mercredi 4 novembre 2015

Retour à la vie

Je l'ai déjà dit, non ? L'expression "J'y suis allé les yeux fermés" m'apparaît bien difficilement applicable au cinéma - et pour cause ! Blague à part, il m'arrive parfois de choisir un film sans en savoir grand-chose. Ç'a été le cas il y a peu pour L'odeur de la mandarine. Je n'avais que deux éléments concrets: Olivier Gourmet dans le rôle principal et l'année 1919 comme contexte. Et je m'en suis contenté...

Il s'est aussitôt avéré que je m'étais un peu trompé pour le calendrier. La Première guerre mondiale n'est pas terminée quand le film commence. Elle l'est tout au plus pour Charles de Rochecline, officier de cavalerie gravement blessé sur le front et amputé de la jambe droite. Les images se concentrent d'abord sur un duo féminin, mère et fille, Angèle, sa future infirmière, et Louise, petite orpheline. D'emblée, les deux adultes s'entendent à merveille. Vous voyez venir la suite ? Détrompez-vous ! L'odeur de la mandarine est autre chose que le récit d'une double et réciproque reconstruction sentimentale. Unis autour de la figure du cheval, Angèle et Charles s'aimeront probablement, mais à leur façon, plutôt moderne pour leur époque. C'est puissant et c'est beau, assez charnel aussi, pathétique parfois. Difficile alors d'écarter l'idée que je me fais de mes grands-parents paternels, qui, en effet, avaient peu ou prou l'âge des personnages...

Pas question de tout dévoiler: j'ajoute simplement qu'au moment même où le récit semble sombrer dans la routine, un autre homme survient qui le relance et l'embarque sur une autre voie, surprenante elle aussi. Un mot désormais sur les acteurs. Olivier Gourmet ? RAS. J'ai retrouvé le Belge tel que je l'apprécie, voix grave et émotions portées à fleur de peau. Georgia Scalliet est à la fois une découverte et une révélation: d'une beauté lumineuse, elle qui est créditée comme sociétaire de la Comédie française est des plus convaincantes dans cette première au cinéma. Léonard, l'autre homme, est joué avec justesse par Dimitri Storoge, méconnaissable sous ses cheveux coupés ras et tête de pont d'une distribution secondaire convaincante. Derrière ce remarquable titre inexpliqué, L'odeur de la mandarine offre une reconstitution d'époque soignée, dans un décor naturel particulièrement évocateur. Certains d'entre vous pourraient déplorer que le film s'enlise parfois dans ce qu'il a de plus cru, là où d'autres regretteront son académisme formel. Euh... pas moi: ce style m'a plu.

L'odeur de la mandarine
Film français de Gilles Legrand (2015)

L'irruption soudaine de soldats au milieu de ce cadre campagnard jusqu'alors préservé des conflits rappelle la précarité des situations. Tout se joue sur un fil: c'est la grande qualité (cachée) du scénario. Pour une vision plus directe de la guerre, les propositions de cinéma ne manquent pas. Je vous recommande tout particulièrement un film déjà ancien pour envisager ses conséquences: La vie et rien d'autre.

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Nous ne sommes pas nombreux à l'avoir vu...
Je note toutefois que, comme moi, Pascale a plutôt apprécié le film.

6 commentaires:

Pascale a dit…

rrro oui quel beau film. Et tellement drôle la plupart du temps. Une surprise incroyable. Et cette actrice.... pfiououou !

2flicsamiami a dit…

L'odeur de la mandarine semble donc t'avoir porté tout au long de ce film qui semble, en outre, posséder le goût des œuvres de concours (sa très bonne presse l'aidera sans doute à pénétrer dans les paddocks de la prochaine cérémonie des Césars).

Martin a dit…

@Pascale:

C'est vrai que le film m'a réellement surpris sur un certain nombre de points, et d'abord sur le ton adopté. Olivier Gourmet est toujours un régal à mes yeux et j'espère avoir d'autres occasions d'apprécier Georgia Scalliet.

Après, la thématique "Première guerre mondiale", ça titille toujours ma curiosité.

Martin a dit…

@2flics:

Oui, on peut l'exprimer ainsi. Cela dit, je ne suis pas sûr que la bonne presse suffise pour embarquer le film vers un (ou plusieurs) César. Il est de toute façon un peu tôt pour faire des pronostics sur les futures statuettes. À suivre, toutefois, et avec un grand intérêt, pour ma part.

princécranoir a dit…

Comme pour toi, c'est le bruit des canons de la Grande Guerre qui a poussé ma curiosité dans l'écurie de monsieur Legrand. Hélas, passé un début prometteur (une vieille France incapable de retrouver prise sur une féminité émancipée avec une Scalliet formidable), j'ai trouvé ça consternant et lourdingue (du genre "tu la sens bien ma métaphore à gros sabots"). Savoir que le scénariste de Jeunet est aussi derrière tout ça m'a du coup bien moins étonné. Je crois que le titre fait référence au canasson aussi boiteux que le film (allusion quand tu nous tiens).

Martin a dit…

"Consternant et lourdingue" ? Bigre ! Je te trouve bien sévère, sur ce coup-là, l'ami ! Tu n'as pas complétement tort, toutefois: la métaphore chevaline est parfois un peu trop appuyée. J'ai aimé l'audace de ce film, mais c'est vrai que cette outrance le dessert parfois.

Quant au titre, j'ai lu récemment une interview de Gilles Legrand, qui soulignait que l'explication se trouvait dans une scène... coupée au montage. "J'ai gardé le titre, parce qu'il me plaisait bien", ajoutait-il en substance.