lundi 16 novembre 2009

Peintre en son pays

Vous me suivez ? Ce soir, je vous emmène en Orient. Après avoir dîné au restaurant chinois, je vous propose la chronique d'un film coréen, Ivre de femmes et de peinture. Ce long métrage est en fait l'une de la centaine d'oeuvres de Im Kwon-taek et aussi... la première que j'ai l'occasion de découvrir. Sorti en France en 2002, elle a été récompensée, cette année-là, du Prix de la mise en scène au Festival de Cannes. De son enfance à sa disparition, le scénario retrace la vie du peintre Jang Seung-eop, dit Owon (1843-1897). Les plus curieux qui voudraient avoir un aperçu de ses toiles peuvent en découvrir quelques-unes sur le site Wikipedia. Les plus patients, eux, n'hésiteront pas à regarder le film, où les tableaux du maître asiatique sont très explicitement montrés. L'intrigue ne tourne pas autour du processus créatif, mais s'intéresse plutôt à la condition d'artiste dans la Corée du 19ème siècle, ainsi qu'à la personnalité d'un homme, bien plus en tout cas qu'à son simple statut de peintre. Dès les premiers instants, on comprend qu'il n'était pas si évident pour Owon de créer, car son talent a suscité autant de convoitises que de jalousies. Son comportement, marqué par une sensibilité d'écorché vif, n'a évidemment rien fait pour arranger ses affaires. Et ce d'autant moins qu'en dehors de l'art, les passions du personnage, alcoolique et séducteur de bas étage, étaient beaucoup plus triviales.

Le premier intérêt de cette biographie filmée est de nous transporter vers un ailleurs inconnu - ou à tout le moins méconnu - de nous. D'emblée, il faut sans aucun doute dire que le réalisateur y parvient joliment: Ivre de femmes... tient du voyage. D'un "exotisme" certain, les plans sont souvent fabuleusement beaux, un vrai régal pour les yeux. Ensuite, il y a ce personnage haut en couleurs. Admettons qu'il ne sera pas donné à tout le monde de s'attacher rapidement à cet être ambigu mais, sans aller jusque là, je pense pouvoir dire que j'ai apprécié de suivre son parcours. Un aspect intéressant du long métrage est qu'au fond, le vrai Owon n'a pas laissé beaucoup de renseignements sur ce que fut sa vie. Le cinéaste qui l'a ressuscité a donc dû faire preuve d'imagination pour combler les (nombreux) vides. Par exemple, si j'ai bien compris, on ne sait pas vraiment comment le peintre est mort. L'hypothèse retenue ici fait presque froid dans le dos, tant elle repose sur l'extrême solitude d'un homme qui n'arrive à tisser aucun lien durable avec les autres, ou bien répond toujours trop tard aux rendez-vous que posent l'amitié et l'amour. Il y a là un propos dans lequel un artiste contemporain pourrait se retrouver: le succès n'est pas le bonheur.

Ivre de femmes... est une oeuvre exigeante, à ne pas regarder comme un film facile. Je ne crois pas qu'il en existe de version française: pour l'apprécier, il faut donc admettre d'emblée le principe de regarder un film en coréen (sous-titré, bien sûr). La contrainte acceptée, et à condition d'avoir quelque intérêt pour le sujet, on peut passer un bon moment. Ce n'est objectivement pas tous les jours qu'un film nous arrive de si loin, qui plus est porté par des acteurs tous inconnus sous nos latitudes: je crois qu'il serait bien dommage de bouder pareil plaisir cinématographique, à moins, donc, d'être totalement réfractaire aux petits efforts que suppose la découverte. Parmi les sources d'enrichissement, le fait que l'intrigue suit aussi l'évolution politique de la Corée, ce qui permet encore davantage d'ouvrir les yeux sur d'autres réalités. Sur le seul plan cinématographique, pas facile, c'est vrai, d'établir une comparaison avec un autre long métrage que j'aurais déjà eu l'occasion de voir. Partie remise, cela dit: celui-ci fait en effet partie d'une compilation de sept, la plupart assez récents et originaires d'horizons divers, rassemblés par le magazine Télérama autour d'une thématique générale, Les peintres et le cinéma. Possible que j'en reparle, donc. Ce serait dès lors après avoir découvert une autre de ces oeuvres...

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