lundi 25 novembre 2019

Entre frères

Les films politiques sont-ils voués à créer la polémique ? Je me pose cette question après avoir revu Land and freedom, que j'avais aimé en toute innocence lors de sa sortie, il y a bientôt vingt-cinq ans. Figure tutélaire d'un certain cinéma britannique, Ken Loach tournait son regard vers l'Espagne et c'était pour moi un vrai choc émotionnel !

Un quart de siècle plus tard, désormais nourri de centaines de films internationaux dont quelques autres du vieux lion, j'ai donc saisi l'occasion de revoir Land and freedom avec davantage de recul. Constat premier: en termes d'engagement, tout est resté inchangé. Cette notion même est au coeur du long-métrage, récit du parcours d'un jeune Anglais parti en 1936 rejoindre les rangs des milices républicaines espagnoles engagées contre Franco, futur dictateur. Difficile de ne pas identifier de nouvelles résonances au monde d'aujourd'hui dans cette fresque historique... et c'est ce qui a réveillé mes émotions d'hier ! Au-delà, le scénario met les pieds dans le plat des violents débats qui opposent toujours les chercheurs et historiens quant aux réelles responsabilités des uns et des autres, sur le sol espagnol ou ailleurs, dans l'échec de cette lutte armée pour la liberté et la démocratie. Je ne suis pas convaincu qu'il faille prendre parti dans ce cadre pour apprécier le film, même s'il reste très intéressant de se forger une opinion au vu des faits historiques. À vous de voir...

C'est un fait: à mes yeux, l'important est ailleurs. Land and freedom repose sur un élan, bien plus que sur une exaltation, me semble-t-il. Habile artisan dans sa manière (unique ?) de façonner et de rendre compte de la grande Histoire du monde, Ken Loach dresse un tableau sensible à partir de quelques personnages forts. Si quelques images d'archives introduisent son propos, le principe n'est jamais de citer chaque "grand nom" de cette terrible guerre fratricide, au contraire. Fidèle à ses habitudes, le cinéaste se penche sur le sort des anonymes pour construire un récit plausible, à défaut d'être calqué sur la réalité des événements. C'est ainsi qu'il parvient à m'intéresser franchement au sujet... et à mobiliser mes émotions, sans chercher un réconfort illusoire. Ce récit, si digne soit-il, ne pouvait bien sûr pas déboucher sur un happy end, de toute façon. Il vaut mieux vous laisser découvrir comment - et sur quelle symbolique - s'achève le retour en arrière. Tout est aussi affaire de transmission. Et oui, je trouve cela beau ! Soyez-en assurés: le cinéma a toute sa place dans une telle évocation.

Land and freedom
Film britannique de Ken Loach (1995)

Le long-métrage n'est pas sans défaut, mais je crois qu'il mérite toutefois cette excellente note, étant donné l'importance des valeurs qu'il met en avant. Sa beauté formelle m'a rappelé celle de 1900. Concentré en deux (petites) heures, le récit est d'autant plus fort. Rappel: Ken Loach, cinéaste social, a aussi illustré les guerres civiles d'Irlande, avec Le vent se lève et Jimmy's hall. Deux films à (re)voir.

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Sur la grande toile, j'ai trouvé d'autres chroniques...
Mention spéciale pour l'amie Sentinelle: moins assidue sur son blog aujourd'hui, elle avait visiblement aimé le film. Vincent, lui, l'évoque notamment ici, en quelques mots certes, mais pour en dire du bien. "L'oeil sur l'écran" peut également vous proposer deux textes courts. Eeguab, bonjour ! Si tu passes par ici, j'aimerais bien avoir ton avis !

6 commentaires:

Pascale a dit…

J'ai honte... Un des rares Kenny que je n'ai pas vu.
Donc je suis entièrement d'accord avec toi.

Martin a dit…

En voilà une bonne nouvelle !
De ton côté, je crois qu'une séance de rattrapage s'impose.

cc rider a dit…

Le premier film de Ken , que j'ai vu et qui m'avait profondément marqué est en fait sa deuxiéme réaisation, il s'agit de "Kes".

Drame social, bien sur , mais sur fond d'amitié entre un adolescent et un faucon...

A revoir

Martin a dit…

Merci pour ce rappel, CC Rider !

J'ai l'image en tête de ce gosse avec son faucon. Il me faudrait voir le film !
Parmi les plus vieux, j'ai vu "Riff-raff", mais je n'en garde guère de souvenirs...

Véronique Hottat a dit…

Coucou Martin,

Ravie que tu donnes un si belle note à ce film, que j'ai vu et revu avec autant d'enthousiasme que toi, un film tenant très bien la route malgré les années qui passent. Il reste d'ailleurs l'un de mes préférés du réalisateur (gros faible aussi pour My Name is Joe, avec l'excellent Peter Mullan).

Merci pour le lien et très bon we à toi, ami cinéphile :)

Martin a dit…

Sentinelle ! Quelle belle surprise !

Oui, le film traverse bien les années: c'est l'avantage des (bons) films historiques.
Pour ma part, j'aime aussi beaucoup "Looking for Eric", l'un des rares films positifs de Ken Loach.