Une chronique de Martin
Le pari était risqué. En choisissant de redessiner à l'écran le travail quotidien d'un cabinet ministériel, Pierre Schoeller n'a pas choisi l'option la plus simple. Il aurait pu signer une oeuvre démagogique, brossant le citoyen ordinaire dans le sens du poil sur l'air éternel du "Tous pourris". Il aurait également pu s'écarter de l'opinion publique et proposer un pensum autour des failles de la démocratie.
L'exercice de l'État évite ces deux pièges avec brio. Sans doute parce qu'au-delà du pouvoir central, il dresse avant tout le portrait d'un homme, Bertrand Saint-Jean, ci-devant ministre des Transports d'un gouvernement français, jamais nommé et tout à fait imaginaire.
L'exercice de l'État évite ces deux pièges avec brio. Sans doute parce qu'au-delà du pouvoir central, il dresse avant tout le portrait d'un homme, Bertrand Saint-Jean, ci-devant ministre des Transports d'un gouvernement français, jamais nommé et tout à fait imaginaire.
Homme de gauche ? Homme de droite ? Ces mots-là restent tus. L'exercice de l'État ne s'intéresse pas aux courants idéologiques. L'étude de la sphère publique se situe à un triple niveau, si j'ai bien analysé: celui de l'engagement, celui de l'action et celui de la parole. Intelligemment, le réalisateur et scénariste nous donne à comprendre que chacun a ses propres raisons de s'engager et que l'action, souhaitable ou indispensable parfois, n'est pas toujours possible. Vient alors la parole, le discours: l'homme politique ne dit pas toujours ce qu'il pense, mais le film montre bien que ce n'est pas toujours par calcul ou malhonnêteté intellectuelle. Et qu'au sommet de la nation, les pires adversaires peuvent venir du même camp.
Si quelques scènes m'ont paru un peu longues, la démonstration s'avère efficace sur la durée. Il faut rendre ici un hommage appuyé aux acteurs. Aux côtés d'Olivier Gourmet, remarquable, j'ai noté d'abord un immense Michel Blanc, directeur de cabinet et travailleur de l'ombre bien mal récompensé de sa totale implication. J'ai apprécié aussi Zabou Breitman, dans le ton pour le rôle de l'attachée de presse du ministre, et Sylvain Deblé, nouveau venu au cinéma, très convaincant comme chômeur devenu stagiaire et chauffeur. L'exercice de l'État n'est pas un divertissement, mais c'est un film plein de vérités et d'échos à la France d'aujourd'hui. Le fait qu'il soit également une fiction ajoute encore à la pertinence de son propos.
Film français de Pierre Schoeller (2011)
Je ne peux pas ne pas le relever: une partie de l'équipe de production est de nationalité belge. Parmi tous ceux qui ont pris une part active dans l'aventure, on retrouve notamment les frères Dardenne. Est-ce ce qui apporte un recul au film ? Peut-être. J'ai vu trop peu d'oeuvres comparables pour en être sûr. Je suis par exemple (volontairement) passé à côté de La conquête, l'un des films-événements à Cannes cette année, axé sur la dernière campagne présidentielle en France et l'irrésistible ascension de Nicolas Sarkozy. Là, si j'en crois certaines critiques, le scénario était trop connu pour être séduisant.
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