forcé. Qui est cet homme visiblement maltraité ? Le film - et la réalité, car le film s'inspire d'une histoire vraie - n'apportent pas vraiment de réponse. Chacun fera les siennes. Ce qui est sûr, c'est que Kaspar est rapidement sorti de sa prison et de nouveau abandonné, porteur d'une lettre, sur la place d'un village.

Nous sommes alors à Nuremberg, le jour de la Pentecôte 1828. Bientôt, les villageois s'approchent de Kaspar. Constatant sa fatigue et son incapacité à s'exprimer, ils le couchent de nouveau, dans une étable cette fois. Puis, devant son comportement franchement incongru, cherchent (en vain) à comprendre qui il est. Certains sont gentils avec lui, d'autres se moquent de son évidente différence avec cruauté. On l'incarcère à nouveau, jusqu'à ce l'on décide qu'il faut tout de même qu'il contribue à sa subsistance. Kaspar devient véritablement une bête de foire, exhibée sans vergogne. Malgré tout, et petit à petit, son apparente débilité s'estompe doucement grâce aux rares personnes qui prennent soin de lui. Paradoxe intéressant: en certaines circonstances, le fou devient presque sage. Atypique cartésien, il refuse par exemple les leçons de la logique ou les dogmes de la morale chrétienne.

"Et moi, comment aurais-je réagi devant Kaspar ?". C'est difficile de répondre à cette question. Le réalisateur a certainement voulu qu'on se la pose, malgré tout, comme pour mieux nous émouvoir du destin funeste du héros, agressé à plusieurs reprises et finalement assassiné dans des circonstances encore troubles. Interrogation sur la différence et la tolérance, le film doit beaucoup à l'interprétation de Bruno S., "acteur" improbable déniché par Werner Herzog, orphelin, ancien enfant battu et ex-pensionnaire d'un hôpital psychiatrique. On oublie qu'il est beaucoup plus vieux que son rôle. Puis, en s'en souvenant, on se dit que ça n'a guère d'importance.

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