vendredi 25 juin 2021

Une apparition

J'avais promis de reparler de Catherine Frot, non ? Il est grand temps de tenir cet engagement, avec le premier des films vus au cinéma depuis la reprise: Sous les étoiles de Paris. Un long-métrage français écrit - et réalisé - par un cinéaste allemand qui s'est fait connaître avec un documentaire. Et qui m'a semblé ici prolonger sa démarche...

Sous les étoiles de Paris
n'est pas véritablement un film réaliste. Sublimé par une très belle photographie, ce serait plutôt un film ancré dans la réalité, mais aussi une sorte de conte, une fable moderne. Admirable de bout en bout, Catherine Frot est Christine, une SDF solitaire vivant de peu dans un local technique des bords de Seine. Une nuit, c'est là qu'apparaît un enfant migrant, un petit garçon d'origine africaine dont on découvrira plus tard qu'il répond au prénom de Suli. La sans-abri le nourrit, le laisse dormir et, ensuite, le chasse sans ménagement. Oui, mais... le gamin s'accroche à ses basques ! Commence alors une errance dans la capitale pour retrouver sa mère. De deux choses l'une: soit vous acceptez volontiers le caractère vraiment improbable de ce récit et je suppose que vous pourrez alors l'apprécier comme moi, soit vous décrochez d'emblée et tout le film devrait du même coup vous paraître un peu trop beau pour être vrai. Plus qu'un choix à faire, c'est bien à mon avis une posture à adopter. Personnellement, j'ai beaucoup aimé ce que j'ai vu et trouvé ça beau !

Claus Drexel, le réalisateur, explique qu'il s'est inspiré d'une femme réelle pour écrire le personnage de Christine. Si vous avez l'occasion de lire une interview de lui, je vous conseille de le faire: ses propos éclairent son travail et en révèle dès lors toutes les facettes sensibles. Sous les étoiles de Paris est aussi le fruit de longs temps d'observation sur le terrain, parmi les pauvres et avec des exilés. "Détail" (très) important: le gamin qui accompagne Catherine Frot parle peu et à peine français, ce qui le rend touchant ET crédible ! Mahamadou Yaffa est d'origine malienne et connaît le bambara: il a été choisi parmi une centaine de mômes et, à 9 ans, s'est vite imposé dans le jeu, sur le plateau de tournage. Il y apporte une palette d'émotions comme on en ressent finalement assez peu au cinéma. J'ajoute que le film traite son sujet avec une retenue et une dignité louables: il peut être bouleversant, oui, mais n'est jamais larmoyant. Sa grande beauté formelle vient un peu adoucir la violence du propos. Je suis vraiment satisfait de l'avoir choisi pour la séance de "rentrée".

Sous les étoiles de Paris
Film français de Claus Drexel (2020)
Il faut du tact pour parler de la France des très pauvres: le cinéaste allemand n'en manque pas, qui propose une fiction aussi documentée que délicate. Sans doute le meilleur des films que j'ai vus en 2021 ! Intéressés par le sujet ? Je vous conseille Louise Wimmer, un opus méconnu qui a pourtant révélé Corinne Masiero. De mes archives aurait aussi pu remonter Hector, si vous voulez un exemple masculin.

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Et au cas où vous aimeriez un autre regard...
Je vous signale que le film est également chroniqué chez Pascale. Quant à moi, je vais tâcher de voir les documentaires du réalisateur. Celui qu'il a consacré aux sans-abris ? Il s'intitule Au bord du monde.

4 commentaires:

Pascale a dit…

J'ai préféré Au bord du monde.
Le mélange de fiction et réalisme m'ont gênée pour ce sujet.

princecranoir a dit…

Le film ne me tente pas plus que ça mais je trouve le titre très beau.

Martin a dit…

@Pascale:

Moi, j'ai trouvé que ça se combinait bien. Et j'ai beaucoup aimé le travail sur l'image et le son.

Martin a dit…

@Princécranoir:

Dommage de ne pas pouvoir comparer nos points de vue. Mais d'accord avec toi pour ce qui est du titre.