jeudi 17 février 2011

Plus dure sera la chute

Une chronique de Silvia Salomé

Pour les amoureux du 7ème art, pour les passionnés de James Dean ou encore pour les curieux, la durée du film, 3h21, ne sera pas rédhibitoire ! Pour les autres, mieux vaut peut-être passer son chemin !

Géant est une adaptation du roman éponyme d’Ednar Ferber, paru en 1952. Parfois présente sur le tournage et aux soirées hollywoodiennes, la vieille dame s’est prise d’affection pour le beau Jimmy, qui incarne son personnage phare, le très fragile Jett Rink. Jett Rink ou quand la réalité dépasse la fiction ! La romancière s’est inspirée de la vie de Glenn McCarthy, un sombre éleveur texan, qui découvre onze champs pétroliers. Surnommé the king of wildcatters, l’intrépide roi des chercheurs de pétrole, il fait construire en 1949 l’hôtel Shamrock, à Houston, et dépense ainsi 21 millions de dollars ! Et rajoute un million supplémentaire pour la cérémonie d’inauguration ! Tout un programme ! C’est avec ses bases que notre Jimmy devient l’énigmatique Jett Rink. Jett Rink est le protégé de la matriarche du clan des Benedict, Luz. À sa mort, elle lui laisse une parcelle de terrain qu’il ne cèdera jamais, malgré les pressions des Benedict, Bick (l’immense, par sa taille, Rock Hudson), en chef de file ! Le jeune cow-boy découvre assez vite que cette terre cache de l’or noir. Sa revanche sur Bick est prise. À lui la gloire et la fortune ! Enfin... pas tout à fait ! Car le beau Jett se meurt d’amour pour la jolie Leslie, immortalisée par la sublime Elizabeth Taylor.

On peut dire que James Dean y interprète son premier grand rôle de composition. Et à la vue du résultat, comment ne regretter qu’il n’ait pas eu la chance de participer à d’autres films ? Le tournage a cependant été laborieux. Stevens filme les scènes de façon chronologique, et, bien sûr, sous tous les angles (ce qui explique le temps qu’il a fallu pour le monter, pas loin d’une année). Ce qui parfois, voire même souvent, fait attendre les acteurs des journées entières sans participer à une seule scène. Au grand dam de Dean ! Pourtant, malgré la mésentente non dissimulée avec son réalisateur, l’acteur propose un personnage des plus convaincants. Il étincelle en Jett Rink jeune. James Dean réalise l’exploit de prendre l’accent texan. Sous-titrage obligatoire pour une diffusion en VO car l’accent texan est l’un des plus incompréhensibles du territoire américain...

Une fois de plus, son personnage est hors-norme : il ne respecte ni la bienséance ni les règles. James Dean excelle dans le rôle du rebelle. Mais pas seulement, son amour pour l’épouse Benedict crève l’écran ! La mythique scène de la crucifixion, ou encore celle de la pause thé montrent tout son malaise devant l’objet de son affection ! Une nouvelle fois, ses relations hors plateau vont lui faciliter la tâche: Liz Taylor le prend sous son aile, le choyant, le protégeant et l’aimant comme une amie (et rien que comme une amie fidèle !). En revanche, Rock Hudson et lui se vouent une haine réciproque: les bagarres et les heurts entre Bick et Jett ne sont peut être pas que du cinéma ! Au générique du film, on retrouve des noms ayant participé à La fureur de vivre: Dennis Hopper et Sal Mineo, qui vouent une véritable admiration à la future légende.

Puis Rink vieillit: il devient donc un magnat du pétrole, alcoolique de surcroît ! James Dean propose un vieux Jett parfait, mais avec de l’humanité. Ce sont ses yeux qui parlent pour lui. Car bien sûr, ses manières n’ont pas grand chose à voir avec de la compassion. Et l’on ne peut s’empêcher de ressentir une immense pitié devant tant de gâchis. Pour parfaire cette vieillesse d'à peine 24 ans, Jimmy est passé par la case maquillage, bien sûr. Il n’a pas hésité non plus à se faire raser les golfes, signe d’une future calvitie ! Une nouvelle fois, Jimmy sera nominé à titre posthume pour l’Oscar du meilleur acteur en 1956.

Géant
Film américain de George Stevens (1956)

Quand vous aurez vu cette saga familiale, vous ne pourrez pas vous empêcher de penser à une famille bien connue de nos jours: les Ewing, stars incontestables des années 80 ! En effet, on peut voir dans Géant l’ancêtre de Dallas. Tous les ingrédients sont réunis: l’univers impitoyable du pétrole, les barbecues géants à la sauce mexicaine, les grosses voitures, les belles femmes, la rivalité entre les hommes ! Pour le troisième et dernier film avec James Dean, il faut s’armer d’un poil de patience et de pas mal de temps. Géant est un pur produit hollywoodien réalisé par le très (trop ?) conformiste George Stevens, considéré comme le roi du cinéma épique. Il livre donc une épopée de 3h21 ! Avec cet opus, le réalisateur met un point final à sa trilogie sur le rêve américain. Après Une place au soleil (1951) et L’homme des vallées perdues (1953), il montre à présent l’American Dream poussé jusqu’à sa perversion la plus extrême.

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