samedi 20 avril 2019

Une femme chinoise

Je ne prétends pas que je connais parfaitement le cinéma chinois. Ses réalités sont complexes: nous autres, Occidentaux, regroupons sous ce vocable des films venus de Chine continentale, de Hong Kong, de Singapour, de Taïwan et du Tibet ! Je n'ai pas étudié la question en détails avant de voir Les éternels. Oui, j'y reviendrai, peut-être...

Avant cela, j'ai donc découvert en Jia Zhang-ke un réalisateur chinois confirmé: 48 ans "seulement" et déjà un douzième long-métrage ! D'ailleurs, une partie de la critique relève qu'ici, il utilise des plans tournés il y a déjà de longues années, ce qui lui permet, en ajoutant toutes ses images nouvelles, de montrer comment son pays évolue. D'ailleurs, le scénario, lui aussi, s'étale dans le temps, sur une période d'une quinzaine d'années. Il suit chaque pas de Qiao, jeune femme issue d'un milieu populaire, tombée amoureuse d'un chef de la pègre. Contre toute attente, c'est l'intervention musclée de cette anonyme qui tire le gangster d'un très mauvais pas. La réalité finit toutefois par rattraper le couple, lorsque Madame est jetée en prison pour port d'arme prohibé. On découvre alors, petit à petit, que la criminalité organisée n'est pas le vrai sujet du film: Les éternels nous parle davantage de l'évolution d'une relation humaine et des changements sociaux d'une nation. Je dirais à ce stade que tout cela est sombre. Passez votre chemin si vous cherchez quelque chose de divertissant...

Pour autant, réduire ce qui nous est montré à sa dimension dramatique serait pour le moins simpliste. Ce type d'histoire s'appréhende sans réel plaisir, mais la forme est tellement soignée qu'elle justifierait presque à elle seul qu'on s'intéresse au récit. Cocorico ! Les plus cocardiers d'entre nous noteront que Jia Zhang-ke s'est aussi appuyé sur une expertise française, celle d'Éric Gautier comme directeur photo - et c'est un travail sublime, croyez-moi. Aventureux, le cinéaste s'autorise des plans étonnants, en évoquant notamment l'existence (souhaitable ?) de créatures extraterrestres. Pragmatique malgré tout, Les éternels n'oublie pas l'importance cruciale des acteurs: tout tourne ici autour de Zhao Tao, la compagne et la muse du cinéaste, impeccable et impressionnante de rigueur. Pour pousser l'analyse, on pourrait dire que le film revient également sur les mythes du Jiang hu, cette partie de la population chinoise restée en marge de la société traditionnelle. Vaste sujet, en vérité ! Constat d'évidence: le cinéma chinois n'a pas fini de me surprendre...

Les éternels
Film chinois de Jia Zhang-ke (2018)

Pour me résumer, je vous dirais que ce (beau) portrait d'une Chinoise vaut le détour, d'autant qu'il en dit long sur le pays. J'ai été surpris d'apprendre que Jia Zhang-ke était député depuis l'année dernière. Nous aurions tôt fait de classer les cinéastes chinois en contestataires du pouvoir. Parmi mes découvertes, je préfère la fresque historique d'Adieu ma concubine et la magnificence de The assassin. À suivre !

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Si jamais vous voulez creuser le sujet...

Je peux vous suggérer de le faire en compagnie de Pascale et Strum.

4 commentaires:

Pascale a dit…

L'histoire incompréhensible dune passion pour un type médiocre incapable d'aimer et de respecter les règles qu'il a lui-même édictées.
Le film dans le film de la 2eme partie lorsqu'elle sort de prison est LA partie passionnante.
Le reste est bien looooong.

le criminalité 

Martin a dit…

En suivant ce type, il me semble que Qiao se donne l'impression de progresser socialement.
Je note qu'à la fin du film, c'est plutôt lui qui revient vers elle que le contraire.L

Avec un peu de recul, je trouve que le film est lent, mais pas si long pour ce qu'il raconte.

Strum a dit…

Merci Martin pour le lien. Un film pessimiste dont la partie centrale est en effet la meilleure. L'ensemble reste très intéressant pour qui s'intéresse à l'histoire de la Chine ces dernières années.

Martin a dit…

Pas d'quoi, Strum !
Le film est très sombre, en effet, et je suis d'accord avec toi sur le côté "historique".