mercredi 12 octobre 2016

Cette autre Amérique

Jeff Nichols n'avait pas encore trente ans quand Shotgun stories apparut sur les écrans. Il faut saluer la Berlinale: c'est au festival allemand que le cinéaste américain doit sa première projection publique. Si je voulais le voir, bientôt dix ans après, c'est que j'étais intéressé à l'idée de juger des débuts de ce réalisateur prometteur...

Premier constat: je n'ai pas été déçu. Shotgun stories porte en lui une certaine idée du cinéma américain, à laquelle je suis sensible. Logiquement, vu le titre (Histoires de fusil, en français), on peut s'attendre à quelque chose de violent. Ce que Nichols nous propose tient cette promesse, mais pas seulement: certes, ici, deux familles s'opposent et se menacent l'une l'autre, mais les coups échangés restent relativement peu nombreux et, s'il coule bel et bien, le sang reste tout à fait invisible. Notez que, même si leur père a abandonné leur mère pour fonder une autre famille, on ne sait pas vraiment pourquoi Son, Kid et Boy Hayes haïssent à ce point leurs demi-frères. En fait, je me suis même demandé si c'était bien... le sujet du film ! Ses allures de western moderne sont assez trompeuses, à vrai dire...

Ouais... même s'il filme quelques gros flingues et des hommes visiblement décidés à s'en servir, Jeff Nichols pose d'abord son regard sur le cadre de cette histoire: l'Amérique pauvre. Que ce premier film soit aussi le plus épuré de tous ceux qu'il a réalisés n'affaiblit en rien son propos, au contraire: de l'Arkansas, la terre où il est né, l'artiste fait presque un personnage à part entière, nous embarquant ainsi dans un voyage qu'on ne fait que trop rarement par écran interposé. Personnellement, c'est quelque chose que j'apprécie beaucoup. Ensuite, peu m'importe de ne pas croiser de star: c'est même mieux. Seul visage connu des environs: celui de Michael Shannon, comédien fidèle, s'il en est, à l'homme derrière la caméra. Shotgun stories séduit par sa totale absence de fioritures. Bien content de l'avoir vu !

Shotgun stories
Film américain de Jeff Nichols (2007)

Voilà... il me restera Take shelter et j'aurai vu l'intégralité des films de ce réalisateur (j'ai presque hâte !). Vous me direz que d'autres montrent également l'Amérique des petites gens et vous aurez raison. Pour sortir quelque peu des sentiers battus, j'attire votre attention sur deux films sortis en 2011, Summertime et Putty Hill, et souligne que ces fictions ont toutes deux une allure proche du documentaire...

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Une dernière précision...

Jeff Nichols cite Terrence Malick, John Ford et le photographe américain Joel Sternfeld parmi ses maîtres. D'autre avis sur le film d'aujourd'hui sont publiés sur "L'oeil sur l'écran" et chez Princécranoir

4 commentaires:

tinalakiller a dit…

Le film n'est pas parfait mais on sent tout le talent et l'énergie du formidable Jeff Nichols ! :)

Martin a dit…

J'étais presque sûr que tu allais réagir à cette chronique, Tina !
Le film est imparfait, oui. Mais pour un premier film, c'est quand même au-dessus du lot.

princécranoir a dit…

Une vision de l'Amérique profonde par un cinéaste surdoué. Il porte en germe tout ce qui resplendit dans "Mud" et dans "Midnight special".

Martin a dit…

J'aime beaucoup ta seconde phrase, cher Princécranoir. Je ne l'aurais pas mieux exprimé. Je vais continuer de suivre Jeff Nichols de près, pour sûr.