Elle était en sommeil: mon envie de mieux connaître le patrimoine cinématographique italien s'est réveillée soudain avec une occasion de découvrir Rocco et ses frères. Je n'en savais pas grand-chose d'autre que la présence d'Alain Delon (24-25 ans !) en tête d'affiche. J'avais toutefois confiance en Luchino Visconti, maestro réalisateur...
Rocco et ses frères raconte l'histoire d'une famille du sud de l'Italie. Quand le récit commence, le père est mort et, poussés par la misère sociale, la mère et quatre des fils arrivent à Milan, cette ville où l'aîné de la fratrie - Vincenzo - vit déjà avec sa fiancée. Ce déracinement commence assez mal pour les "sudistes", la grande ville du Nord n'étant pas franchement accueillante et partageuse de ses emplois. L'ensemble du film va alors être découpé en cinq chapitres symboliques, orienté chacun sur un frère différent, dans l'ordre décroissant des âges. Une précision: deux de ces protagonistes masculins sont vraiment essentiels pour l'avancée du récit lui-même. Disons que leurs caractères les conduiront assez vite à s'opposer. Comme d'habitude, je vais laisser de nombreux éléments de scénario dans l'ombre: le film est riche, de fait, et dure presque trois heures. Plus qu'au sujet, d'aucuns s'intéressent d'abord au reflet qui est donné de la situation de nombreux Italiens, partis de leur campagne natale sans jamais trouver de quoi subsister dans le nouveau cadre urbain...
Pour ma part, et bien que très intéressé aussi par cet arrière-plan social, j'ai surtout été sensible à la dimension quasi-lyrique du film. Rocco et ses frères est très humain, mais c'est également un drame implacable avec la plupart de ses personnages. Si je ne veux pas dire pourquoi il est crucial, j'indique au moins que le plus beau d'entre eux est celui d'une femme, Nadia, qu'Annie Girardot incarne avec un brio incontestable. On profite d'une photo noir et blanc à la beauté incroyable, de superbes mouvements de caméra et d'une direction générale "aux petits oignons": il n'est pas indécent de parler de chef d'oeuvre. Avec aussi, en guise de cerise, la musique de Nino Rota. Tant d'éclat pourrait sans nul doute vous laisser avec une impression d'excès, mais, pour peu que vous accrochiez au départ, je suis certain que ce magistral opus saura vous tenir en haleine jusqu'à son terme. C'est d'autant plus remarquable qu'à l'époque, l'Italie n'était pas avare de (très) grands films - NB: celui-ci fut primé à la Mostra de Venise. Le type d'oeuvres que j'aimerais voir classées au patrimoine mondial !
Rocco et ses frères
Film italien de Luchino Visconti (1960)
Une oeuvre remarquable, qui me semble prolonger le style néoréaliste en le surpassant: la vie telle qu'elle est, avec une emphase artistique. Cela me pousse à vous recommander d'autres films antérieurs considérés comme fondateurs, Rome ville ouverte étant le plus cité. Sorti lui aussi en 1960, La dolce vita adopte un autre ton encore. Maintenant, si vous préférez rire, voyez Divorce à l'italienne (1961) !
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Et si vous voulez d'autres pistes...
Vous pourrez également retrouver les avis de Dasola, Strum et Lui. Autre beau texte: une chronique (rétrospective) de notre ami Eeguab.
Rocco et ses frères raconte l'histoire d'une famille du sud de l'Italie. Quand le récit commence, le père est mort et, poussés par la misère sociale, la mère et quatre des fils arrivent à Milan, cette ville où l'aîné de la fratrie - Vincenzo - vit déjà avec sa fiancée. Ce déracinement commence assez mal pour les "sudistes", la grande ville du Nord n'étant pas franchement accueillante et partageuse de ses emplois. L'ensemble du film va alors être découpé en cinq chapitres symboliques, orienté chacun sur un frère différent, dans l'ordre décroissant des âges. Une précision: deux de ces protagonistes masculins sont vraiment essentiels pour l'avancée du récit lui-même. Disons que leurs caractères les conduiront assez vite à s'opposer. Comme d'habitude, je vais laisser de nombreux éléments de scénario dans l'ombre: le film est riche, de fait, et dure presque trois heures. Plus qu'au sujet, d'aucuns s'intéressent d'abord au reflet qui est donné de la situation de nombreux Italiens, partis de leur campagne natale sans jamais trouver de quoi subsister dans le nouveau cadre urbain...
