mercredi 13 juillet 2022

Innocente ?

Park Chan-wook fut, je crois, le premier cinéaste coréen récompensé au Festival de Cannes. Je me souviens avoir présenté l'un de ses films à une petite centaine de spectateurs, dans la salle d'un cinéma niçois. De retour sur la Croisette en mai avec son nouvel opus, il a décroché un autre trophée: le Prix de la mise en scène. Ah, il ne l'a pas usurpé !

Bien qu'assez complexe, Decision to leave est vraiment accrocheur. Pourquoi ce titre ? Il me semble que la nature de ce "choix de partir" est révélée à la fin du métrage, sur une plage, au coucher du soleil. Avant cela, nous sommes embarqués dans une histoire alambiquée ouverte par la mort d'un homme, tombé du sommet qu'il escaladait. Accident ? Suicide ? Meurtre ? Le flic en charge de l'enquête hésite. Problème: il est troublé par la veuve de la victime, une suspecte d'origine chinoise si jolie qu'il a très envie... de la croire innocente. Surprise: au moment de la cuisiner en interrogatoire, il lui offre même un plateau de sushis commandé chez un grand chef de la ville. Autant dire que nous aussi, spectateurs, devons rester concentrés pour comprendre ce qui se passe exactement ! Et c'en est fascinant...

Les plans s'enchaînent et nous offrent très régulièrement des images d'une grande qualité. Que Park Chan-wook cite Hitchcock comme celui qui lui a donné envie de faire du cinéma ne m'étonne pas, aux vues de la remarquable adéquation entre ce qu'il montre et ce qu'il raconte. Je ne suis par ailleurs pas vraiment sûr d'avoir tout bien compris. Qu'à cela ne tienne: j'ai pris un grand plaisir devant ce spectacle XXL. Soyez prévenus: Decision to leave mélange allégrement les genres. J'ose dire que ce n'est pas un film très accessible. Certains critiques ont parlé d'un jeu de piste ou d'un polar machiavélique: c'est juste dans les deux cas, dirais-je, même si j'ai encore bien peu de recul. Pour l'anecdote et parce que cela n'arrive pas souvent, je vous avoue qu'avant même la fin de la projection, je me disais déjà qu'il faudrait que je revoie le film pour être sûr de l'évoquer de façon pertinente. Bref, si je convaincs au moins quelqu'un de s'y frotter, ce sera bien. Info: seuls six films sud-coréens ont pu dépasser les 200.000 entrées dans les salles françaises. Le chemin du vrai succès est encore long...

Decision to leave
Film sud-coréen de Park Chan-wook (2022)

Je me répète: une oeuvre difficile à appréhender, oui, mais qui vaut largement qu'on s'y intéresse pour valoriser un septième art exigeant. Dans mon index "Cinéma du monde", d'autres exemples de bons films coréens sont cités - dont un excellent thriller: Memories of murder. En Chine, j'ai aimé Black coal, Une pluie sans fin... et dans un tour d'Asie, Shokuzai, pour le Japon, est une autre étape que je conseille !

----------
Et ailleurs sur la grande toile...

Vous pouvez déjà noter que Pascale est encore plus emballée que moi. J'ajoute - en "léger" différé - l'analyse enthousiaste de Princécranoir.

10 commentaires:

princecranoir a dit…

Nous sommes synchro cette fois Martin !
Comme toi, j'ai beaucoup aimé ce jeu de piste admirablement et intelligemment mis en scène. Aucune "decision to leave" en cours de projection en ce qui me concerne. Bien au contraire, je n'ai pas vu passer les deux heures vingt. J'ai adoré le personnage "fuyant de "Sore", qui a quitté son pays, qui "quitte aussi ses maris, avant de... Et une belle histoire d'amour à la poursuite de tout cela. Très beau.

Jourdan a dit…

J’avais bien aimé Mother,film coréen de Bong joon Ho.
L’histoire d’une mère qui tente d’innocenter son fils handicapé mental envers et contre tout.Poignant.
J’avais vu certains que vous citez à la fin.
Je note ”décision to leave”.

Pascale a dit…

Le réalisateur nous perd autant que son pauvre enquêteur dont les cernes s'épaississent au fur et à mesure de l'enquête. J'espère qu'en le revoyant je serai autant bouleversée par la scène finale tellement belle.

Martin a dit…

@Princécranoir:

Yes, we are ! C'est pourquoi je me fais une joie d'ajouter un lien vers ta chronique.
C'est vrai que ce film est si beau qu'il en paraît presque atypique dans la film de Park Chan-wook.

En sortant, je n'avais qu'une pensée: vivement le prochain !

Martin a dit…

@Jourdan:

J'ai laissé passer ma dernière occasion de voir "Mother"... mais je n'y ai pas renoncé.
Bong Joon-ho est à l'évidence l'autre grand réalisateur coréen du moment. Je les aime tous les deux.

"Memories of murder" reste à mes yeux l'un des polars les plus efficaces de ces dernières années.

Martin a dit…

@Pascale:

Oui, nous sommes perdus, mais cela nous permet d'entrer en empathie avec le pauvre Hae-joon.
Effectivement, la scène de fin est splendide (et si inattendue à mes yeux). Sur grand écran: whaouh !

Benjamin a dit…

Si le glauque d'une affaire policière ne vous effraie pas, Memories of murder est en effet le film coréen à voir. Complexe et superbe. Mais, à mes yeux, les films de Bong Joon-ho ont une autre sensibilité que ceux de Park Chan-wook. Quoique, voir de ce dernier JSA, moins baroque et torturé que ce qu'il a fait ensuite. Quant à Decision to leave, le film n'est pas passé par chez moi, c'est dommage.

Martin a dit…

Ah oui, quel film, ce "Memories of murder" ! Implacable, je dirais !

Je suis d'accord avec toi pour dire que Bong et Park n'ont pas la même sensibilité.
Dans ces conditions, la question se pose: lequel choisir ? Ma réponse personnelle: les deux !

"Joint Security Area" ne m'avait pas tellement convaincu. Il manquait ce baroque...
J'espère que tu auras l'occasion de voir "Decision to leave". Ma préférence reste "Mademoiselle" (pour des raisons en partie personnelles liées à mes activités cinéphiliques) et il faudrait que je revoie "Old boy".

Benjamin a dit…

De mon côté, je suis plutôt Bong ! :) Mais vrai que Old boy m'avait scotché.

Martin a dit…

Je n'ai pas fait de top avec les films coréens que j'ai vus.
Notre échange me donne l'envie d'en faire un pour la prochaine fois.

A priori, Park aurait le numéro 1, mais Bong aurait peut-être davantage de films classés. Note que j'ai aussi de bons souvenirs avec Lee Chang-dong ("Burning" et "Poetry"). J'y reviendrai !