lundi 9 août 2010

Journal d'un enlèvement

Gabriel Garcia Marquez me pardonnerait-il de choisir de reprendre ainsi le titre d'un de ses romans pour une de mes chroniques cinéma ? Je ne sais pas. Le fait est que c'est là ce qui m'est venu après quelques moments de réflexion. Je crois que c'est, au moins partiellement, fidèle au film dont j'ai choisi de vous parler aujourd'hui: Rapt, du Belge Lucas Belvaux. Un long-métrage inspiré d'une histoire vraie, celle du baron Empain. Le démarrage colle pratiquement trait pour trait à la réalité de ce personnage emblématique de la fin des années 70. Résumons: alors qu'il sort tranquillement de son très chic appartement parisien, Stanislas Graff est enlevé par des individus en cagoule. Vite enfermé dans le coffre d'une voiture, il est alors emmené dans ce qu'on peut imaginer être une cave, sans qu'on sache vraiment situer les lieux. Une certitude minime: ses ravisseurs l'ont conduit hors de la ville, loin des regards. Leur motivation reste mystérieuse mais pourrait bien être l'argent, tout simplement, hypothèse d'autant plus crédible que Graff semble en avoir beaucoup et qu'il lui est donc réclamé d'écrire à sa famille pour exiger une rançon de 50 millions d'euros. Les criminels n'hésitent pas non plus à amputer leur victime en lui coupant aussitôt un doigt. De quoi terroriser les proches un peu plus encore.

Rapt démarre très fort, en fait sitôt son personnage principal introduit. Dans les scènes inaugurales, l'homme apparaît d'ailleurs dans toute sa complexité ou même sa duplicité. Graff - et c'est bien ce qui fait l'intérêt même du scénario qui s'articule autour de lui - mène une double vie: capitaine d'industrie, bourgeois marié et père de deux enfants, il a aussi une maîtresse et une passion dévorante pour le jeu. De quoi le rendre un peu moins sympa que le quidam moyen victime d'un mauvais coup. Sans trop vous dévoiler la manière dont tout ça va se développer en argument de scénario, je peux souligner qu'il est assez facile d'imaginer un mobile de crime à tous ceux qui tournent autour du "héros" du film. Pas forcément au point de créer un doute sur tous, mais bien assez pour brouiller les pistes. Oui, c'est un fait: après quelques minutes saisissantes, le thriller initial se fait plus psychologique et l'idée s'impose que la victime, finalement, ne manque pas forcément à grand-monde. Et ce d'autant que personne n'a réellement les moyens de payer le prix de sa liberté. Hasard malheureux ? Complot de plus grande envergure ? Bluff terrible des ravisseurs ? Je ne répondrai pas, car il me faut préserver le suspense. Honnêtement, il y a en tout cas largement de quoi nourrir deux petites heures de (bon) cinéma. Même sur petit écran.

J'insiste sur ce point: sans être extraordinaire et inoubliable, Rapt est un très honnête film de genre et d'auteur. Lucas Belvaux prouve qu'il n'est nul besoin d'être américain et/ou d'envoyer du lourd niveau effets spéciaux pour signer un polar réussi. Bonne, sa mise en scène est à la fois sobre et inspirée, avec de petits détails qui peuvent faire la différence pour faire monter la tension - je pense notamment à une scène où la vie de l'otage se joue pratiquement à pile ou face et où, l'espace d'un instant, on le croit condamné par une crapule évoluant à visage découvert. Pour dire la vérité, le réalisateur doit aussi beaucoup à son acteur principal, Yvan Attal, tout à fait crédible dans ce personnage aux multiples facettes. Celui qui est aussi l'ami de Charlotte Gainsbourg est parfaitement à l'aise dans le costume impeccable de l'homme d'affaires qu'il est censé incarner. Plus maigre d'une bonne quinzaine de kilos, il l'est aussi dans le jogging minable du prisonnier forcé. De manière juste indubitable, il est réellement entré dans le rôle. J'apprécie toujours ces comédiens qui se donnent à fond pour le jeu. Le reste de la distribution s'en sort également avec les honneurs, sans coup d'éclat, certes, mais sans fausse note. Le plus intéressant arrive sans doute à la fin, avec une ouverture dramatique sur ce que pourrait être le retour à la vie d'un homme ayant connu l'enfer de la captivité. Un fil conducteur qui aurait pu être celui d'un film entier, mais qui est assez intelligemment réduit pour un dernier rebondissement. La cerise d'un bien curieux gâteau.

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