Le réalisateur espagnol annoncé dans ma toute dernière chronique d'avant-pause ? Bravo si vous avez trouvé: c'était Rodrigo Sorogoyen. J'ai ENFIN pu rattraper son film présenté à Cannes 2022: As bestas. Un thriller rural d'excellente facture, qui vient confirmer le Madrilène comme l'un des grands du cinéma européen. Oui, je pèse mes mots...
Français d'une cinquantaine d'années, Antoine s'est installé en Galice pour cultiver des légumes bio et retaper quelques vieilles maisons abandonnées. Appât du gain ? Non: il paraît plutôt avoir quitté la ville dans l'espoir de se construire une (plus) belle vie, tout simplement. Avec sa femme Olga, il a refusé de vendre ses terres à un consortium norvégien, qui avait l'ambition d'y implanter un parc d'éoliennes. Surprise: cela a fâché ses voisins immédiats, lassés d'une existence ingrate au contact d'une nature qui, belle, est aussi inhospitalière. L'efficacité d'As bestas tient d'abord à la tension croissante ainsi mise en place, et ce grâce à un scénario implacable que Rodrigo Sorogoyen cosigne d'ailleurs avec Isabel Peña, sa complice en écriture habituelle. Que le film permette une collaboration d'artistes français et espagnols est très réjouissant: l'immense talent de Denis Ménochet fait oublier sa corpulence et le montre en homme fragile, à la merci d'étrangers fermés à toute organisation sociale et moeurs autres que les leurs. Jusqu'où cela le mènera-t-il ? C'est un enjeu du film, mais pas le seul !
D'abord au second plan, le personnage d'Olga prend une importance décisive pour la fin du récit. Marina Foïs m'a vraiment impressionné dans ce rôle complexe: elle s'investit à fond et mérite des éloges sincères - ce que la "grande famille" du cinéma semble oublier un peu. Bref... je ne veux pas polémiquer et As bestas est d'abord un film espagnol, il me semble, avec dès lors d'autres excellents comédiens méconnus - je citerai d'abord Luis Zahera et Diego Anido, parfaits. Évidemment, il faut aussi louer la mise en scène: le cadre galicien garantit une diversité de paysages remarquables, été comme hiver. D'emblée, on comprend que les personnages français sont "lâchés" dans un environnement qu'ils auront du mal à réellement maîtriser. Cela passe par exemple par une image qui tressaute sur une route cahoteuse ou un long plan très obscur pour suggérer un péril nocturne. Un critique a parlé de leçon de cinéma... et c'est en tout cas un plaisir que de voir un travail aussi soigné, au service d'un récit captivant. Mon unique regret ? L'avoir laissé filer au cinéma ! À bon entendeur...
As bestas
Film français et espagnol de Rodrigo Sorogoyen (2022)
(Re)voir aussi El reino et Madre du même auteur est une bonne idée. Quel brio ! Une preuve - parmi d'autres - qu'on peut faire du cinéma ambitieux, sans verser dans l'intellectualisme bobo ou le cliché idiot. Attention toutefois: ce film est aussi d'une dureté peu commune. Chose étonnante: un certain cousinage avec Le mal n'existe pas. Ruralité toxique, diriez-vous ? On en parlait dans Jean de Florette...
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Vous aussi, vous aimeriez aller voir ailleurs ?
Je vous renvoie sans hésiter aux blogs de Pascale et Princécranoir. Celui de Dasola vaut le détour, mais il en dit beaucoup sur l'intrigue...
Français d'une cinquantaine d'années, Antoine s'est installé en Galice pour cultiver des légumes bio et retaper quelques vieilles maisons abandonnées. Appât du gain ? Non: il paraît plutôt avoir quitté la ville dans l'espoir de se construire une (plus) belle vie, tout simplement. Avec sa femme Olga, il a refusé de vendre ses terres à un consortium norvégien, qui avait l'ambition d'y implanter un parc d'éoliennes. Surprise: cela a fâché ses voisins immédiats, lassés d'une existence ingrate au contact d'une nature qui, belle, est aussi inhospitalière. L'efficacité d'As bestas tient d'abord à la tension croissante ainsi mise en place, et ce grâce à un scénario implacable que Rodrigo Sorogoyen cosigne d'ailleurs avec Isabel Peña, sa complice en écriture habituelle. Que le film permette une collaboration d'artistes français et espagnols est très réjouissant: l'immense talent de Denis Ménochet fait oublier sa corpulence et le montre en homme fragile, à la merci d'étrangers fermés à toute organisation sociale et moeurs autres que les leurs. Jusqu'où cela le mènera-t-il ? C'est un enjeu du film, mais pas le seul !
