mercredi 25 mars 2020

Attendre la fin

Un avertissement...
Le film que la liste de mes découvertes m'amène à vous présenter aujourd'hui parle de la mort, et ce de manière assez explicite. Prudence: il pourrait heurter la sensibilité de certain(e)s d'entre vous.

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Le saviez-vous ? Les cinq premières éditions du Festival de Cannes avaient un écrivain pour président du jury. C'est de nouveau arrivé plusieurs fois par la suite - la dernière en 1983, avec William Styron. Aujourd'hui, je vais vous présenter le film qui obtint la Palme d'or cette année-là: La ballade de Narayama (du grand Shôhei Imamura) !

Avis aux curieux: ce long-métrage est en fait la seconde adaptation d'une nouvelle de Shichiro Fukazawa (la première remonte à 1958). Dans le Japon rural de la moitié du 19ème siècle, quelques familles vivent chichement, au rythme des saisons. L'implacable coutume veut que, lorsqu'ils atteignent l'âge de 70 ans, les anciens soient conduits dans la montagne, pour y être purement et simplement abandonnés ! Orin, la matriarche de l'un des clans, se prépare ainsi à l'inéluctable. Elle va même jusqu'à se casser les dents pour convaincre son fils aîné, Tatsuhei, de respecter la tradition ! Je vous laisserai découvrir seuls cette vieille dame déterminée, à la douceur un rien trompeuse. Filmé au coeur d'un sublime cadre naturel, La ballade de Narayama devrait surprendre bien des Occidentaux, conduits en terra incognita. C'est sa force et peut-être sa limite: les cinéphiles les plus "casaniers" risquent d'être un peu perdus. Mais ce n'est pas toujours déplaisant...

Pour être franc, je m'attendais à autre chose: j'avais entendu parler de cette pratique d'abandon des vieillards et pensais que le scénario s'appesantirait sur le sujet. Pas du tout: je ne vais pas vous raconter tout ce qui se passe en détail, mais le film reste longtemps au village. Comme le souligne à juste titre Wikipédia, il montre ainsi qu'Orin "met de l'ordre dans les affaires de sa famille". Du coup, les scènes s'enchaînent et l'émotion va crescendo, à l'image du parcours de vie d'une héroïne complexe. Au fait de sa responsabilité, Orin est capable parfois de l'assumer avec une grande froideur (un euphémisme...). Tout au long du métrage, La ballade de Narayama dresse un parallèle entre des communautés humaines "primitives" et leur environnement immédiat, comme pour rappeler que nous sommes tous des animaux soumis à de vagues instincts et au bon vouloir de forces supérieures. En cela, le propos est moderne et fait oublier que l'auteur de l'oeuvre originelle jugeait le film pornographique ! Quelques scènes hardcore peuvent certes justifier ce qualificatif dépréciateur. À vous de voir...

La ballade de Narayama
Film japonais de Shôhei Imamura (1983)

Ma quatrième rencontre avec le cinéaste ne sera pas ma préférée. Cela dit, le film lui a donc valu une Palme d'or, une belle consécration qu'il connaîtra d'ailleurs une seconde fois en 1997 (avec L'anguille). La ballade de Narayama évoque plutôt Profonds désirs des dieux. Pour le cadre naturel, je recommanderais aussi La forêt de Mogari dans un contexte contemporain. On y parle également du grand âge...

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Pour finir, je vous conseille une lecture...
Si vous n'avez pas le texte originel, il vous restera "L'oeil sur l'écran".

2 commentaires:

Pascale a dit…

Vu il y a une éternité. Je crois que comme toi je suis mitigée.

Martin a dit…

Shôhei Imamura me fait l'effet d'un réalisateur atypique, à vrai dire.
Il a vraiment un style particulier, différent de celui des autres cinéastes japonais que je connais.