mardi 8 novembre 2011

Il était une fois en Chine

Une chronique de Martin

À ce jour, il demeure le seul film chinois à avoir obtenu la Palme d'or. Adieu ma concubine est une oeuvre superbe que j'ai revue il y a peu avec beaucoup de plaisir. Un plaisir difficile, car le long-métrage, signé Chen Kaige, est un mélodrame poignant, sur la rude destinée de deux artistes de l'Opéra de Pékin, enfants enlevés à leurs familles devenus partenaires de scène au prix d'énormes privations. Le titre du film est aussi celui de la pièce qu'ils devront jouer toute leur vie, tragique, à l'image finalement de leur propre existence. Au cinéma, la fresque dure plus de deux heures et demie: une occasion incroyable de se souvenir de la grande histoire de la Chine elle-même.

Car, au-delà du portrait de Douzi et Shitou, c'est celui de son pays que dresse Chen Kaige. Né en 1952, débutant après les années meurtrières de la Révolution culturelle, le réalisateur a dû s'opposer aux censeurs avec ce très large panorama de la Chine contemporaine. Son oeuvre n'est pas politique, mais ce qu'il montre des soubresauts de l'histoire du peuple chinois impose aussitôt l'image d'une société de castes et d'une instabilité généralisée, longue d'un demi-siècle. Pas besoin de tout savoir de ce contexte pour apprécier Adieu ma concubine: on l'apprécie certes davantage, mais on comprend facilement que, qu'importe le régime, les artistes doivent servir la cause du pouvoir. Et c'est bien sûr insupportable pour ceux qui, au fond, n'aimeraient jouer qu'au service de l'art.

La vraie beauté du film tient à ce qu'il délivre ce message à hauteur d'homme. D'aucuns y voient aussi une défense de l'homosexualité. C'est vrai: la relation particulière qui lie Douzi et Shitou unit effectivement deux hommes. Sur la scène, quand la concubine comprend qu'elle va perdre son roi, elle saisit une épée et se tranche la gorge. En coulisses, quand Shitou se marie, Douzi se montre plus que jaloux, comme meurtri dans sa chair. Adieu ma concubine peut aussi être vu sous le prisme d'un impossible ménage à trois. Je crois toutefois Chen Kaige bien plus subtil: l'idée d'une relation amoureuse entre garçons n'est que suggérée, jamais affirmée. Si déclaration d'amour il y a, c'est essentiellement, je crois, à la beauté du théâtre. Et à la difficulté d'être comédien, en harmonie avec les autres.

Adieu ma concubine
Film chinois de Chen Kaige (1993)
Après avoir donc revu le film, j'ai ressenti une très forte admiration devant tous les petits acteurs de la première heure. Les gamins jouent de manière particulièrement convaincante des situations dramatiques, portées par un texte âpre, pas si facile à interpréter pour des enfants. Formidable distribution, excellente direction. C'est la constance de ce film magnifique, les adultes étant eux-mêmes parfaitement investis, à l'image du trio principal, Leslie Cheung, Zhang Fengyi et Gong Li. Les thématiques ne se ressemblent pas, mais si je devais comparer cette oeuvre avec une autre, je citerais Une séparation, le grand succès venu d'Iran en cette année 2011. Autre vision des difficultés de la vie quotidienne sous la dictature.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Ta chronique me donne envie de voir ce film. :-)