jeudi 14 juin 2012

Le vampire malgré lui

Une chronique de Martin

Tim Burton ne me surprend plus. C'est sans doute un peu brutal exprimé ainsi, mais c'est pourtant la vérité: le maître du cinéma gothique me semble tourner en rond. Je n'ai pourtant pas hésité longtemps avant d'aller voir Dark shadows, son dernier opus. L'envie de revoir Johnny Depp cabotiner sous les traits d'un personnage inédit était trop forte. J'ai choisi la VO pour accroître le plaisir. Conclusion: j'ai passé un bon moment. Aucun vrai regret à signaler.

En fait d'originalité, Dark shadows n'est rien d'autre que l'adaptation cinéma d'une série télévisée des années 60-70. L'histoire ? C'est celle de Barnabas Collins, fils d'un marin de Liverpool parti à la conquête de l'Amérique. Enfant d'une famille prospère, le jeune nobliau a aimé une femme à la fin du 18ème siècle. Une autre, sorcière de son état, lui a jeté une malédiction, a poussé sa promise au suicide, l'a transformé en vampire et enfermé deux siècles au fond d'un cercueil. Le long-métrage débute ainsi. Images de Tim Burton, musique signée Danny Elfman, terrain de jeu familier. Une fois Johnny/Barnabas libéré de ses chaînes, le scénario nous transporte jusqu'en 1972. Et c'est là que ça devient drôle, les sombres créatures de la nuit devant s'adapter au temps des yéyés et du flower power. J'aime autant vous dire que, libre de ses mouvements et ayant su résister à la mort, la sorcière y est parfaitement bien parvenue. Cheveux teints en blond, Eva Green est une garce diablement sexy ! De quoi susciter chez le vampire spolié des envies de vengeance...

Si le film a un défaut, c'est peut-être un léger manque d'équilibre. Référence de ces mondes occultes, Tim Burton connaît des difficultés pour passer à autre chose. Son style graphique n'est pas en cause. Dans les décors, costumes et autres accessoires, le réalisateur fait merveille pour composer un univers crédible. Le fait qu'il tourne cette comédie aujourd'hui ajoute du piquant: pour nous, spectateurs de 2012, la décennie 70 a un aspect un peu kitsch, visible à l’écran. Le double travail de reconstitution parodique qu'offre cette version contemporaine de Dark shadows est irréprochable. Dès qu'il s'agit toutefois d'introduire un peu d'insolite, le long-métrage patine légèrement. C'est vrai qu'on s'amuse: outre ceux que j'ai déjà nommés, les comédiens sont convaincants, à commencer d'ailleurs par les deux "anciennes", Michelle Pfeiffer et Helena Bonham Carter. Seulement voilà: malgré une bonne distribution, les personnages secondaires semblent effacés et l'intrigue réduite à quelques scènes d'exposition avant le déchaînement des images. De bonnes idées subsistent et tirent le long-métrage vers le haut de la production actuelle. Ma (toute petite) déception tient à ce que je me suis dit que ça aurait été meilleur avec un rien de noirceur supplémentaire. Agréable surprise, cependant: les quelques allusions... graveleuses !

Dark shadows
Film américain de Tim Burton (2012)
Le réalisateur a fait mieux, le réalisateur a fait pire. J'ai l'intention d'évoquer bientôt Sleepy Hollow, celui de ses films que je préfère parmi ceux que je connais. Je me demande en fait si le cinéaste n'aurait pas intérêt à chercher ailleurs la touche fantastique qui fait la particularité de son cinéma. Après tout, il y était plutôt bien arrivé avec Big fish. J'attends maintenant sa deuxième création de 2012. Frankenweenie prolongera un court-métrage de 1984 et, soutenu par l'imagerie habituelle, marquera son retour au cinéma d'animation.

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Un petit contrepoint critique ?
Si ça vous tente, vous pouvez aller lire "Sur la route du cinéma". Autre point de vue: celui de "L'impossible blog ciné", très négatif.

1 commentaire:

David T a dit…

Effectivement on est loin de partager le même avis sur ce film, Martin. Quand je lis que tu écris que "Dark Shadows" se situe dans le haut de la production actuelle, j'ai envie de m'arracher les cheveux ;)