jeudi 3 novembre 2011

Style d'hier, plaisir d'aujourd'hui

Une chronique de Martin

Il y a des films qu'on va voir selon l'inspiration du moment. D'autres qu'on découvre par hasard. D'autres encore dont on entend parler longtemps à l'avance, qu'on attend et dont on ose à peine espérer qu'ils ne nous décevront pas. Je classerais pour ma part The artist dans la troisième catégorie. C'est même avant sa présentation officielle au cours du dernier Festival de Cannes que j'ai eu envie d'aller voir le nouveau long-métrage de Michel Hazanavicius. Pensez ! Tourner un film muet en noir et blanc, de nos jours, ça ne pouvait que susciter ma curiosité. Et du coup, forcément, aiguiser mon envie.

Onze jours. J'ai attendu onze jours de plus après la sortie en salles. Impatient certes, mais surtout déterminé à ne pas le louper, et donc finalement prêt à attendre quelques jours encore pour aller le voir entre potes - ce qui fut fait. Un petit rappel pour celles et ceux d'entre vous qui seraient passés à côté du sujet, parce qu'il y en a sûrement: le film débute en 1927 et a pour héros George Valentine, star du cinéma muet à Hollywood. Adulé, le comédien ne se rend pas compte de son nombrilisme forcené et du désamour de sa femme. Quand il rencontre Peppy Miller, sa routine est vite bouleversée et, sans le chercher vraiment, il tombe éperdument amoureux. Un coup de foudre hollywoodien, qui entraîne la jeune femme dans son sillage et, contre toute attente, ouvre grand la porte au déclin de l'acteur. Car, non contente d'être jolie comme un coeur, la demoiselle rêve elle aussi de cinéma et, d'abord figurante, négocie de manière parfaite le grand tournant du parlant. Elle devient la vedette incontournable et le pauvre George se retrouve ruiné, avec son chien pour seul ami. The artist cache mal son aspect mélancolique.

Je rassure ceux qui en douteraient à la lecture de ce résumé: le film reste d'un optimisme à toute épreuve. Je n'ai pas envie d'en dire plus long sur ce qu'il raconte. Je crois même en avoir déjà trop dit. Constat personnel, maintenant: The artist est un film qui m'a fait sourire tout au long de la projection. C'est un chamallow cinématographique, un monument de tendresse, une collection complète de bons sentiments. Certains trouveront ça gnan-gnan, oui. Une bonne partie des critiques (négatives) que j'ai lues dénonce l'extrême prévisibilité de son scénario. C'est vrai: il n'y a pas franchement ici de grande surprise. Si je qualifie alors l'histoire racontée de positive, si je dis qu'elle fait du bien, je suggère franchement tout ce que je n'ai pas dit plus haut. Ce serait occulter ce que vous montre les photos: le long-métrage n'apporte pas uniquement le rire - ou bien même le sourire. Il offre aussi l'émotion, la délicatesse d'une histoire simple et qui, d'un coup de baguette magique, peut parvenir à nous évader au milieu d'un quotidien exagérément grisâtre. C'est à mon sens la grande réussite du projet de Michel Hazanavicius: montrer la vie en couleurs alors qu'à l'écran, il n'y a que du noir, du blanc et du gris. Et pour ça, je dis chapeau !

Comparer ce film avec les muets d'époque ? La démarche me paraît vaine. Elle est également difficile pour moi qui dois avouer un déficit de références historiques en la matière. J'ai lu aussi que les oeuvres muettes des années 20 et 30 étaient souvent bien plus complexes malgré l'absence de paroles. J'ai envie de dire: et alors ? The artist est sans doute un hommage au cinéma de cette époque, mais c'est aussi, je crois, un hommage au cinéma tout court. Un réalisateur s'est pris au jeu de raconter une (belle) histoire avec d'autres moyens que le dernier cri de la technologie: je trouve cette démarche admirable. Le résultat n'est peut-être pas parfait, il y a même probablement une kyrielle d'autres longs-métrages bien plus aboutis que celui-là, mais là encore, je dirais: et alors ? J'ai, moi, apprécié un vrai bon moment devant cette histoire d'amour. La technique adoptée ne m'a pas semblé un gadget: elle m'a procuré un surcroît d'émotion. En couleurs et avec des paroles, je suis pratiquement sûr que le film m'aurait paru moins beau, moins puissant. Là, j'ai trouvé le plaisir pris par les acteurs communicatif. Un petit mot sur eux avant de conclure: pour ne parler que des deux principaux, je dirais que Jean Dujardin s'en donne à coeur joie dans un rôle de cabot sentimental qui lui va à merveille et que Bérénice Béjo pétille tellement qu'elle s'accroche à nos mirettes de manière irrésistible. Maintenant, je préfère me taire, avant d'avoir tout dit. Il reste quelques petites surprises: je vous laisse le bonheur de les découvrir.

The artist
Film français de Michel Hazanavicius (2011)
C'est fou: même Les lumières de la ville du grand Charles Chaplin n'est pas sur ce blog. Dans ma page dédiée au cinéma muet, il n'y a pour l'heure de la place que pour Tabou. Impossible, vous disais-je, de comparer: j'ai juste l'impression, de par ma minuscule expérience en la matière, que les vieux films sans parole étaient généralement plus axés sur le mélodrame. Laissez-moi en voir d'autres, histoire d'en reparler un peu plus sciemment. Et voyez celui-là en attendant !

1 commentaire:

Léo a dit…

j'ai trouvé ce film très agréable, il m'a plu effectivement. Mais après réflexion, il ne méritait pas tous cet abattage. Hazanavicius nous a déjà montré qu'il avait une culture cinématographique importante (La classe américaine, les OSS 117) C'était évident qu'il y aurait donc plein de clin d’œils à des films traitant du même sujet (Sunset Boulevard, Chantons sous la pluie) Je m'attendais à un peu plus, un peu mieux. Que ce soit de la part des acteurs qui ont été bons mais à des kilomètres de ce qui pouvait se faire dans les années 30, et de plus Bérénice Béjo n'a pas du tout le type de ces années. Ce qui m'a beaucoup embêté pendant tout le film. (Je ne nie pas qu'elle est une bonne actrice !!) Bref, un film agréable mais c'est tout.