samedi 13 mars 2021

Un joyeux ennui

Jean-Paul Rappeneau, grand cinéaste discret, approche gentiment d'un très bel âge: on fêtera ses 89 ans le 8 du mois d'avril prochain. J'ai découvert récemment son tout premier long-métrage: emporté par le duo Catherine Deneuve / Philippe Noiret, La vie de château reste comme l'une des premières comédies à évoquer la Guerre de 40.

Récemment mariée avec un châtelain mollasson, Marie s'ennuie ferme entre les murs de sa propriété normande. Qu'un inconnu y soit entré pour dérober quelques malheureuses poires et pommes l'indiffère. Jérôme, lui, aimerait que sa femme partage son courroux fruitier. Entre résistants parachutés et occupants allemands, les tourtereaux supposés sont-ils vraiment faits pour s'entendre ? Si Madame Bovary avait été une pochade, Flaubert aurait peut-être donné la réponse. Heureusement, en dépit de quelques similitudes, La vie de château s'écarte sensiblement de son "modèle" tragique: la complémentarité souriante des deux acteurs principaux est un vrai délice à sa-vou-rer !
 
Il est des réalisateurs qui m'émeuvent grâce à une succession de plans fixes. Jean-Paul Rappeneau, pour sa part, séduit par le mouvement. Oui, La vie de château est un film qui bouge beaucoup, mais jamais pour masquer une faiblesse scénaristique ou une direction d'acteurs peu inspirée. J'ai trouvé que le fond et la forme se répondaient idéalement, sublimés encore par un beau noir et blanc (restauré HD). En son temps, ce long-métrage obtint le Prix Louis-Delluc, présenté parfois comme le Goncourt du cinéma, et resta une année entière dans certaines salles. Bien que d'un autre temps, il n'a pas vieilli. C'est même le contraire: sa joyeuseté m'apparaît comme un bonbon face à l'amertume de notre époque tourmentée par ce satané virus. Avant la réouverture des salles, il vaut donc très largement le détour !

La vie de château
Film français de Jean-Paul Rappeneau (1966)
Une fantaisie, oui, mais une fantaisie douce, agréable à regarder. L'insouciance berce cette histoire... aux rebondissements bienvenus. D'autres l'ont dit: toute ressemblance avec les screwball comedies US n'est pas nécessairement fortuite. Le débit de certains dialogues s'accélère, ainsi que le rythme, comme jadis dans New York - Miami, L'impossible Monsieur Bébé et La huitième femme de Barbe Bleue !

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Vous souhaiteriez voir le film à travers un autre regard ?

Strum et Lui l'aiment aussi. Vincent le place en must de l'année 1966 ! J'espère, quant à moi, pouvoir recueillir un (ou des) avis féminin(s)...

4 commentaires:

Pascale a dit…

Ce film est une sucrerie et tu as raison le cinéma de Rappenaud est énergique et en mouvement.
J'ADORE le débit et la voix de Catherine ici survoltée face au placide Philippe Noiret.
J'adore aussi quand le talent comique de Catherine est si bien exploité.

Martin a dit…

Oui, Catherine et Jean-Paul se sont bien trouvés. Et Philippe avec eux !
Le talent comique de la Deneuve me semble évident, mais elle le montre assez peu souvent.

Strum a dit…

Un de mes Rappeneau préférés ! Et chez lui en effet, le mouvement de la forme révèle le sujet. Les bons films ne vieillissent pas, bien au contraire. Merci pour le lien Martin.

Martin a dit…

Pas d'quoi ! J'ai un autre Rappeneau dans le viseur, dont je reparlerai d'ici quelques semaines.