Pour ma part, et bien que très intéressé aussi par cet arrière-plan social, j'ai surtout été sensible à la dimension quasi-lyrique du film. Rocco et ses frères est très humain, mais c'est également un drame implacable avec la plupart de ses personnages. Si je ne veux pas dire pourquoi il est crucial, j'indique au moins que le plus beau d'entre eux est celui d'une femme, Nadia, qu'Annie Girardot incarne avec un brio incontestable. On profite d'une photo noir et blanc à la beauté incroyable, de superbes mouvements de caméra et d'une direction générale "aux petits oignons": il n'est pas indécent de parler de chef d'oeuvre. Avec aussi, en guise de cerise, la musique de Nino Rota. Tant d'éclat pourrait sans nul doute vous laisser avec une impression d'excès, mais, pour peu que vous accrochiez au départ, je suis certain que ce magistral opus saura vous tenir en haleine jusqu'à son terme. C'est d'autant plus remarquable qu'à l'époque, l'Italie n'était pas avare de (très) grands films - NB: celui-ci fut primé à la Mostra de Venise. Le type d'oeuvres que j'aimerais voir classées au patrimoine mondial !
Rocco et ses frères
Film italien de Luchino Visconti (1960)
Une oeuvre remarquable, qui me semble prolonger le style néoréaliste en le surpassant: la vie telle qu'elle est, avec une emphase artistique. Cela me pousse à vous recommander d'autres films antérieurs considérés comme fondateurs, Rome ville ouverte étant le plus cité. Sorti lui aussi en 1960, La dolce vita adopte un autre ton encore. Maintenant, si vous préférez rire, voyez Divorce à l'italienne (1961) !
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Et si vous voulez d'autres pistes...
Vous pourrez également retrouver les avis de Dasola, Strum et Lui. Autre beau texte: une chronique (rétrospective) de notre ami Eeguab.
10 commentaires:
Hello Martin. Magistral opus que Rocco... Je n'en dirai pas plus mais tu connais ma passion pour ce cinéma en prise avec son temps, son pays, son peuple, bien que signé d'un aristocrate. Mais ô combien complexe. Et merci pour le lien, sur un article très ancien qui résume un grand pan de ma cinéphilie. Bonjour aux tiens l'ami.
Un chef-d'oeuvre ! Le plus beau film de Visconti avec Le Guépard. Un film aussi émouvant que terrible (la scène illustrée par ta deuxième photo est terrifiante). On peut rappeler que le scénario s'inspire de L'Idiot de Dostoïevski. Merci pour le lien Martin !
@Eeguab:
Je te dédie cette chronique, mon ami, toi qui est mon maître ès-cinéma italien.
Tu as tout résumé en quelques lignes admirables. Je vais poursuivre mes explorations...
Merci pour les miens ! Et mes amitiés à Madame !
@Strum:
Difficile de départager les deux films, "Rocco" et "Le Guépard".
Trop de belles choses en commun, sans doute, et trop de différences par ailleurs.
Je n'avais pas fait le rapprochement avec Dostoïevski.
Résultat: si tu repasses par là, je ne suis pas contre une courte explication.
Je continue mon "Festival" maison Visconti.
Après Ludwig, j'ai vu Senso, Les Amants diaboliques, Les damnés, Mort à Venise.
J'aimerais voir L'innocent et Violence et passion.
Rocco et ses frères est magnifique (Annie Girardot est tellement merveilleuse dans ce film, Alain Delon également, par contre je n'aime pas du tout Renato Salvatori qui joue très mal (dans tous se films) je trouve, ce qui est gênant) mais pour moi le meilleur des meilleurs reste Le guépard suivi de près par Ludwig.
Cette scène avec la photo de Nadia, quel choc !
Pour comprendre Strum, il faut aller lire sa note je crois.
Annie Girardot... j'ai encore tant à découvrir de cette actrice. Je l'aime beaucoup.
En général, je ne suis pas déçu par le cinéma italien (ou franco-italien) de cette époque.
Pour ce qui est de Strum, j'irai sans doute le relire quand j'aurai un moment, à tête reposée. Merci.
J'ai fini par le voir - après une quinzaine d'années d'attente à loucher sur le DVD... toutes les fois qu'il revenait à la surface d'une PAV (pile à voir). Pour Rocco, je dirais: trop bon, tROp C... (c'est vraiment le sentiment que ça m'a inspiré).
Est-ce que le plus jeune des fils terra son épingle du jeu?
Je ne sais pas si le plus jeune s'en sortira, mais il y a une chance.
Pour ce qui est de Rocco, ce n'est pas mon personnage préféré. Celui de Nadia est bien plus intéressant.
Bonsoir Martin, merci pour le lien pour un film inoubliable mais tellement triste. Le destin du personnage joué par Annie Girardot est bouleversant. Bonne soirée.
Bien d'accord avec tout ce que tu as écrit, Dasola.
Même si ce n'est pas mon classique italien préféré, c'est à l'évidence un grand film !
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