D'abord au second plan, le personnage d'Olga prend une importance décisive pour la fin du récit. Marina Foïs m'a vraiment impressionné dans ce rôle complexe: elle s'investit à fond et mérite des éloges sincères - ce que la "grande famille" du cinéma semble oublier un peu. Bref... je ne veux pas polémiquer et As bestas est d'abord un film espagnol, il me semble, avec dès lors d'autres excellents comédiens méconnus - je citerai d'abord Luis Zahera et Diego Anido, parfaits. Évidemment, il faut aussi louer la mise en scène: le cadre galicien garantit une diversité de paysages remarquables, été comme hiver. D'emblée, on comprend que les personnages français sont "lâchés" dans un environnement qu'ils auront du mal à réellement maîtriser. Cela passe par exemple par une image qui tressaute sur une route cahoteuse ou un long plan très obscur pour suggérer un péril nocturne. Un critique a parlé de leçon de cinéma... et c'est en tout cas un plaisir que de voir un travail aussi soigné, au service d'un récit captivant. Mon unique regret ? L'avoir laissé filer au cinéma ! À bon entendeur...
As bestas
Film français et espagnol de Rodrigo Sorogoyen (2022)
(Re)voir aussi El reino et Madre du même auteur est une bonne idée. Quel brio ! Une preuve - parmi d'autres - qu'on peut faire du cinéma ambitieux, sans verser dans l'intellectualisme bobo ou le cliché idiot. Attention toutefois: ce film est aussi d'une dureté peu commune. Chose étonnante: un certain cousinage avec Le mal n'existe pas. Ruralité toxique, diriez-vous ? On en parlait dans Jean de Florette...
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Vous aussi, vous aimeriez aller voir ailleurs ?
Je vous renvoie sans hésiter aux blogs de Pascale et Princécranoir. Celui de Dasola vaut le détour, mais il en dit beaucoup sur l'intrigue...
6 commentaires:
Tu me donnes envie de revoir ce film immense que j'avais élu Film de l'année 2022 je crois. J'étais allée le voir 2 fois car il m'avait hantée à l'époque.
Denis avait à peine 45 ans à la sortie du film mais bon, il peut paraître la cinquantaine et Marina parait moins que ses 50. (Moi j'aimerais pas qu'on me vieillisse de 5 ans :-) ). Il a des scènes exceptionnelles dans ce film et Marina Fois lui emboîte le pas.
Luis Zahera, acteur incroyable, était dans El reino. Et je te recommande vivement l'exceptionnel et palpitant Que dios nos perdones. Un film sous canicule qui coupe de souffle.
C'est vraiment un excellent film et j'ai déjà hâte de voir un nouveau Sorogoyen !
Tu as raison pour l'âge de Denis, mais je note que le personnage est déjà grand-père.
J'ai vu (et chroniqué) "Que Dios nos perdone"... il y a bientôt sept ans.
Tu avais commenté ! Voici le lien: http://1001bobines.blogspot.com/2017/09/madrid-sanglante.html
Pour être complet, je souligne qu'à ce jour, ma préférence va à "El reino" et "As bestas".
J'ai cru que tu ne l'avais pas vu car tu ne le cites pas dans ton ajout.
J'étais grand mère à 49 ans. 4 ans de plus c'est sûr, mais c'est possible si tu as un enfant tôt (24 ans) qui a une poupée tôt (25). :-)
Si, si, je l'ai vu... et il m'avait bien marqué à l'époque. Mais je trouve que les derniers films de sa filmo sont aussi les plus aboutis. C'est une carrière que je veux suivre, en tout cas !
Je confirme pour la justesse de ton calcul: ma propre grand-mère n'avait que 46 ans quand je suis né.
C'est encore à ce jour le seul Sorogoyen que j'ai vu. Mais quelle claque ! Tu m'as bien donné envie de le revoir. Et par la même occasion, de me mettre en chasse des autres.
Bien vu le lien avec "Le Mal n'existe pas". Il y a un côté western en plus dans "As Bestas", tu ne trouves pas ?
Oh oui, je te conseille les autres !
"El reino", notamment, m'avait vraiment scotché... avec une scène finale dont j'espère te reparler un jour !
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